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Proposition de loi n°1035 visant à expérimenter la présence systématique de l’avocat auprès de l’enfant en assistance éducative

Publié le : mercredi 5 avril 2023

Voir en ligne : https://www.assemblee-nationale.fr/...

Source : Assemblée Nationale

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 4 avril 2023.

Texte :

« EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

«  Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » L’alinéa premier de l’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), texte contraignant adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 et ratifiée le 11 août 1990, pose formellement le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ce dernier est largement entendu comme la prise en compte de la personne et du point de vue de l’enfant dans toutes les décisions le concernant, dans l’objectif de préserver son bien‑être et son droit au développement dans un environnement favorable à sa santé mentale et physique. Les États ayant ratifié la Convention et ayant intégré ce principe en droit interne, ont donc l’obligation de le respecter lors de toute prise de décisions, qu’elles émanent des autorités administratives ou judiciaires.

I. – Le droit civil en vigueur en matière de conseil à l’enfant

Concernant plus particulièrement l’autorité judiciaire, des dispositions tendant à la meilleure prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant ont d’ores et déjà été prises sur le plan pénal, avec le code de justice pénale des mineurs et sur le plan civil avec la loi n° 2022‑140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants.

Mais demeure encore la question de la présence de l’avocat auprès de l’enfant en assistance éducative. Celle‑ci est obligatoire en matière pénale au titre de l’article L. 12‑4 du code de justice pénale des mineurs, lequel dispose que « le mineur poursuivi ou condamné est assisté d’un avocat. ». En matière civile, la présence de l’avocat n’est pas garantie.

La loi du 7 février 2022 précitée a complété l’article 375‑1 du code civil (CC) disposant désormais que « lorsque l’intérêt de l’enfant l’exige, le juge des enfants, d’office ou à la demande du président du conseil départemental, demande au bâtonnier la désignation d’un avocat pour l’enfant capable de discernement et demande la désignation d’un administrateur ad hoc pour l’enfant non capable de discernement. »

Ce nouvel article risque, comme l’indique le Conseil national des barreaux (CNB) dans sa motion du 4 février 2022 portant sur le projet de loi relatif à la protection des enfants, de remettre en cause le droit fondamental pour l’enfant de désigner lui‑même son avocat comme prévu à l’article 1186 du code de procédure civile (CPC), en laissant à la discrétion du juge le pouvoir de dire si l’intérêt de l’enfant l’exige ou non, et de demander au bâtonnier la désignation d’un avocat lorsque l’enfant est capable de discernement ou d’une administrateur ad hoc pour l’enfant non capable de discernement.

La simple possibilité laissée au juge de demander à tout moment la présence de l’avocat n’est pas suffisante. L’enfant se retrouve encore dans de trop nombreuses situations sans avocat. C’est pourquoi, il convient d’élargir le champ de sa présence. Nous proposons ici la voie de l’expérimentation, prévu par la loi, permettant ainsi à terme un bilan partagé avec les acteurs avant de mettre en place sa généralisation

II. – La présence systématique de l’avocat auprès de l’enfant en assistance éducative (placement et assistance éducative en milieu ouvert (AEMO))

L’assistance éducative, qui comprend le placement et l’assistance éducative en milieu ouvert, est consacrée dans la section 2 du chapitre sur l’autorité parentale relative à la personne de l’enfant du code civil (articles 375 à 375‑9).

La solution la plus protectrice est la présence de l’avocat en assistance éducative pour tous les enfants, quel que soit leur âge, leur degré de discernement et la difficulté juridique à laquelle ils sont confrontés. Déjà en janvier 2022, la proposition de résolution n° 4900 à notre initiative visant à réaffirmer le devoir de protection des enfants, cosignée par les députés socialistes et apparentés, faisait état de la nécessité d’un avocat en assistance éducative. C’est également ce qu’affirme la motion du Conseil national des barreaux datant du 4 juin 2021, qui s’appuie sur des expérimentations réussies permettant au juge des enfants, d’office, et dès sa saisine, de solliciter la désignation par le bâtonnier d’un avocat pour le ou les enfants.

