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Conseil d’Etat – Ordonnance N°473812 du 16 mai 2023 – Référé liberté - Le département est enjoint de proposer un contrat jeune majeur à l’intéressé – Droit à une nouvelle prise en charge pour les jeunes de moins de vingt et un ans pris en charge avant leur majorité lorsqu’ils ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants – Article L.222-5 du CASF

Publié le : mercredi 31 mai 2023

Résumé :

Le département de Seine-et-Marne est enjoint de proposer à l’intéressé un contrat jeune majeur adapté à ses besoins en matière d’hébergement et d’accompagnement administratif.

Le Conseil d’Etat rappelle en effet qu’en vertu de l’art. L.222-5 du CASF, les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ayant été pris en charge par l’ASE avant leur majorité bénéficient d’un droit à une nouvelle prise en charge lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.

En l’espèce, l’intéressé, âgé de vingt ans, a été pris en charge durant sa minorité, perçoit une rémunération d’un peu plus de 800 euros par mois au titre de son contrat de professionnalisation et ne bénéficie d’aucun soutien familial. Le Conseil d’Etat retient qu’il répond ainsi aux conditions posées par le 5° de l’art. L. 222-5 du CASF puisqu’il a moins de vingt et un ans, a été pris en charge jusqu’à sa majorité et ne bénéficie pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants. La fin de sa prise en charge par le département de Seine-et-Marne porte donc une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Le Conseil d’Etat retient également que la condition d’urgence est remplie eu égard aux besoins exprimés par l’intéressé et aux conséquences de la fin de son accompagnement par l’ASE.

RAPPEL : Référé-liberté


Art. L.521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures.  »

RAPPEL : Droit à une prise en charge pour les jeunes de moins de vingt-et-un ans confiés à l’ASE avant leur majorité, ne disposant pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants


« La loi du 7 février 2022 a créé un droit au maintien de la prise en charge pour les jeunes confiés à l’ASE avant leur majorité et qui ne disposent pas encore, une fois celle-ci atteinte, de ressources ou d’un soutien familial suffisant. Dans cette hypothèse, les départements ne disposent plus, comme par le passé, d’un large pouvoir d’appréciation leur permettant de fixer des critères extralégaux, notamment en termes d’exigences de scolarisation, de formation ou de perspectives d’insertion rapide. Seuls les besoins du jeune conditionnent le maintien ou la réactivation de sa prise en charge par l’ASE. »

Pour plus de précisions voir : ADDENDUM du 26 juillet 2022 à l’édition 2020 du cahier juridique « Quelles aides pour les jeunes majeurs isolés ? - Co-édition Aadjam / Gisti / InfoMIE »


Extraits de l’ordonnance :

« […].

4. Il résulte des dispositions de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles que, depuis l’entrée en vigueur du I de l’article 10 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui a modifié cet article sur ce point, les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ayant été pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un département avant leur majorité bénéficie d’un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.

5. Une carence caractérisée dans l’accomplissement par le président du conseil départemental des missions fixées par les dispositions rappelées aux points précédents, notamment dans les modalités de prise en charge des besoins du mineur ou du jeune majeur relevant de l’aide sociale à l’enfance, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour l’intéressé, est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Sur la demande en référé :

Sur l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

6. Il résulte de l’instruction que M.A…, âgé de vingt ans, perçoit, au titre du contrat de professionnalisation qu’il a conclu en juin 2022 et qui prend fin le 30 juin 2023, une rémunération mensuelle brute de 801,62 euros. Toutefois, il résulte également de l’instruction, d’une part, que M.A… ne bénéficie d’aucun soutien familial, d’autre part, qu’il bénéficie, au titre de la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance, d’un hébergement assuré par l’association [...], d’une allocation mensuelle de 140 euros, de tickets services à hauteur de 7 euros par jour et d’un accompagnement social ayant notamment pour objet de l’aider dans les démarches administratives relatives à la régularisation de son séjour en France. Il résulte enfin de l’instruction, [...], d’une part, que M.A… exprime des besoins qui portent plus spécifiquement sur la poursuite de son hébergement dans le centre d’accueil dans lequel il vit actuellement et sur un accompagnement dans les démarches administratives, notamment pour la régularisation de son séjour en France, d’autre part, que le département de Seine-et-Marne maintient son refus de toute prise en charge de M.A… en le renvoyant vers les dispositifs de droit commun. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’en l’état de l’instruction, M.A…, qui, ainsi qu’il a été dit, a été pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance par le département de Seine-et-Marne jusqu’à sa majorité et a moins de vingt et un ans, ne bénéficie pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants au sens des dispositions du 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles. Par suite, au regard des besoins exprimés par M.A…, la fin de sa prise en charge par le département de Seine-et-Marne porte, dans les circonstances de l’espèce, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Sur la condition d’urgence :

7. Eu égard aux besoins de M.A… et aux conséquences de la fin de son accompagnement par l’aide sociale à l’enfance, la condition d’urgence doit également être regardée, dans les circonstances de l’espèce, comme remplie.

[...]. »


Voir l’ordonnance au format PDF :

Conseil d’Etat – Ordonnance N°473812 du 16 mai 2023