InfoMIE.net
Informations sur les Mineurs Isolés Etrangers

Accueil > Actualités MIE > Débats/Propositions > L’accueil des mineurs isolés étrangers manque de moyens. Un statut pour les (...)

L’accueil des mineurs isolés étrangers manque de moyens. Un statut pour les mineurs étrangers isolés : qu’attend l’Europe ? (7 septembre 2011)

Publié le : mercredi 7 septembre 2011

Voir en ligne : http://europe-liberte-securite-just...

Source : Le blog de www.EU-logos.org

Leur situation est perdue de vue y compris par les institutions européennes, pourtant un instant sensibilisées et réactives (cf. Nea say). Le journalLa Croixrappelle leur situation à partir de deux exemples : Paris et la banlieue parisienne et Lampedusa . Des mineurs afghans sont hébergés dans un centre de l’Armée du Salut, à Paris, une halte pour mettre fin à l’errance. Par ailleurs le président du conseil général de Seine-Saint-Denis, Claude Bartolone, a annoncé que sans une aide de l’État il ne pourrait plus accueillir de nouveaux mineurs étrangers à partir de demain. De son côté Lampedusa a du mal à faire face à l’afflux de jeunes Africains. La nouvelle loi sur l’immigration, dite « loi Besson « apporte-t-elle quelque chose ? Clairement c’est non !

Relisons le journalla Croix« La scène se répète chaque jour place du Colonel-Fabien à Paris. Entre 40 et 50 adolescents étrangers se présentent dans l’espoir d’obtenir un toit pour la nuit. Et une grande partie d’entre eux ne sera pas mise à l’abri par manque de place. « Nous sommes obligés de nous occuper en priorité de ceux qui ont l’air les plus jeunes et les plus vulnérables, c’est un vrai déchirement pour les travailleurs sociaux, qui doivent en quelques minutes évaluer au mieux la situation », témoigne Pierre Henri, directeur général de France terre d’asile, organisation chargée de l’hébergement des mineurs isolés étrangers (MIE) dans la capitale. Saturés, les services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) de la ville ne parviennent plus, quant à eux, à répondre à l’afflux de mineurs isolés étrangers. L’an dernier, les services de la ville avaient pris en charge 1 350 jeunes migrants. Depuis janvier 2011, 1 600 ont déjà été accueillis. Les budgets explosent : 40 millions d’euros en 2009, 70 millions en 2010. « L’État ne nous a remboursés que 179 808 € sur les 105 millions qu’il aurait dû verser. C’est une charge que nous ne pouvons plus assumer seuls sans compensation », estime Romain Lévy, adjoint à la protection de l’enfance.

La situation est tendue également en Seine-Saint-Denis, où de nombreux migrants arrivent via l’aéroport de Roissy. En 2010, le département a accueilli 943 mineurs étrangers à l’Aide sociale à l’enfance. Leur prise en charge a coûté 35 millions d’euros, soit 20 % du budget consacré à l’enfance. En 2011, ils pourraient être plus d’un millier si la tendance observée depuis janvier se poursuit.

Face à ce constat, le président du conseil général Claude Bartolone a lancé à l’État un ultimatum. Il a annoncé au mois de juillet que sans une aide supplémentaire, il cessera d’accueillir de nouveaux jeunes à partir du 1er septembre. Ses services renverront systématiquement les mineurs vers les services dela Protectionjudiciaire de la jeunesse. Il entend par ailleurs saisir la justice administrative « pour obtenir une compensation financière de la prise en charge des mineurs isolés étrangers ». Et demande une répartition plus équilibrée entre les départements pour l’accueil de ces mineurs. (…)

Le manque de moyens porte avant tout préjudice aux grands adolescents qui ne possèdent pas de document administratif fiable attestant de leur année de naissance. Dans ce cas de figure assez fréquent, le parquet demande une expertise médicale pour déclarer le jeune mineur ou majeur. La pratique la plus courante est la détermination de l’âge osseux, réalisée notamment à partir d’une radio du poignet. Mais ce procédé qui date du début du siècle dernier, vivement critiqué par l’Académie nationale de médecine, a une marge d’erreur estimée à dix-huit mois. « Désormais, c’est la fourchette haute de l’estimation qui est prise en compte, et le jeune n’est pas pris en charge par la protection de l’enfance », constate Jean-Pierre Alaux, juriste en charge des mineurs au Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti).

