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Arrêté du 17 novembre 2016 pris en application du décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 relatif aux modalités de l’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille NOR : JUSF1628271A

Publié le : mardi 22 novembre 2016

Voir en ligne : https://www.legifrance.gouv.fr/affi...

Source : www.legifrance.gouv.fr

NOR : JUSF1628271A

Publics concernés : présidents des conseils départementaux.

Objet : définir les modalités de l’évaluation de la minorité et de l’isolement familial des personnes se déclarant mineures privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

Entrée en vigueur : le lendemain de sa publication.

Notice : l’ article 48 de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant introduit un article L. 221-2-2 au sein du code de l’action sociale et des familles qui organise un système de répartition proportionnée des accueils des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Le décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 précise les conditions d’accueil, d’évaluation et d’orientation de ces mineurs entre les départements.
Le présent arrêté fixe le référentiel national prévu au III de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles créé par le décret précité. Il précise les modalités de l’évaluation de la qualité de mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. Cette évaluation aboutit à une décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de cette qualité par le président du conseil départemental qui se prononce sur la base d’un rapport de synthèse et d’un avis motivé émis par le professionnel chargé de l’évaluation sociale. En cas de doute sur l’authenticité des documents d’identification de la personne, le président du conseil départemental demande le concours du préfet de département. En cas de doute sur l’âge, le président du conseil départemental demande, s’il y a lieu, le concours de l’autorité judiciaire en application de l’article 388 du code civil.
L’arrêté définit également, conformément au II de l’article R. 221-11 précité, les conditions de formation et d’expérience requises des professionnels intervenant dans l’évaluation.
Références : cet arrêté est consultable sur le site Legifrance et sur le site internet du ministère de la justice.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l’intérieur, la ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes et la ministre des outre-mer,
Vu le code de l’action sociale et des familles, notamment ses articles L. 221-2-2, L. 223-2, R. 221-11 à R. 221-15, R. 523-2, R. 534-2 et R. 584-1 ;
Vu la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, notamment son article 27 ;
Vu la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, notamment ses articles 43, 48 et 49 ;
Vu le décret n° 2010-497 du 17 mai 2010 modifié relatif au fonds national de financement de la protection de l’enfance ;
Vu le décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 pris en application de l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles et relatif à l’accueil et aux conditions d’évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille,
Arrêtent :

Article 1

Le présent arrêté a pour objet de définir les modalités de l’évaluation de la minorité et de l’isolement familial des personnes se déclarant mineures privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille en application des dispositions de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles.
La personne est considérée comme isolée lorsque aucune personne majeure n’en est responsable légalement sur le territoire national ou ne le prend effectivement en charge et ne montre sa volonté de se voir durablement confier l’enfant, notamment en saisissant le juge compétent. Afin de faire obstacle à toute exploitation ou emprise, une attention particulière doit être portée quant aux motivations de cette personne qui doit agir dans l’intérêt exclusif de l’enfant. Le fait qu’un mineur ne soit pas considéré comme isolé ne l’empêche pas de bénéficier des dispositifs de protection de l’enfance.

Article 2

Le président du conseil départemental fait procéder à l’évaluation de la minorité et de l’isolement familial des personnes se déclarant mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. L’évaluation est composée d’une évaluation sociale et, le cas échéant, d’investigations complémentaires telles que prévues aux 2° et 3° du II de l’article R. 221-11 du CASF.

Article 3

L’évaluation sociale est menée par les services du département ou par toute structure du secteur public ou du secteur associatif à laquelle la mission d’évaluation a été déléguée par le président du conseil départemental.
L’évaluation sociale se déroule dans une langue comprise par l’intéressé, le cas échéant avec le recours d’un interprète, faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation.
La personne est informée des objectifs et des enjeux de l’évaluation qui doit être une démarche empreinte de neutralité et de bienveillance. Elle est notamment avisée qu’elle pourra être prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un autre département si elle est déclarée mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille à l’issue de l’évaluation.
L’évaluateur analyse la cohérence des éléments recueillis au cours d’un ou de plusieurs entretiens, si nécessaire en demandant le concours de professionnels d’autres spécialités ou en effectuant des vérifications auprès de particuliers concernés. Ces éléments constituent un faisceau d’indices qui permet d’apprécier si la personne est un mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille.

Article 4

Le président du conseil départemental s’assure que les professionnels en charge de l’évaluation auxquels il a recours disposent d’une formation ou d’une expérience leur permettant d’exercer leur mission dans des conditions garantissant la prise en compte de l’intérêt de l’enfant ; il veille au caractère pluridisciplinaire de l’évaluation sociale de la personne.
Les professionnels doivent ainsi justifier d’une formation ou d’une expérience notamment en matière de connaissance des parcours migratoires et de géopolitique des pays d’origine, de psychologie de l’enfant et de droit des mineurs.

Article 5

A chaque stade de l’évaluation sociale, l’évaluateur veille à confronter l’apparence physique de la personne évaluée, son comportement, sa capacité à être indépendante et autonome, sa capacité à raisonner et à comprendre les questions posées, avec l’âge qu’elle allègue.
L’évaluateur est attentif à tout signe d’exploitation ou d’emprise dont peut être victime la personne évaluée. Il l’informe sur les droits reconnus aux personnes victimes d’exploitation ou de traite des êtres humains, et veille à son accompagnement vers le dépôt de plainte.
Les éléments recueillis lors de la mise à l’abri doivent être communiqués à l’évaluateur et font partie de l’évaluation.
Les entretiens peuvent permettre de déceler d’éventuels problèmes de santé nécessitant des soins rapides.

