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Cour administrative d’appel de Bordeaux , 4e chambre, formation à 3, Arrêt du 9 mars 2017 n° 16BX03922, 16BX03978 - Tunisie, art. L 313-11-2Bis, menace à l’ordre public

Publié le : lundi 29 mai 2017

Source : Cour administrative d’appel de Bordeaux , 4e chambre, formation à 3

Date : Arrêt du 9 mars 2017 n° 16BX03922, 16BX03978

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C. A. a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler, d’une part, l’arrêté du 24 novembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler son titre de séjour et l’a obligé à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination de cette mesure d’éloignement et d’autre part, l’arrêté du même jour par lequel il a ordonné son assignation à résidence en lui faisant obligation de se présenter au commissariat de police de Toulouse.

Par un jugement n° 1605296 du 28 novembre 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande en tant qu’elle porte sur la décision du 24 novembre 2016 portant obligation de quitter le territoire et fixation du pays de renvoi ainsi que sur l’assignation à résidence du même jour et a annulé ces décisions et renvoyé à une formation collégiale du tribunal le jugement du recours pour excès de pouvoir contre le refus de renouvellement de titre de séjour.

Procédure devant la cour :

I) Par une requête enregistrée le 8 décembre 2016, sous le n° 16BX03922, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 novembre 2016 en tant qu’il a annulé les décisions contenues dans l’arrêté du 24 novembre 2016 obligeant M. A...à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi, et d’autre part, la décision du même jour par laquelle M. A...a été assigné à résidence, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation et a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 .

Il soutient que :
- le juge de première instance a commis une erreur manifeste d’appréciation ; M. A. a commis des faits délictueux à deux reprises et à seulement six mois d’écart, et a été condamné pour des infractions d’une certaine gravité s’agissant d’infraction d’usage de stupéfiant et de vol en réunion assorti de deux circonstances aggravantes ; à la date de l’arrêté les faits remontaient à un an et ne sauraient donc être considérés comme anciens ;
- l’intégration de M. A. ne saurait à elle seule démontrer qu’il ne constitue pas une menace pour 1’ordre public au regard des faits énoncés ;
- l’intéressé ne démontre détenir aucun lien ancien, stable et intense en France ; la décision obligeant M. A. à quitter le territoire français sans délai n’entraîne aucune conséquence d’une extrême gravité sur la situation personnelle de M. A. qui est célibataire et sans enfant, et ne démontre pas être inséré ; rien ne vient démontrer qu’il ne détient pas d’attaches en Tunisie, son pays d’origine ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français étant légale, les moyens tirés de l’exception d’illégalité des décisions refusant de lui accorder un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et l’assignant à résidence pour une durée de quinze jours doivent être écartés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2017, M. C.A., représenté par Me B., demande à la cour :
1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu :
- les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment son article 20 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Florence Madelaigue,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauziès, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. M.A., ressortissant tunisien, né le 6 juillet 1995, est entré irrégulièrement en France en mars 2011 selon ses déclarations. Il a été confié à l’aide sociale à l’enfance en qualité de mineur isolé par deux ordonnances des 11 avril 2011 et 23 mai 2011. Il a obtenu en cette qualité une carte de séjour régulièrement renouvelée jusqu’au 12 septembre 2015. Par arrêté du 24 novembre 2016 le préfet de la Haute-Garonne a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A. , l’obligeant à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi, et, par arrêté du même jour le préfet a prononcé à son encontre une assignation à résidence. M. A. a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler ces deux arrêtés. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 28 novembre 2016 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a fait droit à cette demande en tant qu’elle concerne les décisions contenues dans l’arrêté du 24 novembre 2016 obligeant M. A. à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi, et d’autre part, la décision du même jour par laquelle le préfet a prononcé à son encontre une assignation à résidence. Par la requête enregistrée sous le n° 16BX03922, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement n° 1605296 du tribunal administratif de Toulouse du 28 novembre 2016 en tant qu’il a annulé ces décisions, lui a enjoint de délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation et a mis à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par la requête enregistrée sous le n° 16BX03978, il sollicite le sursis à exécution de ce jugement.

2. Ces requêtes sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d’aide juridictionnelle à titre provisoire :

3. M. A. a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par deux décisions du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Bordeaux du 23 février 2017. Ses conclusions tendant au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire sont donc devenues sans objet et il n’y a pas lieu d’y statuer.

Sur la requête n° 16BX03922 :

4. Pour annuler les décisions contenues dans l’arrêté du 24 novembre 2016 obligeant M. A. à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi, ainsi que l’arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse s’est fondé sur la circonstance que les condamnations judiciaires dont M. A. a fait l’objet en 2015 et 2016 ne sauraient à elles seules permettre de considérer qu’il présentait à la date de l’arrêté une menace pour l’ordre public et que, compte tenu de ses efforts pour acquérir une formation et en l’absence de liens avec sa famille d’origine restée au pays le préfet avait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de l’obligation de quitter le territoire sur sa situation personnelle.

