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“Calais, les enfants de la jungle”, le drame majeur des mineurs migrants isolés

Publié le 11-04-2017

Source : http://television.telerama.fr

Auteur : Marie-Hélène Soenen

« Les réalisateurs Thomas Dandois et Stéphane Marchetti ont suivi pendant plus de six mois le quotidien de mineurs isolés du camp. Leur film, diffusé mardi 11 avril sur France 5, dénonce leur tragique situation et les manquements de l’Etat.
La caméra court derrière des silhouettes qui déboulent des champs environnants sur l’autoroute. Certaines se faufilent entre les camions à l’arrêt, obstruent la route avec des troncs d’arbre, le temps de se cacher dans les véhicules. Parmi ces ombres filmées par Thomas Dandois et Stéphane Marchetti, certaines sont celles d’enfants, qui risquent régulièrement leur vie pour rejoindre l’Angleterre. « Des gamins qui passent le plus clair de leur temps cachés dans des abris de fortune », commente la voix off. De mars 2016 jusqu’au démantèlement de la jungle de Calais, en octobre, les réalisateurs ont suivi quelques-uns des 2 000 mineurs migrants isolés qui ont habité ses méandres sordides.

“Là, c’est Dickens sous nos fenêtres.”

Les témoignages anonymes de ces enfants et adolescents venus du Pakistan, d’Afghanistan ou de Syrie s’enchaînent, et scandalisent. Après des semaines d’approche sans caméra par les deux journalistes, dans les pas d’une avocate des droits de l’homme, ils ont fini par accepter de raconter la faim, les viols, la mort de jeunes compagnons de route lors des tentatives de passage en Angleterre, la violence des passeurs et les coups des CRS. « Je n’ai jamais autant posé la caméra pendant un tournage, soupire le journaliste Thomas Dandois. Je leur disais que j’étais désolé, que j’avais honte de mon pays, honte qu’ils subissent ça. J’ai filmé beaucoup d’histoires dramatiques ces dernières années, aux quatre coins du monde, mais là, c’est Dickens sous nos fenêtres. Ces mineurs se font tous violer et tombent dans des réseaux qui les exploitent. »

Obligation de protéger et de mettre à l’abri tous les mineurs présents sur le territoire français, instruction obligatoire pour tous les enfants français et étrangers de 6 à 16 ans, droit fondamental au logement… tel le veut la loi. Pourtant, les récits de ces jeunes mettent en évidence les effarants manquement de l’Etat français. Le petit Saïd, un Syrien de 10 ans, survit ainsi dans le bidonville depuis un an quand les journalistes le rencontrent. « Il n’a croisé aucun représentant de l’Etat pour lui venir en aide et le mettre à l’abri », souligne la voix off.

“Si seulement il y avait des couloirs humanitaires… Ils seraient protégés.” Christian Salomé, président de L’Auberge des migrants
Christian Salomé, le président de l’association L’Auberge des migrants, qui prépare et distribue quotidiennement avec Refugee community kitchen des repas pour les exilés de Calais et de Grande-Synthe, explique : « Au départ, les mineurs sont souvent accompagnés d’un adulte, mais quand les CRS arrêtent un groupe de migrants, ils emmènent en centre de rétention ceux qui, à vue d’œil, sont majeurs, et laissent les jeunes sur le trottoir, car ils ne savent pas quoi en faire. » Les filles mineures non accompagnées sont, quant à elles, absentes du documentaire, encore plus obligées de se tapir que les garçons. « Nous en voyons quatre ou cinq venir aux distributions, mais elles se méfient et se protègent, poursuit Christian Salomé. C’est très difficile de savoir exactement ce qui leur arrive. Leur but est de réussir à passer coûte que coûte. Après, elles essaieront d’oublier ce qu’elles ont vécu. Si seulement il y avait des couloirs humanitaires, si seulement les familles et les mineurs pouvaient passer légalement… Ils seraient protégés. Les obliger à passer illégalement, c’est les livrer à tout, au pire. On voit des familles avec des enfants de moins d’un an partir le soir pour essayer de passer. »

Trois à quatre cents migrants de retour à Calais

Si le film se clôt sur le démantèlement de la jungle, fin octobre 2016, il ne se regarde pas au passé : quatre mois après la destruction du bidonville, « trois cents à quatre cents » migrants sont de retour à Calais, confirme Christian Salomé, dont « environ cent cinquante mineurs : parmi eux, il y a des jeunes qui sont partis en Centres d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés (Caomi) après le démantèlement, n’ont pas été retenus pour l’Angleterre et reprennent la route de manière illégale. Il y a aussi de nouveaux arrivants, surtout des Erythréens, des Ethiopiens et des Soudanais, originaires de trois pays en guerre. Quelques adolescents arrivent aussi d’Allemagne, après avoir été déboutés de leur demande d’asile ».

Ceux qui reviennent à Calais vivent aujourd’hui dans des conditions encore plus intenables que du temps de la jungle. « Ils se cachent, essaient de passer jour et nuit, poursuit le président de L’Auberge des migrants. Des jeunes m’ont expliqué que pour dormir dans les champs, ils ont un duvet et deux couvertures, une dessous, une dessus, pour ne pas être trempés. S’ils s’abritent sous les ponts, les CRS les chassent. Ils essaient de passer, jusqu’à être épuisés. Comme il y en a toujours quelques-uns qui se faufilent et arrivent à passer, ça entretient l’espoir. »
“Les autorités souhaiteraient plutôt affamer les gens pour qu’ils quittent le plus rapidement possible Calais.” Christian Salomé, de L’Auberge des migrants

A Grande-Synthe, le camp de la Linière, détruit par un incendie dans la nuit du 10 au 11 avril, abritait 1 500 personnes, dont beaucoup de familles avec de très jeunes enfants. Une centaine de mineurs s’y trouvaient également. « Les migrants continuent d’arriver, et leur nombre ne devrait faire qu’augmenter, souligne Christian Salomé. Pour l’instant, les arrivées sont “compensées” par les arrestations et les envois en centres de rétention. Je ne sais pas comment l’Etat va faire quand ils seront pleins. »

Des associations débordées

Pour l’heure, la communication entre l’association et le gouvernement est rompue. « Nous sommes dans une phase où ils n’ont plus besoin de nous, et où les autorités souhaiteraient plutôt affamer les gens pour qu’ils quittent le plus rapidement possible Calais », déplore le président de L’Auberge des migrants. La cinquantaine de bénévoles mobilisés chaque jour pour distribuer 650 repas chauds et 1 000 repas froids à Grande-Synthe et 400 repas à Calais s’inquiètent.

Outre le bras de fer avec la mairie de Calais, qui a tenté de faire interdire la distribution de repas, la préfecture demande à L’Auberge de se mettre aux normes sanitaires. « C’est normal, un millier de repas, c’est l’équivalent d’une collectivité, commente Christian Salomé. Mais nous sommes des bénévoles, pas une usine. On fait des travaux pour y arriver, mais c’est difficile. La subvention de l’association pour 2017 s’élève à 5 000 euros. Nous dépensons 30 000 euros rien que pour l’achat de nourriture chaque mois. Nous recevons de moins en moins de dons, car la situation n’est plus médiatisée comme elle a pu l’être et les gens ont l’impression qu’il n’y a plus de besoins. » »

Voir en ligne : http://television.telerama.fr/telev...