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Rapport complémentaire du Défenseur des droits au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies

Publié le lundi 24 avril 2023 , mis à jour le lundi 24 avril 2023


Date : décembre 2022
Date de publication : 20/04/2023

Source : Défenseur des droits

Voir en ligne : www.defenseurdesdroits.fr

Rapport complémentaire du Défenseur des droits dans le cadre du 6e examen de la France sur l’effectivité des droits de l’enfant (CIDE) par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies.

EXTRAITS DU RAPPORT :

« b) DROIT DE CONNAITRE SES PARENTS, D’ETRE ELEVE PAR EUX ET DROIT AU RESPECT DE SON IDENTITE

- Le droit au respect de l’identité des enfants : des atteintes multiples à l’égard des mineurs non accompagnés (MNA)

La Défenseure des droits a été saisie de plusieurs réclamations relatives au défaut de prise en compte par les fonctionnaires de police de la déclaration de minorité des personnes exilées contrôlées ou interpellées.

Les différentes situations examinées ont fait apparaitre que les fonctionnaires de police avaient arbitrairement considéré que des personnes exilées étaient majeures, malgré leur déclaration de minorité et leur apparence juvénile, sans prendre l’attache des services départementaux en vue de faire procéder à leur évaluation, ni prendre en compte certains documents présentés par les mineurs mentionnant leur date de naissance. Dans une décision de 202128, la Défenseure des droits a pris acte de l’illégalité de cinq procédures d’éloignement mises en oeuvre à l’encontre de mineurs étrangers. Ce faisant, elle a constaté une défaillance des pouvoirs publics dans la prise en charge des MNA sur le territoire du Calaisis, au détriment de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Le Comité a d’ailleurs lui-même été saisi de plusieurs communications individuelles dans lesquelles le droit à l’identité des MNA était remis en cause par les autorités administratives et judiciaires en charge de l’évaluation de la situation de jeunes. Les documents d’état civil présentés par les MNA constituent l’élément le plus important et le plus objectif du faisceau d’indices à prendre en compte par les autorités dans l’évaluation de l’âge29. La Défenseure des droits a rendu plusieurs décisions à cet égard30. Elle observe notamment que les autorités étrangères sont très rarement saisies aux fins de vérifier la véracité des informations contenues dans les actes présentés, alors même qu’elles reconnaissent leurs ressortissants dans le cadre de la protection consulaire. En outre, les demandes d’analyse documentaire faites aux services de la police aux frontières française apparaissent comme quasi systématiques, alors même qu’elles devraient être réservées aux cas de doute sur l’âge prétendu par le mineur, en application de l’article 47 du code civil.
La Défenseure des droits est également préoccupée par les disparités de rédaction des rapports d’analyses documentaires sur l’ensemble du territoire et la qualité de ces derniers.31.

La Défenseure des droits a également été saisie de la situation d’un MNA afghan, qui bien que placé sous protection de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et ayant des actes d’état civil établis par l’Office, demeure sans protection, les autorités administratives et judiciaires ayant écarté les actes établis par l’OFPRA malgré leur caractère authentique32. Un pourvoi en cassation est en cours.
Outre la remise en cause de l’état civil décrite ci-dessus lors de l’évaluation de minorité, les jeunes exilés sont également confrontés à la remise en cause de leur identité au moment de leur majorité lorsqu’ils demandent un droit au séjour33.

- Le droit au respect de l’identité des enfants : des enfants français dont on a changé le lieu de naissance, la nationalité et l’âge

La Défenseure des droits a constaté, à travers ses instructions, que certains mineurs interpellés sur le territoire de Mayotte voyaient illégalement leur date de naissance, voire leur nationalité, modifiée par les autorités pour les besoins des mesures de rétention et d’éloignement, en violation du droit interne et international34.
Dans sa décision 2022-206 du 14 octobre 2022, la Défenseure des droits évoque notamment la situation d’enfants de nationalité française, interpellés puis éloignés du territoire de Mayotte, leur âge ayant été majoré sur l’arrêté d’expulsion, leur lieu de naissance et leur nationalité ayant pu être également modifiés.