Dilemme majeur sont-ils mineurs ou majeurs ? La tâche est d’autant plus délicate que les services sociaux et juridiques ne sont pas cohérents dans leurs appréciations. « Un jeune peut très bien être déclaré majeur alors qu’il demande la protection de l’ASE, et considéré comme un mineur, avec demande de tutelle, lorsqu’il tente un recours au tribunal administratif contre le refus de sa prise en charge », poursuit-il.

La Protectionjudiciaire de la jeunesse (PJJ), consciente des limites des méthodes d’estimation de l’âge, a constitué un groupe de travail qui doit proposer des alternatives. Claude Roméo, membre de France terre d’asile et de ce comité de réflexion, prône l’utilisation d’une grille d’évaluation recoupant des informations sur le comportement, le parcours, la scolarité, et la famille du jeune. « À partir de ce document de cinq pages que nous avons élaboré, ce serait le rôle du travailleur social d’émettre l’idée qu’il s’agit d’un mineur ou d’un majeur. »

Didier Piard, directeur de l’action sociale à la Croix-Rougefrançaise, demande quant à lui la mise en place d’un véritable statut pour les mineurs étrangers isolés. « Sans cela, il n’y aura pas de véritable recensement de cette population, donc pas de gestion rigoureuse, ni de clarification dans la répartition des financements. » Dans cet esprit, le rapport de la sénatrice UMP Isabelle Debré recommandait notamment, voilà plus d’un an, la mise en place d’un fond partagé entre les départements qui permette de soulager financièrement les territoires plus concernés par les flux migratoires. Pour l’heure, sa proposition est restée lettre morte. » Pour ce qui est du rapport de la sénatrice Isabelle Debré, cf Nea say. http://www.eu-logos.org/eu-logos_nea-say.php?idr=4&&nea=39&lang=fra&arch=0&idnl=1542

Que nous dit-t-elle ? Une présence accrue de mineurs non accompagnés depuis une dizaine d’années mais des estimations difficiles. La présence des mineurs isolés étrangers en France est repérée au début des années 1980 avec l’arrivée de jeunes Yougoslaves (Tsiganes et Roms le plus souvent originaires de Bosnie et de Serbie). L’arrivée de ces enfants s’amplifie à partir de 1999 dans différents points du territoire : Paris,la Seine-Saint-Denis, le Nord et le Pas-de-Calais, les Bouches-du-Rhône et Lyon. Outre les jeunes d’Europe de l’Est (Roumanie, ex-Yougoslavie, Albanie), les mineurs isolés étrangers arrivent du Maghreb, du Moyen-Orient, d’Afrique subsaharienne et de Chine.

Une prise en charge confiée aux départements reste impossible, surtout en Seine-Saint Denis (région parisienne). Dès 2003, les professionnels chargés de la mise en œuvre des dispositifs de la protection de l’enfance et les conseils généraux d’Île-de-France tirent le signal d’alarme et dénoncent une « saturation » de leurs services. L’État et les départements mobilisent d’importants moyens pour développer des structures d’accueil. La loi de 2007 donne aux départements la mission de prendre en charge les mineurs isolés, qu’ils soient français ou étrangers. En 2009, Paris etla Seine-Saint-Denis accueilleraient près des deux tiers des mineurs à leur arrivée en France. Le département du Pas-de-Calais est, quant à lui, un territoire de transit : 2 250 mineurs ont traversé ce département en 2009, pour 20 placés au long cours dans des dispositifs de protection de l’enfance. Les mineurs étrangers isolés sont une préoccupation importante à Mayotte. De nombreux mineurs comoriens, notamment, arrivent au péril de leur vie en kwassa-kwassas, bateaux de fortune en résine. 3 246 mineurs étaient interceptés en 2009 dans ces embarcations.

