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La vie dans le camp de Grande-Synthe : violence, peur et passeurs

Publié le 19-02-2017

Source  : www.leparisien.fr

« Deux camions, surmontés d’un bouquet de fleurs et encadrant un petit bonhomme juché sur un tapis volant aux couleurs des drapeaux français et allemand. Cette silhouette, c’est celle dessinée par Danoush, 7 ans. « On ne le voit plus, raconte Barbara, bénévole pour Médecins du monde (MDM). Lui et sa famille ont dû réussir à passer au Royaume-Uni. » Ainsi va la vie dans le camp de la Linière, à Grande-Synthe.

On y séjourne quelques semaines, ou quelques mois, cantonné en face d’une Angleterre fantasmée. Initialement, un millier de migrants du Dunkerquois s’étaient regroupés au « Basroch », un amoncellement de tentes et de cabanes insalubres dressées sur un marécage boueux. En mars 2016, la mairie de Dunkerque a donc érigé à la Linière un camp qui se voulait conforme aux standards internationaux. Un an plus tard, on s’y entasse en moyenne à cinq personnes dans les 290 « shelters », ces micro-abris en contreplaqué de 5 m 2. « Ils prennent de plus en plus l’eau, soupire Aurélie Denoual, infirmière pour MDM. On y trouve des insectes, par exemple des punaises. »

Longtemps, MDM a assuré ici une permanence sanitaire. Depuis août et la mise en œuvre de cette permanence au centre hospitalier local, les bénévoles assurent une veille et des maraudes. « Mon dos est cassé, les apostrophe un quinquagénaire kurde, qui souffre d’une hernie. Le spécialiste me dit que je dois être opéré rapidement. » Lui préfère pourtant différer une hypothétique prise en charge et la conditionne à son passage outre-Manche. C’est là que vivent ses enfants, qu’il n’a pas vus « depuis vingt ans », souffle-t-il les yeux brillants. Sara et son petit frère, eux, n’ont d’autre choix que de rester là. La faute à cette maladie cardiaque qui touche les deux enfants et les oblige à un suivi draconien.

Beaucoup de familles, dont 150 enfants

Plus globalement, MDM note « des maladies liées à la promiscuité, comme la gale », et « beaucoup de pathologies ORL du fait des conditions climatiques », souligne Barbara. « Dès qu’ils toussent, ils viennent nous voir. Car sinon, quand ils vont se cacher dans les camions pour tenter le passage, ils sont repérés... » Les passeurs, justement, règnent en maîtres sur le camp, majoritairement occupé par des Kurdes, des Irakiens, une minorité d’Afghans et une poignée de Vietnamiens et de Syriens. « Côté sécurité, ça s’est dégradé, relève Brigitte, responsable des bénévoles de MDM. Il y a de plus en plus d’agressions verbales. Si nous n’avons jamais été prises physiquement à partie, nous avons désormais obligation de nous déplacer en groupe, et interdiction de pénétrer dans les abris. »

La Linière compte beaucoup de familles, dont 150 enfants. « La situation génère des violences, décrit un bénévole. Violences conjugales, sexuelles aussi. » La nuit, les femmes ne peuvent se rendre seules aux toilettes, lesquelles peuvent être ouvertes de l’extérieur. Mais si elles ont des enfants, impensable pour leurs maris de les accompagner et de laisser les petits sans surveillance. Alors, les mamans sont de plus en plus nombreuses à utiliser des couches.

Les douches se prennent presque toujours froides. Et se réchauffer dans les abris fait courir le risque d’une intoxication au monoxyde de carbone. Si les corps souffrent, les esprits aussi. Au « social space », un préfabriqué qui fait office de salle commune, Erwan Bois, psychologue pour MDM, écoute les maux de ces déracinés. Selon une récente étude de l’Unicef, 30 % à 50 % d’entre eux présentent des syndromes de stress post-traumatique (SSPT). « Ils souffrent aussi bien de ce qu’ils ont vu dans leur pays que de ce qu’ils ont vécu sur le trajet et de ce qu’ils subissent ici », décrit Aurélie Denoual. « Certaines histoires sont terribles, abonde Erwan Bois. Faute de temps suffisant pour la prise en charge, on est en train de créer une génération de gens qui n’iront pas bien. » »

Voir en ligne : http://www.leparisien.fr/faits-dive...