Recommandations :

  • Procéder chaque fois que nécessaire à la reconstitution de l’état civil des MNA conformément à l’article 8 de la CIDE ;
  • Mettre un terme aux pratiques illégales conduisant à modifier les dates de naissance des jeunes de nationalité étrangère ou française aux fins d’éloignement ;
  • Proscrire la remise en cause de l’état civil des mineurs étrangers dès lors qu’ils justifient d’un acte reconnu par les autorités de leur pays d’origine.

[...].

D) VIOLENCES A L’EGARD DES ENFANTS

a) DROIT DES ENFANTS D’ETRE PROTEGES CONTRE LA TORTURE ET AUTRES PEINES OU TRAITEMENT CRUELS OU DEGRADANTS

- La protection des enfants contre les traitements cruels, inhumains ou dégradants

A la suite de la condamnation de la France par la CEDH le 28 février 2019 40, dans l’arrêt Khan contre France, pour violation de l’article 3 de la ConvEDH 41, le comité des ministres en charge de la surveillance de l’exécution des arrêts de la Cour européenne a adressé à la France, le 2 décembre 2021, une demande de mesures complémentaires afin de réexaminer la situation en décembre 2022 42. Le Comité déplore notamment qu’aucune des informations transmises par l’Etat ne concerne spécifiquement la catégorie des MNA en transit, particulièrement vulnérables, et rejoint les positions du Défenseur des droits dans ses demandes. Le Comité réitère son invitation aux autorités à permettre qu’un représentant légal soit désigné au plus vite pour les MNA en transit. Il demande enfin que les autorités augmentent les moyens qui leur sont dédiés, en particulier leurs capacités d’hébergement, et envisagent des lieux de mise à l’abri moins éloignés avec une possibilité de contact avec les services de l’ASE et des lieux d’accueil de jour (points d’information, de ravitaillement et sanitaires) proches des mineurs.
Malgré cette condamnation, le Défenseur des droits a de nouveau été saisi par plusieurs associations présentes sur le terrain à Calais d’une réclamation portant, une fois encore, sur les difficultés pour de nombreux MNA à obtenir une prise en charge au titre de la protection de l’enfance. Cette réclamation, en cours d’instruction, porte sur des expulsions quotidiennes de MNA avec confiscation de biens, les conditions de vie déplorables et alarmantes de mineurs, l’insuffisance des dispositifs de mise à l’abri et l’absence d’accès aux soins, des placements en rétention administrative, et l’absence d’accueil provisoire d’urgence pour de nombreux mineurs.
Ainsi, les dispositifs de protection des mineurs en transit dans les campements s’avèrent largement sous-dimensionnés, insuffisants voire inexistants, alors même que le profil de ces enfants, en situation d’extrême vulnérabilité et souvent sous l’emprise d’adultes, appelle de la part des pouvoirs publics une attention particulière, renforcée et adaptée43.

Recommandations :

  • Multiplier les dispositifs adaptés aux mineurs en situation de rue, allant des maraudes aux centres sécurisés et sécurisants, et former de manière adaptée les travailleurs sociaux au repérage et à l’accompagnement des mineurs victimes de traite des êtres humains ;
  • Mettre en place des lieux d’accueil de jour (points d’information, de ravitaillement et sanitaires) à proximité des lieux de vie de ces adolescents dits « en transit », doublés d’une possibilité de mise à l’abri de nuit inconditionnelle et immédiate.

[...].

I) MESURES DE PROTECTION SPECIALES

a) ENFANTS REFUGIES, DEMANDEURS D’ASILE, ENFANTS MIGRANTS NON ACCOMPAGNES ET ENFANTS REFUGIES

- L’enfermement des enfants migrants

Des enfants sont toujours régulièrement maintenus en zone d’attente. La Défenseure des droits a ainsi été saisie de la situation d’une mère de famille enceinte maintenue en zone d’attente avec ses deux enfants en bas âge dans une pièce de 10m2. La Défenseure des droits a également été saisie de la situation d’une mineure maintenue en zone d’attente avec ses deux parents, au sein de l’espace adulte, alors qu’elle présentait une infection urinaire et refusait de s’alimenter. Elle a sollicité auprès des préfectures concernées le réexamen de ces situations.
La Défenseure des droits continue également d’être saisie de situations de mineurs placés en rétention administrative avec leur famille, et ce malgré les nombreux arrêts de la CEDH qui a condamné la France à 8 reprises88.
A Mayotte, de manière récurrente, le Défenseur des droits est saisi de situations dans lesquelles des enfants sont rattachés à des tiers qui n’exercent sur eux aucune autorité parentale, avant d’être placés en centre de rétention89.
La Défenseure des droits alerte également sur des saisines concernant le placement en rétention des parents par les autorités administratives, sans considération de la situation des enfants se retrouvant isolés sur le territoire national.

