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Proposition de loi n°2312 visant à supprimer les dispositions relatives aux mineurs non accompagnés dans la loi n° 2024‐42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration

Publié le : lundi 18 mars 2024

Source : Assemblée nationale

Voir en ligne : www.assemblee-nationale.fr

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 mars 2024.


Texte :

« EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, en dépit des censures opérées par le Conseil constitutionnel, contient de nombreuses dispositions contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Les débats lors de l’examen de ce projet de loi ont véhiculé des représentations insultantes à l’égard des étrangers, y compris des enfants. Les discours politiques accusent en effet les mineurs non accompagnés d’être à l’origine de tous les maux, notamment de la crise de la protection de l’enfance. Ils sont également décrits comme étant, par essence et de manière automatique, des délinquants en puissance.

Ces discours abjects se sont concrétisés par l’adoption de mesures portant atteinte au principe d’égalité et à l’intérêt supérieur de l’enfant que cette proposition de loi vise à abroger.

L’article 39 de cette loi prévoit la création d’un fichier "mineurs non accompagnés délinquants". Cette mesure vise à ficher les mineurs pour lesquels "il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale ou l’établissement d’un lien entre plusieurs infractions commises par un seul de ces mineurs". Cette rédaction imprécise ouvre la possibilité à un fichage de masse, laissant place à un arbitraire inquiétant.

Ce fichier permet un relevé d’empreintes digitales et de photographie hors de toute condamnation pénale et sous contrainte. De plus, la durée de conservation des données est floue.

Dans sa décision du 12 janvier 2024, la Défenseure des droits dénonce la dangerosité d’un tel fichier en précisant que "les dispositions telles que formulées ne garantissent ni l’absence de croisement des données issues de ce nouveau traitement avec d’autres, ni l’absence de consultation par les autorités préfectorales, notamment dans le cadre de la procédure de détermination de minorité, ce sans aucune considération des droits et de l’intérêt supérieur des mineurs."

C’est une mesure qui porte atteinte au droit à la vie privée, ainsi qu’au principe d’égalité. La création de ce fichier est discriminatoire car il ne vise que les mineurs étrangers n’ayant pas de parents sur le territoire. Ces enfants en conflit avec la loi doivent au contraire être considérés comme des enfants en danger. Ils sont isolés et particulièrement vulnérables du fait de leur parcours migratoire. Lorsqu’ils sont victimes de traite et d’exploitation, ils doivent faire l’objet d’une protection renforcée et relever du principe de non-sanction.

L’article 44 de cette loi a modifié l’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles afin que les jeunes majeurs qui ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance durant leur minorité ne puissent continuer de bénéficier des dispositifs d’accompagnement lorsqu’ils font l’objet d’obligation de quitter le territoire français. Cette mesure qui relève de la protection de l’enfance n’a pas sa place dans un texte relatif à l’immigration.

La mesure de "contrats jeunes majeurs" vise à mettre fin aux sorties sèches de l’aide sociale à l’enfance. Aujourd’hui, les contrats jeunes majeurs restent l’exception et sont souvent signés pour une durée inférieure à six mois. Cette mesure vient aggraver la situation de jeunes isolés et fortement vulnérables du fait de leur parcours de migration.

Cela s’oppose de fait à l’objet même de la prestation d’aide sociale à l’enfance garantie aux jeunes majeurs concernés, indépendamment de leur nationalité étrangère et de la régularité de leur séjour. Dans son ordonnance du 12 décembre 2022, le Conseil d’État a considéré que le droit à une prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance du jeune majeur qui remplit les conditions de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles (CASF) constitue une liberté fondamentale et ce même en présence d’une obligation de quitter le territoire français.

Enfin, l’article 86 de cette loi prévoit que l’interdiction de l’enfermement des enfants à Mayotte sera différée au 1er janvier 2027. L’interdiction de l’enfermement des enfants est enfin consacrée, après de nombreuses années de mobilisations d’associations et d’élus contre cette pratique attentatoire à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Reporter cette interdiction à 2027 à Mayotte ne repose sur aucun fondement juridique et demeure contraire aux obligations internationales de la France issue de la Convention internationale des droits de l’enfant. L’interdiction du placement de mineurs en rétention administrative doit donc concerner chaque enfant, de sa naissance au premier jour de ses 18 ans.

En 2022, sur les 2 999 enfants enfermés en rétention en France, 2 905 ont été placés au centre de rétention de Pamandzi. L’interdiction formelle de la rétention d’enfants à Mayotte se révèle d’autant plus urgente que de nombreuses violations des droits s’opèrent au sein du centre de rétention administrative de Pamandzi. Nombreux sont les enfants interpellés, placés en rétention et éloignés sans aucun représentant légal. Nombre d’institutions ont documenté des pratiques illicites comme la modification unilatérale des dates de naissance de mineurs afin de les considérer comme majeurs (Défenseur des droits, Décision n° 2022-2026 du 14 octobre 2022) ou encore le rattachement artificiel d’enfants à des tiers qui leur sont inconnus ou qui n’exercent pas l’autorité parentale (Cour EDH, 25 juin 2020, Moustahi c. France, n° 9347/14).

L’article 1er abroge la disposition créant le fichier de mineurs non accompagnés délinquants.

L’article 2 abroge la disposition du code de l’action sociale et des familles visant à interdire l’obtention d’un contrat jeune majeur pour un jeune sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).

L’article 3 abroge la disposition de la loi du 26 janvier 2024 qui reporte l’interdiction de la rétention des mineurs en lieux de rétention à Mayotte à 2027.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

L’article L. 142‑3‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.

Article 2

À la fin du 5° de l’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles, les mots : "et à l’exclusion de ceux faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile" sont supprimés.

Article 3

Le III de l’article 86 de la loi n° 2024‑42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration est abrogé.

Article 4

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »


Voir la proposition de loi au format PDF :

Proposition de loi n°2312