Article 6

L’évaluation sociale, qui porte a minima sur les six points d’entretien suivants, conduit à la rédaction d’un rapport de synthèse concluant ou non à la qualité de mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. D’autres points peuvent être ajoutés pour enrichir l’évaluation sociale si la situation de la personne le nécessite.

I. - Etat civil
L’évaluateur recueille les déclarations de la personne évaluée concernant sa situation personnelle, son état civil et son pays ainsi que sa région d’origine. L’intéressée produit tout document concernant son état civil et précise les conditions d’obtention des documents produits.
L’évaluateur applique la présomption d’authenticité des actes de l’état civil émanant d’une administration étrangère prévue par les dispositions de l’article 47 du code civil.
Si l’évaluateur constate des incohérences entre le document présenté et le récit de la personne, il demande des précisions à cette dernière et l’indique dans le rapport de synthèse.

II. - Composition familiale
L’évaluateur recueille auprès de la personne évaluée tous éléments sur sa famille et ses proches dans son pays d’origine, l’identité et l’âge de ses parents et des membres de sa fratrie, la place qu’elle occupe au sein de cette dernière.
Elle indique si elle a maintenu des liens avec sa famille depuis son arrivée sur le territoire français, notamment si elle a connaissance de la présence de membres de sa famille en France ou en Europe, ainsi que les liens qu’elle entretient avec ceux-ci.
Les entretiens d’évaluation de la minorité et de l’isolement familial peuvent être le moment propice à l’amorce d’une recherche de la famille en vue d’une prise de contact.

III. - Présentation des conditions de vie dans le pays d’origine
La personne évaluée décrit le contexte géopolitique de sa région d’origine, la situation économique de sa famille la plus proche, ainsi que la localisation actuelle de celle-ci, le niveau et le déroulement de sa scolarité et/ou de sa formation et enfin le travail ou toute autre activité qu’elle a pu exercer dans son pays d’origine.
L’évaluateur prend en compte l’évolution géopolitique du pays dont elle est ressortissante, telle qu’il peut en avoir une connaissance objective issue notamment de la consultation du site du ministère des affaires étrangères.

IV. - Exposé des motifs de départ du pays d’origine et présentation du parcours migratoire de la personne jusqu’à l’entrée sur le territoire français
L’évaluateur recueille auprès de la personne évaluée les motifs et la date de départ de son pays d’origine ainsi que l’organisation et les modalités de financement de son parcours migratoire en précisant, le cas échéant, l’intervention de passeurs.
Elle décrit son itinéraire entre le pays d’origine et le territoire français, en précisant la durée et les conditions du séjour dans chaque pays traversé, les démarches éventuellement engagées dans ces pays et notamment sa prise en charge par des services d’aide à l’enfance.

V. - Conditions de vie depuis l’arrivée en France
La personne évaluée précise la date et ses conditions d’entrée sur le territoire français, ses conditions de vie en France depuis son arrivée et les conditions de son orientation vers le lieu de l’évaluation.

VI. - Projet de la personne
Afin de procéder à une orientation adaptée de la personne, l’évaluateur recueille son projet notamment en termes de scolarité et de demande d’asile ainsi que, lorsqu’un contact avec la famille a pu être établi, le projet parental.

Article 7

Après avoir effectué une synthèse des entretiens dans un rapport d’évaluation, l’évaluateur rend un avis motivé quant à la minorité ou à la majorité et au caractère d’isolement familial ou non de la personne se déclarant mineure privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille.
Si des doutes subsistent quant à l’âge, l’évaluateur l’indique dans son rapport.
Il transmet le rapport d’évaluation et son avis motivé au président du conseil départemental.

Article 8

Le président du conseil départemental apprécie la nécessité, selon les cas :

- d’une transmission aux services chargés de la lutte contre la fraude documentaire des documents d’identification produits par la personne évaluée s’il estime qu’ils pourraient être irréguliers, falsifiés ou que des faits qui y sont déclarés pourraient ne pas correspondre à la réalité ;
- d’une saisine de l’autorité judiciaire aux fins d’assistance éducative ou de procéder aux investigations complémentaires dans le respect des conditions posées à l’article 388 du code civil.

Article 9

La personne qui est évaluée mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille bénéficie des dispositions relatives à la protection de l’enfance.
Lorsque la personne n’est pas reconnue mineur privé temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, le président du conseil départemental notifie à l’intéressé une décision motivée de refus de prise en charge mentionnant les voies et délais de recours applicables.
Il l’informe alors sur les droits reconnus aux personnes majeures notamment en matière d’hébergement d’urgence, d’aide médicale, de demande d’asile ou de titre de séjour.

Article 10

La directrice de la protection judiciaire de la jeunesse, le directeur général des collectivités locales, le directeur général de la cohésion sociale et le directeur général des outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

Fait le 17 novembre 2016.

Le garde des sceaux, ministre de la justice,

Jean-Jacques Urvoas

Le ministre de l’intérieur,

Bernard Cazeneuve

La ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes,

Laurence Rossignol

La ministre des outre-mer,

Ericka Bareigts