Recommandations :

  • Faire évoluer la législation, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant et à la jurisprudence de la CEDH, pour proscrire, dans toutes circonstances, le placement de familles avec enfants en zone d’attente ou en centre de rétention administrative ;
  • Proscrire les pratiques de rattachement fictif d’enfants à des tiers qui n’exercent pas l’autorité parentale sur eux, pour les besoins des mesures d’éloignement.

- Les mineurs non accompagnés demandeurs d’asile

La Défenseure des droits est régulièrement saisie de situations dans lesquelles les MNA ne parviennent pas à accéder à la procédure de dépôt d’une demande de statut de réfugié. Leur enregistrement, à titre conservatoire, dans la base de données EURODAC, est refusé par les préfectures en l’absence d’administrateur ad hoc. Pourtant, cet enregistrement, préalable dans la procédure de demande d’asile, permet de préserver par la suite les droits à la réunification familiale du mineur et constitue la première étape après laquelle la préfecture doit saisir le procureur de la République pour désignation d’un administrateur ad’hoc (AAH). La Défenseure des droits a également été saisie de situations de MNA dont la minorité est contestée, et qui se trouvent en recours (devant le juge des enfants, la cour d’appel chambre mineurs, ou le juge aux affaires familiales), pour lesquels le procureur de la République refuse la désignation d’un AAH tant que le processus judiciaire est en cours. Les mineurs se voient ainsi empêchés d’avoir accès à cette procédure, alors même que le dépôt d’une telle demande et sa date peuvent être cruciaux pour eux.

Recommandation :

  • Favoriser l’accès à la procédure de demande d’asile en désignant systématiquement un AAH à toute personne se disant mineure tant que sa minorité n’a pas été définitivement écartée par décision judiciaire.