L’article paru dans la revue Délibérée n° 13 sur l’expérimentation qui a eu lieu dans le tribunal de Nanterre dès avril 2020, intitulé « L’avocat d’enfant, ça devrait être automatique. Pour une désignation systématique en assistance éducative. » justifie d’aller plus loin dans l’expérimentation.

À raison du caractère vulnérable de l’enfant, ce dernier doit pouvoir être soutenu dans l’expression de sa parole et de ses besoins fondamentaux, quelle que soit sa capacité de discernement et être accompagné en justice par un avocat spécialement formé. Il est indispensable de replacer l’enfant comme sujet de droit. Actuellement le juge, en ouvrant l’audience, doit notifier à l’enfant qu’il a le droit à un avocat. Si l’enfant approuve, il faut renvoyer l’affaire alors que la situation a un caractère d’urgence. Désigner d’office un avocat permet de simplifier la procédure et d’en faciliter le déroulement, sachant que les relations entre les juges des enfants et les avocats s’inscrivent dans une volonté partagée de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant.

L’avocat répond ainsi à plusieurs exigences. Il est aussi « une mémoire » pour l’enfant, puisqu’il lui restitue ce qui a été dit après son audition, lui permettant de comprendre le traitement de sa parole par la justice.

Enfin, il ressort de différentes missions menées au sein de la commission des Lois et en particulier, celle relative au code de justice pénale des mineurs, que les décisions prises par le juge des enfants, en matière d’assistance éducative, ne sont pas toujours exécutées. La présence de l’avocat aura pour effet de veiller à l’opportunité des mesures prises et de soutenir ainsi l’action du juge des enfants. Dans ce domaine si particulier, il est observé une grande qualité de travail mené par le magistrat, l’avocat, le greffe et les équipes spécialisées. Il est indispensable de s’appuyer sur ce terreau de collaboration vertueux pour l’enfant, pour permettre au juge d’effectuer sa mission d’assistance éducative dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

III - La spécialisation de l’avocat

L’arrêté du 1er octobre 2021 spécialise le « droit des enfants » dans les écoles d’avocats désignées par le CNB. L’obtention d’un certificat de spécialisation, mention « droit des enfants », permet à l’avocat d’enfants d’être particulièrement performant dans sa relation avec les magistrats et les cadres médicaux‑sociaux spécialisés.

Toutes les conditions sont réunies pour garantir la présence de l’avocat en matière d’assistance éducative. Afin d’évaluer les bienfaits d’un tel dispositif, nous proposons son expérimentation dans plusieurs juridictions.

S’agissant de son coût, cette expérimentation doit permettre d’évaluer le coût d’une telle opération, lequel en première analyse au regard du nombre de mesures relevant de l’assistance éducative, ne devrait pas être un obstacle à l’adoption d’un tel principe.

L’article premier propose une expérimentation pour une durée d’un an, laquelle donnera lieu à un bilan partagé.

L’article deux gage la proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Au moins pour une durée d’un an à compter de la promulgation de la présente loi et dans au moins dix tribunaux judiciaires de dix cours d’appel différentes, le mineur est assisté d’un avocat pour tout ce qui concerne l’assistance éducative, du placement à l’assistance éducative en milieu ouvert. À défaut de choix d’un avocat par le mineur, ses parents, le tuteur ou la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié, le procureur de la République ou le juge des enfants fait désigner par le bâtonnier un avocat commis d’office.

L’expérimentation donne lieu à un bilan partagé entre les différents acteurs concernés.

Un arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice, précise les modalités de l’expérimentation.

Article 2

La charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »

Voir la proposition de loi en PDF :

Proposition de loi n°1035 visant à expérimenter la présence systématique de l’avocat auprès de l’enfant en assistance éducative