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Cour administrative d’appel de Marseille – Arrêt n°23MA01758 du 8 mars 2024 - Annulation OQTF édictée sur la base de résultats d’examens radiologiques osseux – Absence de recueil de l’accord préalable de l’intéressé dans une langue qu’il comprend – Marge d’erreur du résultat – Absence de preuve suffisante de la majorité

Publié le : mardi 19 mars 2024

Résumé :

La CAA annule l’arrêté portant OQTF édicté à l’encontre de l’intéressé (qui se déclare mineur et isolé) sur la base des résultats d’examens radiologiques osseux de la main et du poignet dont il a fait l’objet dans le cadre d’une procédure de placement en garde à vue.

En effet, il ne résulte pas des pièces du dossier que l’accord préalable de l’intéressé aurait été recueilli dans une langue qu’il comprend (en contradiction avec l’art. 388 du code civil et la décision du Conseil constitutionnel n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019). Par ailleurs, compte tenu de la marge d’erreur du résultat de l’examen radiologique osseux effectué selon la méthode Greulich et Pyle, qui concluait à un âge de 19 ans avec une incertitude de plus ou moins deux ans, le préfet n’apporte pas la preuve suffisante de la majorité.


Extraits :

« 1. M. B, de nationalité algérienne, né, selon ses déclarations, le […] 2006, a fait l’objet […] dans le cadre d’une procédure de placement en garde à vue […] d’examens radiologiques osseux de la main et du poignet gauches ayant conclu à un âge estimé à 19 ans. Sur la base de ces résultats d’examens, le préfet des Alpes-Maritimes a, par un arrêté du 1er mars 2023, obligé M. B à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination. M. B interjette appel du jugement du 19 mai 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d’annulation de cet arrêté.

[…].

4. Aux termes de l’article 388 du code civil : " Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis. / Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé. / Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé. / En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires. ". Il résulte de la décision du conseil Constitutionnel n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 que les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que les personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures. Notamment, seule l’autorité judiciaire peut décider de recourir à un tel examen. En outre, cet examen ne peut être ordonné que si la personne en cause n’a pas de documents d’identité valables et si l’âge qu’elle allègue n’est pas vraisemblable. Par ailleurs, cet examen ne peut intervenir qu’après que le consentement éclairé de l’intéressé a été recueilli, dans une langue qu’il comprend. Il appartient à l’autorité judiciaire de s’assurer du respect du caractère subsidiaire de cet examen.

5. S’il ressort des pièces du dossier, [...] que l’autorité judiciaire, en la personne du vice-président de la permanence au tribunal judiciaire de Nice, a décidé de la réalisation d’un examen radiologique osseux, il n’en résulte en revanche pas que l’accord préalable de M. B aurait été recueilli dans une langue qu’il comprend. Par ailleurs, compte tenu de la marge d’erreur du résultat du test osseux effectué selon la méthode Greulich et Pyle le 28 février 2023, qui concluait à un âge de 19 ans avec une incertitude de plus ou mois deux ans, le préfet des Alpes-Maritimes doit être regardé comme n’apportant pas la preuve suffisante de la majorité de M. B à la date de son arrêté.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. B est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d’annulation de l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 1er mars 2023. Il y a lieu, par suite, d’annuler ledit jugement ainsi que l’arrêté attaqué.

[…]. »


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CAA Marseille – Arrêt n°23MA01758 du 8 mars 2024