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Tribunal administratif de Marseille – Ordonnance n°2309941 du 2 novembre 2023 – Référé liberté – Le département est enjoint d’accorder une aide provisoire jeune majeur – Il ne serait faire état du refus de l’intéressé de répondre aux engagements du contrat jeune majeur et de son comportement – Problèmes de santé psychiques et addictifs – Fin de contrat jeune majeur sans autre alternative qu’un hébergement 115

Publié le : vendredi 15 mars 2024

Résumé :

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé liberté ») enjoint au département d’accorder à l’intéressé, jeune majeur pris en charge par l’ASE durant sa minorité, le bénéfice d’une prise en charge prévue par l’art. L. 222-5 du CASF (aide provisoire jeune majeur).

Après avoir bénéficié à sa majorité d’un contrat jeune majeur d’un mois, le département a refusé de prolonger son accompagnement et l’a été orienté vers une prise en charge par le 115.

Le comportement de l’intéressé, dû à des problèmes de santé psychiques et addictifs, avait amené l’aide sociale à l’enfance à constater son inadaptation à une structure collective classique et à envisager une orientation vers une structure de soins plus adaptée. Toutefois, le juge des référés souligne qu’il ne résulte d’aucun élément que ce dernier aurait fait l’objet d’un diagnostic sur son état de santé afin de confirmer une telle orientation.

Au regard de son profil et de cette préconisation d’orientation, le juge des référés retient que le département ne saurait faire état de son refus de répondre aux engagements souscrits dans le cadre du contrat jeune majeur et de son comportement. Il n’est en outre pas contesté qu’il ne dispose ni de ressources, ni d’un soutien familial suffisants.
Ainsi, l’intéressé est fondé à soutenir que la décision de département de ne pas renouveler sa prise en charge porte, dans les circonstances particulières de l’espèce, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

En outre, l’interruption brutale de sa prise en charge sans aucune solution alternative d’hébergement autre que le 115 est susceptible de le placer dans une situation de précarité dangereuse pour sa sécurité et de compromettre le suivi de son état de santé. La condition d’urgence est ainsi remplie.


Extraits de l’ordonnance :

« […].

6. Il résulte de l’instruction que M. B […] a fait l’objet d’une ordonnance de placement provisoire pour mineur non accompagné […]. Par une ordonnance […] l’intéressé a ensuite bénéficié d’une mesure de placement auprès de l’aide sociale à l’enfance des Bouches-du-Rhône jusqu’à sa majorité, soit le 29 août 2023. A sa majorité, en raison d’une addiction au cannabis rendant son parcours d’insertion difficile, M. B a bénéficié d’un contrat jeune majeur " court ", valable du 29 août 2023 au 30 septembre 2023, afin d’envisager une orientation vers une autre structure. La prise en charge du requérant s’est achevée à l’issue de ce contrat jeune majeur " court " et l’intéressé a été orienté vers une prise en charge par le 115 pour une quinzaine de jours.

7. Il résulte de l’instruction, notamment des signalements d’incidents rencontrés au sein de la structure d’hébergement collective [...], M. B, consommateur de cannabis, a présenté des problèmes de santé psychiques et addictifs à l’origine d’un comportement préoccupant très agressif et inapproprié vis-à-vis du personnel chargé de sa prise en change et voulu attenter à ses jours, à l’origine d’une faible mobilisation de sa part lors des différents stages de formation qui lui ont été proposés. Un tel comportement révélant une grande souffrance psychique a conduit le service de l’aide sociale à l’enfance à constater, aux termes des stipulations du contrat de jeune majeur court, son inadaptation dans une structure collective classique et à envisager une " orientation vers une structure de soins " plus appropriée à son profil. Il ne résulte d’aucun élément versé aux débats, notamment de compte-rendu médical, que M. B aurait fait l’objet d’un diagnostic sur son état de santé afin de confirmer une telle orientation. Dans ces circonstances, eu égard au profil de l’intéressé et à la préconisation de l’orientation précitée, le département ne saurait utilement faire état de son refus de répondre aux engagements souscrits dans le cadre du contrat de jeune majeur et de son comportement adopté au sein de la structure d’hébergement. En outre, il n’est pas contesté que M. B ne dispose ni de ressources suffisantes, ni d’un soutien familial effectif. Il ne dispose, par ailleurs, ni d’une maturité et d’une capacité d’insertion sociale suffisantes, ni de solution d’hébergement stable et pérenne. Dans ces conditions, il est fondé à soutenir que la décision du département de ne pas renouveler sa prise en charge au titre des dispositions du 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, qui est de nature à entraîner des conséquences graves pour lui, porte, dans les circonstances particulières de l’espèce, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

En ce qui concerne l’urgence :

8. La prise en charge de l’intéressé par le département ayant pris fin le 30 septembre 2023, l’interruption brutale de sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance, sans aucune solution alternative d’hébergement autre que le 115, est ; compte tenu de ce qui a été indiqué, susceptible de le placer dans une situation de précarité dangereuse pour sa sécurité et de compromettre le suivi de son état de santé. Dans ces conditions, la condition tenant à l’urgence doit être regardée comme remplie.

[...]. »


Voir l’ordonnance au format PDF :

TA Marseille - Ordonnance 2309941 du 2 novembre 2023