Saint-Pol : l’incroyable voyage de Mahamadou, du Mali au lycée Mendès-France

Mahamadou n’a que seize ans, mais à l’entendre, il donne l’impression d’avoir vécu plusieurs vies. Depuis la rentrée, il est élève en seconde professionnelle au lycée Pierre-Mendès-France, à Saint-Pol. Le soir, il prend le train pour rentrer chez lui, à Arras, au foyer France Terre d’Asile. Ce mardi, il a accepté, avec les trois autres réfugiés du foyer scolarisés dans la ville, de raconter son histoire aux collégiens de Salengro.
« Je suis né au Mali, dans un petit village près de Bamako, confie-t-il d’une voix assurée. Mon père est agriculteur, et j’étais destiné à le devenir également. Pour moi, la scolarité était plus importante, mais mes parents ne pouvaient plus payer les frais. Alors à treize ans, j’ai décidé de partir pour la France. »

« Marcher cinq kilomètres pour aller à l’école »

Les yeux des élèves s’écarquillent lorsque Mahamadou explique son quotidien d’enfant. « Je me levais à 6 heures car je devais faire cinq kilomètres à pieds pour aller à l’école. Comme je rentrais le midi, je faisais vingt kilomètres en tout. Le soir, je devais aider mon père dans les champs. J’avais peu de temps pour apprendre mes leçons et cela me rendait triste. »
Algérie, Maroc, Espagne et enfin, la France, Mahamadou a mis deux ans pour effectuer son périlleux voyage. « Un jour, dans un bus, nous nous sommes fait attaquer par la mafia et avons dû payer 5000 Francs CFA pour pouvoir passer. L’attaque faisait en fait partie du plan du chauffeur. » Le jeune adolescent a souvent été obligé de rester à un endroit pour travailler car il n’avait plus d’argent pour payer la suite de son voyage.

« J’ai vu des amis perdre la vie »

Son souvenir le plus marquant a été le passage d’Algérie en Espagne par la mer. « Avec mon groupe, nous avons essayé plusieurs fois sans succès. Nous montions dans des bateaux mais nous étions repérés. J’ai vu des amis perdre la vie devant mes yeux. J’avais peur, mais j’étais déterminé. Je devais réussir, ou mourir. »
Le jeune s’estime heureux d’avoir rapidement été pris en charge par une association. Son camarade, Manka, lui aussi réfugié Malien, est resté quelques semaines dans la rue avant d’intégrer le foyer. Aujourd’hui, Mahamadou accomplit son désir d’éducation avec un rêve : « Devenir quelqu’un de bien, qui aide les autres. Quelqu’un de bien, tout simplement. »

Un échange plein d’émotion

À la question « aurais-tu osé entreprendre un voyage comme celui de ces enfants pour avoir une bonne éducation ? », la petite Marie répondait : « Non, car je n’aime pas l’école. » Après l’intervention des quatre lycéens réfugiés, venus raconter leur histoire, elle avait changé d’avis. « On a de la chance », exprimait un camarade.
Les collégiens saint-polois, d’ordinaire dissipés, étaient absorbés. Les interrogations étaient nombreuses : « Combien de temps as-tu mis pour venir », « Que veux-tu faire plus tard ? », « Ta famille te manque-t-elle ? »

« Il va falloir les laisser digérer »

Un peu de honte pouvait même se lire sur leur visage, lorsqu’il fut demandé à Mahamadou ce qu’il aimait le moins en France. « J’aime presque tout, répondait-il sincèrement. Mais le comportement des enfants me choque. Ils disent des gros mots et ne respectent pas les adultes. »
« Il va falloir les laisser digérer tout cela, confiait Madame Gosset, leur professeur d’histoire-géographie. Ce sera une excellente base pour faire cours. » A. P.

« Il est très attentif et travailleur »

Madame Holynski, professeur de mathématiques au lycée Mendès-France

Quel élève est Mahamadou ?
« Il est adorable ! Très attentif et travailleur. Il est même le quatrième de sa classe. »

Comment s’est passée son intégration ?
« Les élèves l’ont bien accueilli et se sont montrés admiratifs de son parcours. C’est un exemple. »