- La protection, l’assistance sociale et juridique des MNA

La Défenseure des droits est extrêmement préoccupée de la situation des MNA aux frontières intérieures de l’Union européenne, notamment à la frontière franco-italienne. En contradiction avec les arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne concernant la procédure applicable aux frontières intérieures de l’UE en cas de rétablissement des contrôles90, des refus d’entrée sont notifiés aux MNA identifiés aux frontières intérieures, qui se voient ainsi refoulés sans pouvoir exercer de recours. Au cours d’une mission d’observation, la Défenseure des droits a pu constater que les MNA étaient retenus au niveau « d’une zone de mise à l’abri », sans séparation des adultes, dans les locaux de la police aux frontières, en dehors de tout cadre légal. La Défenseure des droits a fait part de ses inquiétudes quant au procédé d’identification des mineurs mis en place en lien avec les autorités italiennes, et aux refus d’entrée notifiés aux mineurs « non reconnus mineurs par ces dernières ». Elle a pu constater la non prise en compte des demandes d’asile des MNA aux frontières intérieures. Elle a également été saisie de la situation de MNA dont la date de naissance avait été modifiée et qui se sont vus notifier des refus d’entrée en tant que majeurs. Préoccupée de cette situation, la Défenseure des droits a présenté ses observations devant la Cour de justice de l’Union européenne, saisie d’une question préjudicielle renvoyée par le Conseil d’État et portant sur le régime applicable aux ressortissants étrangers, parmi lesquels des mineurs, interpellés au niveau des frontières intérieures de l’Union européenne sur lesquelles ont été rétablis des contrôles91.
S’agissant des ressources allouées à la prise en charge des MNA, il faut dissocier les coûts liés à l’accueil provisoire d’urgence des MNA, l’évaluation administrative de la minorité et de l’isolement avant la décision de justice, des coûts liés à la prise en charge en protection de l’enfance une fois que le mineur est confié par décision de justice à l’aide sociale à l’enfance. Concernant le premier point, l’Etat participe au financement de la phase d’évaluation de minorité et à l’accueil provisoire d’urgence diligentés par les départements, avant la décision judiciaire. La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants est venue, de manière inédite, conditionner le versement de ce financement par l’Etat à l’utilisation par les départements du fichier AEM « Appui à l’évaluation de minorité »92. La Défenseure des droits ne peut que manifester à nouveau son opposition à une procédure relevant bel et bien d’un contrôle et d’une gestion des flux migratoires dont devraient pourtant être exclus les MNA, qui relèvent uniquement des dispositifs de la protection de l’enfance jusqu’à l’établissement de leur âge par une décision judiciaire définitive. Une fois que le mineur est confié par l’autorité judiciaire à l’aide sociale à l’enfance, la prise en charge est financée par les conseils départementaux au titre de leur compétence en matière de protection de l’enfance depuis les lois de décentralisation. L’Etat apporte une dotation globale pour l’exercice de cette compétence. Sur ce point, la Défenseure des droits souhaite attirer l’attention du Comité sur la multiplication de dispositifs spécifiques aux MNA créés par les conseils départementaux, à des prix de journées particulièrement bas, conduisant à des prises en charge dégradées et différentes, notamment en termes d’encadrement éducatif, de la prise en charge des autres mineurs en protection de l’enfance. Ces constats rejoignent ceux de l’IGAS, la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes93. Par ailleurs, la désignation d’un administrateur ad hoc aux côtés des mineurs dans le cadre du processus de détermination de minorité n’est toujours pas prévue, ni dans les textes ni au niveau des financements, contrairement à ce que préconise le Comité. Concernant l’avocat, si rien dans les textes ne s’oppose à ce qu’un mineur soit accompagné de son avocat lors de l’évaluation de minorité et d’isolement par les départements, force est de constater que l’aide juridictionnelle, qui est de droit pour les mineurs, ne couvre pas la phase d’évaluation de minorité diligentée par les conseils départementaux. Si un avocat est désigné, l’aide juridictionnelle ne couvrira que la partie judiciaire(recours devant le juge des enfants ou la cour d’appel). Cette absence de financement de l’avocat annihile donc toute intervention de celui-ci à ce stade.
S’agissant de l’hébergement des MNA, l’article L.221-2-3 du CASF (issu de l’article 7 de la loi du 7 février 2022) pose le principe d’une interdiction de l’hébergement en hôtel des enfants et jeunes majeurs de moins de21 ans accueillis au titre de la protection de l’enfance. Toutefois cette disposition n’entrera en vigueur qu’à compter de février 2024. Si cette interdiction va dans le sens des recommandations de la Défenseure des droits, celle-ci déplore les dérogations posées jusqu’à cette date par le législateur, permettant ainsi le recours au placement hôtelier « pour répondre à des situations d’urgence ou assurer la mise à l’abri des mineurs, pour une durée ne pouvant excéder deux mois »,au vu de l’impact extrêmement délétère que ces prises en charge « hôtelières »,même de courte durée, ont sur les mineurs.
Enfin, la Défenseure des droits déplore l’absence d’évolution en matière de présomption de minorité et la pratique des examens d’âge osseux94.

Recommandations :

  • Proscrire de manière absolue tout refoulement de MNA aux frontières intérieures de l’Union Européenne ;
  • Rappeler le principe de non-discrimination dans la prise en charge en protection de l’enfance afin d’assurer la même qualité de prise en charge à tous les enfants, MNA ou non, et rappeler que le choix de la structure de prise en charge doit résulter d’une évaluation individuelle des besoins de l’enfant et non d’une orientation vers un dispositif fléché en raison de la nationalité ou situation administrative du mineur ;
  • Prévoir une modification des textes afin qu’un administrateur ad hoc soit désigné en faveur de chaque jeune se disant mineur non accompagné, avant toute évaluation de sa minorité et de son isolement, pour l’accompagner et l’assister dans toutes les procédures administratives et judiciaires, jusqu’à décision définitive le concernant ;
  • Prévoir une modification des textes afin que le mineur bénéficie de la présomption de minorité jusqu’à la décision judiciaire définitive le concernant ;
  • Modifier et clarifier la rédaction de l’article 388 du code civil en interdisant le recours aux examens d’âge osseux.

b) ADMINISTRATION DE LA JUSTICE POUR MINEURS

[...].

- La réforme de la justice pénale des mineurs

[...].