La nouvelle loi dite loi Besson du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité apporte t-elle quelque chose ? Le registre de rétention mentionnera désormais l’état civil des enfants accompagnant leurs parents et les conditions de leur rétention (rubrique « accueil ».Auparavant ils n’étaient pas mentionnés dans ce registre car, selon le Conseil d’Etat,, ils ne faisaient qu’accompagner leurs parents et n’étaient pas personnellement destinataires d’une mesure de privation de liberté. Mais par cette mesure le législateur entérine la rétention administrative des mineurs.

Cette rétention qui devait être proscrite par principe et par respect de l’intérêt supérieur de l’enfant, a déjà plusieurs fois considéré par les juges comme un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 dela Conventioneuropéenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ou encore contraire à l’article 3-1 dela Conventioninternationale relative aux droits de l’enfant. La réforme ne ferait qu’aggraver les conséquences psychologiques de l’enfermement de l’enfant.

La loi s’éloigne à nouveau de la directive retour qui prévoit en son article 17-1 que « les mineurs non accompagnés, les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible ». L’alinéa 5 du même article ajoute que « l’intérêt supérieur de l’enfant constitue une considération primordiale dans le cas de rétention de mineurs dans l’attente d’éloignement ». Plus largement la directive européenne préconise de protéger les personnes vulnérables ce que la loi ne prend pas en compte, tentant même d’allonger la durée de la rétention sans distinction de catégories de personnes.

Quant à Lampedusa, l’île a du mal à faire face à l’afflux de jeunes Africains. L’ONG Save the Children, qui s’occupe des mineurs isolés arrivant sur l’île italienne de Lampedusa, s’inquiète de voir leurs conditions d’accueil se détériorer. En juin, c’en était trop. Plus de 400 mineurs isolés ont été bloqués « dans des conditions sanitaires précaires » à Lampedusa, la petite île italienne située entre les côtes tunisiennes, libyennes et siciliennes. L’ONG Save the Children s’alarmait de les voir partager le même camp que les réfugiés adultes alors que, selon la loi italienne, les mineurs devaient être placés dans des foyers ou dans des familles d’accueil sur le continent. L’organisation humanitaire avait alors lancé un appel au gouvernement de Silvio Berlusconi : une lettre ouverte signée par quelques-uns des enfants de Lampedusa venus du Bangladesh, du Burkina Faso, du Cameroun, du Ghana, de Guinée, de Côte d’Ivoire, de Libye, de Somalie et du Tchad.

La situation ne s’est guère apaisée depuis. Certes, sur les 845 migrants qui vivent aujourd’hui à Lampedusa, il n’y a plus que 225 mineurs – ce qui signifie tout de même qu’un quart des migrants qui traversentla Méditerranéeen direction de l’Europe sont encore des enfants. « Mais les conditions d’accueil à Lampedusa demeurent précaires, notamment à cause de la promiscuité et des mauvaises conditions d’hygiène, note Flore Murard, de Save the Children, qui repère les mineurs isolés dès leur arrivée. Les matelas sont entassés par terre et les enfants, pour des raisons de sécurité, n’ont pas le droit de sortir de la structure. Une situation d’autant plus difficile que, pour la plupart, ces jeunes sont là depuis plus d’un mois. »

D’habitude, les mineurs sont hébergés dans une zone isolée du centre d’accueil de Lampedusa avant d’être transférés vers d’autres structures spécialisées, en Sicile ou en Calabre. « Les enfants sont particulièrement vulnérables, et nous avons le devoir de les protéger avec des conditions d’accueil spécifiques et appropriées », assure Jean-Philippe Chauzy, porte-parole de l’Organisation internationale pour les migrations. Depuis janvier, 2 400 mineurs environ ont été accueillis à Lampedusa. Quarante-cinq fois plus qu’en 2010. La vague a englouti les services du ministère italien de l’intérieur et les associations. D’autant que ces adolescents ont des besoins immenses. « Qu’il s’agisse de Subsahariens qui avaient déjà migré en Libye, seuls, pour y gagner un peu d’argent, de jeunes qui ont été séparés de leurs proches par la guerre civile, ou d’enfants qui ont été envoyés en Italie par leur famille, pour qui c’était le seul moyen de sauver leur peau, nous faisons toujours face à des histoires terribles », assure Jean-Philippe Chauzy.