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La protection de l’enfance doit refuser les tests d’âge osseux

Publié le : mardi 12 janvier 2016

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Source : http://www.lemonde.fr

Les signataires de ce texte : Brigitte Chabrol (présidente de la Société française de pédiatrie) ; Patrick Cottin (président de l’Association Nationale des Maisons des Adolescents) ; Nathalie Gelbert (présidente de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire) ; Paul Jacquin (président de la Société française pour la santé de l’Adolescent) ; Catherine Salinier (présidente de l’ONG Pédiatres du monde) ; Pierre Suesser (président du Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile)

« La société et les pouvoirs publics se montrent très soucieux depuis plusieurs décennies des droits et de l’intérêt supérieur de l’enfant. La France a d’ailleurs ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant, institué un Défenseur des enfants et inscrit de nombreuses mesures en faveur de la protection de l’enfance dans la législation.

L’actuelle proposition de loi pour la protection de l’enfance entend encore améliorer le dispositif, et une large concertation a dégagé un consensus sur de nombreuses avancées : instauration d’un comité national de protection de l’enfance, institution d’un médecin référent « protection de l’enfance » par département, projet pour l’enfant confié à l’aide sociale à l’enfance davantage axé sur la globalité de son développement, attention renforcée quant à la place des parents, protection mieux affirmée pour les jeunes majeurs…

Cette proposition de loi, sur le point d’être définitivement adoptée par le Parlement après la réunion de la commission mixte paritaire, risque pourtant d’être entachée d’une marque indélébile aux antipodes de sa vocation de protection de l’enfance : elle comprend en effet la possibilité de recourir à des examens radiologiques de maturation osseuse pour établir l’âge civil de mineurs étrangers isolés. On s’étonnera déjà qu’un article du Code civil aussi universel que celui qui indique que « le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis » soit ainsi complété d’une disposition de pure circonstance.

Un texte potentiellement dangereux et violent
Sur le fond toutes les instances officielles médicales et scientifiques consultées - Académie nationale de médecine, Haut Comité de santé publique, Conseil national d’éthique - ont affirmé limpidement qu’un tel examen n’est nullement fiable pour établir l’âge civil d’une personne aux confins de l’enfance et de l’âge adulte, la marge d’erreur se situant entre dix-huit et vingt-quatre mois. De plus le détournement d’examens médicaux pour une finalité administrative, bien loin de protéger, risque d’empêcher d’obtenir un droit au séjour, et constitue une faute éthique.
Il ne faut d’ailleurs pas oublier que l’usage de la radiographie osseuse, même délivrant une dose minime de rayon, est potentiellement nuisible à la santé, alors qu’ici rien ne le justifie médicalement. Les médecins n’ont-ils pas mieux à faire à l’égard de jeunes étrangers dont l’état de santé bien souvent altéré requiert assurément des soins ? Le caractère également humiliant de la procédure envers ces jeunes déjà soumis à des situations traumatiques et de détresse qui les ont poussés à l’exil, constitue une violence supplémentaire d’autant plus intolérable qu’elle procède de notre Etat de droit.

Les précautions inscrites dans le projet de loi (accord de l’intéressé, recours à l’autorité judiciaire, doute profitant à la personne…) n’enlèvent rien à ces objections : ainsi l’éventuel refus du jeune de se prêter au test radiologique suscitera immanquablement le soupçon de fraude à l’état de minorité... Il est encore temps de restaurer toute sa noblesse au projet de loi de protection de l’enfance en renonçant à une procédure inopérante, stigmatisante, génératrice d’arbitraire, en un mot « contre-éthique », envers des jeunes qui appellent, non pas la suspicion, mais à notre protection. [...] »