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Cour d’appel de Rennes – Chambre spéciale des mineurs – Arrêt N°33 du 16 janvier 2023 – Annulation d’un jugement du Juge des enfants rendu sans audience – Exigence contra legem d’une photographie sur un extrait d’acte de naissance – Seconde évaluation de la minorité et l’isolement illégale au regard de l’article L.221-2-5 du CASF

Publié le : lundi 6 février 2023

Résumé :

La Cour annule le jugement du Juge des enfants de Quimper qui, en violation du principe du respect du contradictoire et du droit à un procès équitable, a dit n’y avoir lieu à assistance éducative sans convoquer l’intéressé ni son conseil à l’audience.

La Cour confie l’intéressé, mineur et isolé, à l’ASE du Finistère. Elle retient en effet qu’il justifie de sa minorité par la présentation d’un extrait d’acte de naissance qui avait été écarté à tort par le juge des enfants au motif que ce document était dépourvu d’une photographie, ce qui correspond à une exigence contra legem (voir cass n°06 13344).

Par ailleurs, la Cour souligne que le Juge des enfants avait pris en compte une note du Conseil départemental du Finistère vers lequel l’intéressé avait été orienté par le biais d’une OPP suite à une première évaluation concluant à sa minorité à Paris. Si cette note remet en cause ce rapport d’évaluation, elle n’est pas comparable à un tel rapport et est donc inopérante.
En tout état de cause, la Cour rappel que l’article L.221-2-5 du CASF pose l’interdiction, pour le président du conseil départemental, de procéder à une nouvelle évaluation de la minorité et de l’isolement d’un.e mineur.e orienté.e vers son département par une décision judiciaire. La Cour retient ainsi que cette « seconde évaluation » est illégale et non avenue.

Enfin, la Cour écarte l’examen de radiographie osseuse qui avait été ordonné par le procureur de Quimper, ce dernier ne lui ayant pas été communiqué.


Extraits de l’arrêt :

« En l’espèce, le juge des enfants n’a pas convoqué M.A, considérant, à tort, que ce dernier était sans domicile connu, ni n’a convoqué son conseil.

Il apparaît ainsi que ni le principe du respect du contradictoire, posé notamment par les articles14 et 16 du code de procédure civile, selon lesquels, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée, ni les dispositions spécifiques de la procédure d’assistance éducative n’ont été respectées.

L’inobservation de ces formalités substantielles soulevée porte atteinte aux droits de M.A, ainsi qu’au droit à un procès équitable, et cause un grief manifeste à ce dernier, qui n’a pu faire valoir ses droits et ses observations lors d’un débat contradictoire ; en conséquence, la décision déférée sera annulée.

Sur la minorité

[…].

Mais c’est à tort que le premier juge exige contra legem une photographie sur l’extrait d’acte de naissance dès lors que l’absence de photographie sur un acte de naissance est indifférente (cass n°06 13344).

Il n’a pas été jugé faux par le service de la police aux frontières. Il est versé en original devant la cour et fait donc foi.

De plus, alors que le premier rapport d’évaluation sociale du DEMIE 75 avait conclu à la minorité, le juge des enfants a retenu une note du Conseil départemental du 9 mars 2022 remettant en cause ce rapport.

Si cette note évoque la situation sociale et scolaire du jeune M.A en soulignant ses difficultés de comportement en société mais en louant son sérieux et son implication dans la formation et en concluant que son comportement n’est pas révélateur d’un mineur, cette note n’est pas assimilable à un rapport d’évaluation répondant aux exigences de l’entretien pluri-disciplinaire conformément à l’article 2 de l’arrêté du 17 novembre 2016 pris en application du décret n°2016 du 24 juin 2016. La note est donc inopérante.

Le parquet de Quimper ne pouvait remettre en cause la prise en charge de ce jeune qui n’était pas contestée par le Conseil départemental lui-même.

A cet égard, il convient de préciser que le nouvel article L.221-2-5 du CASF prévoit que le président du conseil départemental ne peut procéder à une nouvelle évaluation de la minorité et de l’état d’isolement du mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille lorsque ce dernier est orienté en application du troisième alinéa de l’article 375-5 du code civil ou lorsqu’il est confié à l’ASE en application du 3° de l’article 375-3 du même code.

La seconde évaluation est donc illégale et sera considérée comme non avenue.

[…]. »


Voir l’arrêt au format PDF :

CA Rennes - Arrêt N°33 - 16 janvier 2023