Par ailleurs, la loi n° 2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a introduit en son article 30 de nouvelles dispositions pénales permettant la prise d’empreintes digitales ou palmaires ou d’une photographie sans le consentement du mineur lors d’une garde à vue ou audition sous certaines conditions lorsqu’il « refuse de justifier de son identité ou qui fournit des éléments d’identité manifestement inexacts », et notamment lorsque « Le mineur apparaît manifestement âgé d’au moins treize ans  »98. Il est à craindre que ces dispositions s’appliquent de manière particulièrement massive à l’encontre des MNA.

Cette loi a également introduit en son article 25 de nouvelles dispositions visant à permettre à une juridiction, qui se déclare incompétente pour juger une personne déférée à raison de son âge, de statuer au préalable sur le placement ou le maintien en détention provisoire de celle-ci99. Visant de fait les jeunes exilés se disant MNA, cette loi prévoit ainsi que si la personne se disant mineure apparaît au juge des enfants ou au juge des libertés et de la détention comme majeure, celui-ci renvoie le dossier au procureur, mais statue au préalable sur la détention provisoire jusqu’à comparution le jour même ou sous 24h (5 jours si la compétence pôle d’instruction n’existe pas dans le tribunal). Il en est de même lorsqu’une personne présentée comme majeure apparait mineure au tribunal correctionnel. Dans son avis n°21-12, la Défenseure des droits a alerté sur les conséquences de ces dispositions qui n’offrent pas les garanties d’un débat contradictoire, ni le droit au recours effectif et au procès équitable du mineur. Par ces dispositions, le risque de placer ou de maintenir en détention provisoire des mineurs avec des personnes majeures est grand.
Ces deux dispositions ont d’ailleurs fait l’objet d’une transmission par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil Constitutionnel100.

[...].

J) PROTOCOLE OPTIONNEL CONCERNANT LA VENTE D’ENFANT, LA PROSTITUTION DES ENFANTS ET LA PEDOPORNOGRAPHIE

[...].

- La protection des enfants victimes de traite

S’agissant des mineurs victimes de traite des êtres humains, la Défenseure des droits attire l’attention du Comité sur sa préoccupation à l’égard du traitement judiciaire et de la prise en charge des MNA victimes de traite ou sous l’emprise des réseaux, notamment ceux qui contraignent les enfants à commettre des délits, et dont le mode opératoire est souvent de rendre les enfants dépendants à différentes drogues.
Le manque de connaissances des professionnels sur le phénomène de traite mène bien souvent à un défaut de repérage et à l’absence de reconnaissance du statut de victime de ces mineurs, la dimension répressive prenant trop souvent le pas sur la protection. Ainsi, les chiffres présentés par les autorités françaises se doivent d’être relativisés. Si une cellule expérimentale a pu être mise en place à Bordeaux et a permis de démanteler un réseau en 2021, force est de constater que ce phénomène est encore trop faiblement appréhendé par la justice.
La Défenseure des droits déplore de manière globale une augmentation de ses saisines relatives à des procédures pénales visant des MNA victimes de traite, tantôt jugés par des juridictions compétentes pour les mineurs, tantôt jugés par les tribunaux correctionnels, sans réel travail en amont d’identification des mineurs, sans concertation ou réel effort de protection, la non prise en compte des mesures de protection antérieurement prononcées et l’échec des prises en charge en raison de réponses inadaptées. La Défenseure des droits s’est d’ailleurs étonnée que, s’agissant des mineurs marocains potentiellement victimes de traite, la principale réponse apportée par le gouvernement ait été de négocier un accord bilatéral en vue du retour de ces mineurs dans le pays d’origine.

Recommandations :

  • Multiplier les établissements de protection adaptés à la problématique des enfants victimes de toutes les formes de traite, en proscrivant notamment tout placement hôtelier ;
  • Accentuer la formation des forces de l’ordre, des professionnels de la protection de l’enfance et des magistrats sur toutes les formes d’exploitation, y compris sur l’exploitation visant la commission de délits, la prise en charge des mineurs victimes de traite et l’importance de les protéger et les accompagner pour qu’ils parviennent à témoigner ;
  • Augmenter les moyens permettant aux forces de l’ordre d’ouvrir des enquêtes sur les réseaux de traite dès les interpellations de mineurs auteurs d’infractions, quand des indices laissent présumer l’existence d’un tel réseau.

[...]. »


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