5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A. a été incarcéré au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses à titre préventif le 17 septembre 2015 pour vol en réunion. Puis, le 10 novembre 2015 il a été condamné une première fois pour usage illicite de produits stupéfiants et le 22 mars 2016, M. A. a été condamné une seconde fois par le tribunal correctionnel à 6 mois d’emprisonnement dont 3 mois avec sursis assorti d’une mise à l’épreuve pendant un an et demi pour vol en réunion et vol aggravé par deux circonstances le 5 août 2015, l’intéressé ayant notamment participé avec plusieurs complices à de multiples vols dont celui d’une voiture après avoir forcé les portes d’un garage avec un véhicule.

6. Au cours de sa séance du 19 octobre 2016, la commission du titre de séjour saisie pour avis a émis un avis défavorable à la régularisation du séjour de M. A. en estimant que son comportement était constitutif d’une menace pour l’ordre public.

7. Dans ces conditions, M.A., qui est célibataire, sans enfant, et qui ne justifie pas de ses attaches personnelles en France, ne peut être regardé comme ayant démontré sa capacité à s’intégrer dans la société française en dépit du fait qu’il a bénéficié de l’aide sociale à l’enfance et qu’il a débuté une formation de plaquiste le 30 mai 2016 et conclu un contrat à durée déterminée en qualité de plaquiste à compter du 18 novembre 2016. Rien ne fait obstacle à ce qu’il poursuive sa vie personnelle dans son pays d’origine. Quand bien même il n’aurait pas été condamné en état de récidive légale, c’est par conséquent à tort que le premier juge a estimé que le refus opposé par le préfet était entaché d’erreur manifeste d’appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c’est à tort que le premier juge a, pour ce motif, fait droit à l’exception d’illégalité du refus de séjour et annulé les décisions contenues dans l’arrêté du 24 novembre 2016 obligeant M. A. à quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de renvoi ainsi que l’arrêté du même jour ordonnant son assignation à résidence.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. A. devant le tribunal administratif de Toulouse.

En ce qui concerne l’exception d’illégalité du refus de titre de séjour :

10. La décision par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé la délivrance d’un titre de séjour à M. A. sur le fondement du 2° bis de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est régulièrement motivée en droit par le visa de ces dispositions. Elle est régulièrement motivée en fait par l’indication que M.A. , né le 6 juillet 1995, a été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance par ordonnances des 11 avril et 23 mai 2011, par la mention de l’avis émis par la commission du titre de séjour, de sa scolarité en France et de son comportement délictuel.

11. En raison de la menace à l’ordre public que constitue sa présence en France, M. A. ne peut pas se prévaloir du 2° bis de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

12. Et le refus de séjour en litige, compte tenu de ce qui a été rappelé au point 6, ne méconnaît pas non plus l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En vertu du I de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’obligation de quitter le territoire prononcée à l’encontre d’un étranger à qui est opposé un refus de titre de séjour n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de ce refus dès lors que, comme en l’espèce, ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives permettant de l’assortir d’une mesure d’éloignement ont été rappelées, ce qui est le cas en l’espèce. Le moyen tiré de l’insuffisante motivation du refus de séjour et de l’obligation de quitter le territoire français doit, par suite, être écarté.

14. Il résulte de ce qui a été dit précédemment, que le refus de titre de séjour opposé à l’intéressé n’étant pas illégal, M. A. n’est pas fondé à invoquer par voie d’exception l’illégalité dudit titre à l’appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français. Et la mesure d’éloignement, pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 6, ne méconnaît pas non plus l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant la Tunisie comme pays de renvoi et le refus de délai de départ volontaire :

15. Les décisions portant fixation du pays de renvoi et refus de délai de départ volontaire attaquées, qui énoncent les éléments de fait et de droit sur lesquels elles se fondent, sont suffisamment motivées.

16. Et la décision portant refus de départ volontaire, compte tenu de la menace à l’ordre public que constitue la présence de M. A. sur le territoire français, ne méconnaît pas non plus le 1° du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

17. Ainsi qu’il vient d’être dit précédemment, M. A. n’est pas fondé à soutenir que la décision fixant la Tunisie comme pays de renvoi serait illégale par voie de conséquence de l’illégalité du refus de titre de séjour dont il fait l’objet.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

18. La décision portant assignation à résidence, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde, est suffisamment motivée.

19. Ainsi qu’il vient d’être dit précédemment, M. A. n’est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait illégale par voie de conséquence de l’illégalité du refus de titre de séjour et de l’obligation de quitter le territoire dont il fait l’objet.

20. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse à fait droit aux conclusions de M. A. à fin d’annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 24 novembre 2016.

21. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d’injonction ainsi que celles présentées devant le tribunal sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

22. Le présent arrêt statue au fond sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne. Par suite, ses conclusions tendant au sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.

Sur les conclusions présentées devant la cour tendant à l’application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 :

23. L’Etat n’étant pas la partie perdante à l’instance, les conclusions de M. A. au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu’être rejetées.

DECIDE

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A. tendant au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Les articles 1er, 2 et 4 du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 novembre 2016 sont annulés.

Article 3 : La demande présentée par M. A. devant le tribunal administratif de Toulouse tendant à l’annulation des décisions du 24 novembre 2016 portant obligation de quitter le territoire sans délai, fixation du pays de renvoi et assignation à résidence et les conclusions de M. A. au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 20 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16BX03978 du préfet de la Haute-Garonne.