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Accueil des mineurs isolés étrangers : tensions entre l’Etat et les départements

Publié le 14-03-2016

Source : www.courrierdesmaires.fr

Auteur : Marion Esquerré

« Alors que le nombre de réfugiés augmente depuis plusieurs mois, départements et Etat se sont réunis il y a une semaine pour tenter de relancer la cellule de répartition nationale des mineurs étrangers non accompagnés, affaiblie par l’annulation partielle de la circulaire Taubira, un an auparavant. Rappel des faits.

A la demande du garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, un « comité de suivi du dispositif national de mise à l’abri, d’évaluation et d’orientation des mineurs non accompagnés » s’est réuni le 7 mars, en présence d’une délégation de l’Assemblée des départements de France.

Cette instance, qui dépend de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse, a pour mission de suivre le travail de la cellule de répartition des mineurs étrangers isolés (MIE) entre les départements. Cellule dont l’existence et l’activité sont contestées par certains départements, d’où le caractère sensible de cette rencontre.

Circulaire Taubira

La cellule de répartition des MIE est en effet née de la circulaire dite « Taubira » du 31 mai 2013. A l’époque, il s’agissait d’alléger la « charge » des quelques départements, en particulier la Seine-Saint-Denis, qui accueillaient sur leur territoire un nombre bien plus important de mineurs que les autres.

La circulaire prévoyait une clé de répartition entre les départements, basée sur la proportion des moins de 19 ans dans leur population totale. Mais, le 30 janvier 2015, saisi par dix départements(1), le Conseil d’Etat l’a partiellement annulée.

Sans remettre en cause le principe de la répartition, la Haute cour a estimé que le texte allait trop loin en prévoyant que « le choix de la répartition devait être guidé par le principe d’une orientation nationale » et en fixant une clé de répartition.

Répartition des mineurs

Depuis, reconnaît Bérénice Delpal, directrice générale adjointe en charge du pôle « solidarité » en Seine-Saint-Denis, « la cellule a du plomb dans l’aile. Elle a de plus en plus de difficultés à fonctionner et à répartir les enfants ».

Ce département de la petite couronne parisienne est y d’autant plus attaché que ce système de répartition est lui-même issu d’un dispositif contractuel Etat-Seine-Saint-Denis mis en place en 2011.

A l’époque, le département connaissait depuis trois ans une hausse importante du nombre de mineurs étrangers isolés à prendre en charge sur son territoire – de 521 à la date du 31 décembre 2008 à 825 trois ans plus tard. Mais, grâce à une répartition des mineurs à prendre en charge auprès d’une vingtaine de départements alentour, le département a retrouvé une situation plus acceptable – 441 enfants au 31 décembre 2015, 465 à la date de cet article.

Opposition des départements

« Des départements s’y sont opposés. Certains avançaient leur faible capacité d’accueil. C’est compliqué pour tout le monde, notamment en termes de moyens d’accueil. Mais l’idée était justement de répartir équitablement cette complexité. Et finalement, cela a bien fonctionné. »

Tout en étendant le principe du dispositif Etat/Seine-Saint-Denis à l’ensemble du territoire, la circulaire Taubira prévoyait également que l’Etat finance les cinq premiers jours de prise en charge des MIE – à hauteur de 250 euros par jour – qui correspondent à la période d’évaluation de la situation du jeune – son âge, ses conditions d’arrivée, la véracité de son isolement…
50 000 à 60 000 euros par enfant par an

Le comité de suivi du 7 mars visait à remettre sur pied ce dispositif en concertation avec les départements. Lesquels, représentés par l’ADF, estiment n’avoir pas reçu les réponses escomptées.

« L’étape de l’évaluation est très complexe et pas toujours réalisable dans les cinq jours de prise en charge de l’Etat, explique Jean-Michel Rapinat, directeur délégué de l’ADF, en charge des affaires sociales. Et lorsque l’enfant est officiellement considéré comme un mineur isolé étranger et donc pris en charge par un département, dans le cadre de la protection de l’enfance, il en coûte en moyenne 50 000 euros à 60 000 euros par an et par enfant ».

Selon l’ADF, les MIE représentent entre 10% et 20% des jeunes accueillis dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance.

Mieux partager la charge

Ce coût, multiplié par le nombre croissant d’enfants arrivant seuls sur le territoire, est une charge que les départements souhaiteraient voir mieux partagée.

« Il est légitime que les départements concernés réclament des prévisions plus fiables et surtout une hausse de la participation de l’Etat », affirme le délégué de l’ADF.

Concernant les prévisions, par définition délicates, qui permettraient aux départements d’anticiper d’une année à l’autre le budget à consacrer au MIE, la réunion du 7 mars fut pour commencer l’occasion de confronter les chiffres disponibles.

En Haute-Vienne, par exemple, le ministère enregistre 34 enfants pris en charge en 2015, contre 71 selon le département. Le Calvados avance le chiffre de 227 contre 65 selon le ministère. Idem en Loire-Atlantique, avec 321 enfants contre 149. Les écarts sont énormes.

A l’issue de la rencontre, il a été convenu d’améliorer le système de recensement. Cela pourra certainement renforcer la capacité de prévisions des services du ministère, sans pour autant en faire une science exacte. Car, l’arrivée de mineurs étrangers isolés est probablement aussi peu prévisible que celle des personnes fuyant les guerres. A moins, évidemment, d’imposer des quotas – et un contrôle drastique – aux frontières…

Enveloppe insuffisante

Enfin, l’Etat s’est engagé à accroître l’enveloppe qu’il consacre à ce dossier, mais cette réévaluation ne vise qu’à prendre en compte l’afflux important de nouveaux jeunes arrivants.

Ce qui ne satisfait pas les départements. « La répartition des MIE, de plus en plus nombreux sur l’ensemble du territoire, ne résout en rien le problème de fond, indique un communiqué de l’ADF. L’envolée des flux impacte les départements et donc les contribuables. » Et de mettre en cause « l’incapacité du gouvernement à mettre en place d’une politique migratoire à la hauteur des enjeux ».
Départements toujours présents

« Nous sommes soulagés que les discussions aient repris », reconnaît Bérénice Delpal. Pour la Seine-Saint-Denis, le maintien du dispositif existant est primordial. Mais l’exécutif ne cache pas ses inquiétudes quant à sa poursuite dans de bonnes conditions.

Du côté de l’ADF, on se veut toutefois rassurant sur la volonté générale des départements de continuer à jouer leur rôle de protection auprès de ces mineurs en situation d’extrême fragilité. Mais on insiste sur le fait que cela ne peut se faire dans n’importe quelles conditions matérielles. »

Voir en ligne : http://www.courrierdesmaires.fr/602...