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La carte de séjour temporaire "salarié" ou "travailleur temporaire" pour les jeunes majeur.es isolé.es

Publié le jeudi 29 février 2024 , mis à jour le jeudi 29 février 2024

Les jeunes placé.es à l’aide sociale à l’enfance entre 16 ans et 18 ans peuvent bénéficier, à titre exceptionnel, d’une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié » s’ils remplissent les conditions prévues à l’article L. 435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

L’article L. 435-3 du CESEDA prévoit :
« A titre exceptionnel, l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance ou à un tiers digne de confiance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil ou du tiers digne de confiance sur l’insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l’article L. 412-1 n’est pas opposable. »


Le titre de séjour délivré est une carte de séjour portant la mention « travailleur temporaire » si l’étranger est en contrat de travail à durée déterminée. C’est une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » si le jeune est en contrat de travail à durée indéterminée.

Avant le 1er mai 2021 (date de l’entrée en vigueur de la recodification du CESEDA), c’est l’article L. 313-15 du CESEDA qui prévoyait l’admission exceptionnelle au séjour des jeunes majeurs qui avaient été placés à l’ASE entre 16 et 18 ans. Cet article L. 313-15 du CESEDA avait été introduit par la loi du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

La loi du 7 février 2022, relative à la protection des enfants, a modifié l’article L. 435-3 en ajoutant que le jeune majeur peut bénéficier de ce titre de séjour également s’il a été placé chez un tiers digne de confiance entre 16 ans et 18 ans.

Par une décision n°424336 du 11 décembre 2019, le Conseil d’Etat a développé un guide de lecture de cet article. Cette décision, datant de 2019, concernait l’application de l’article L. 313-15 du CESEDA mais elle peut tout à fait être transposée à l’application de l’article L. 435-3 du code.

L’article L. 435-3 prévoit une admission exceptionnelle au séjour. Le préfet a donc un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de l’instruction de la demande de titre de séjour fondée sur l’article L. 435-3 du CESEDA. Cette appréciation est encadrée par la loi qui prévoit des critères.

Extrait de la décision :
« 4. Lorsqu’il examine une demande d’admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et dix-huit ans, qu’il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l’intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation ainsi portée. »

Nous allons donc revenir sur les éléments indiqués :

1- Conditions préalables

L’étranger est dans l’année suivant son dix-huitième anniversaire.

Cette condition concerne l’éligibilité au titre de séjour. C’est-à-dire que l’examen des conditions de délivrance de ce titre de séjour a lieu lors de l’année suivant le 18ème anniversaire de l’étranger.e.
Pour plus de précisions sur les questions de délai de demande de ce titre de séjour, de recevabilité et d’éligibilité, voir cet article.

Le jeune majeur doit avoir été confié à l’aide sociale à l’enfance ou chez un tiers digne de confiance entre 16 ans et 18 ans.

L’étranger doit suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle.

Le critère relatif à la nature de la formation est celui de la qualification professionnelle. La formation peut être effectuée dans un cadre scolaire ou couplée avec contrat d’apprentissage.

Il peut s’agir d’une formation pour un CAP, un baccalauréat professionnel, d’un brevet d’études professionnel, d’un brevet professionnel, d’un titre professionnel.

Attention, le baccalauréat technologique n’est pas une formation professionnelle au sens de l’article L. 435-3 du CESEDA.

Le comportement de l’étranger ne doit pas constituer une menace à l’ordre public.

Cette condition était prévue par l’article L. 313-15 du CESEDA et faisait partie de la grille de lecture développée par le Conseil d’Etat dans la décision du 11 décembre 2019. Depuis la recodification du CESEDA, cette condition n’apparait plus à l’article L. 435-3 du CESEDA. Cependant, elle n’a pas disparu puisque le CESEDA prévoit désormais une réserve générale d’ordre public pour la délivrance de tous les titres de séjour. Cela est prévu à l’article L. 432-1 du CESEDA.

On observe, dans la jurisprudence, que le guide de lecture développé par le Conseil d’Etat est toujours appliqué après la recodification du CESEDA, y compris sur le critère lié à l’ordre public.

Si ces conditions sont remplies alors on passe au second temps du raisonnement.

2- L’appréciation globale sur la situation de l’intéressé

L’appréciation globale sur la situation de l’intéressé doit prendre en compte tous les éléments de sa situation. Certains éléments sont prévus par la loi et repris par la jurisprudence sans que cette liste soit limitative.

Caractère réel et sérieux du suivi de la formation

Il est ici fait référence à la formation professionnelle qualifiante.

Le caractère réel et sérieux de la formation est apprécié au regard de différentes pièces. Il peut s’agir de certificats de scolarité ou d’inscription, de bulletins de notes, d’attestations de l’équipe pédagogique, d’attestations du maître d’apprentissage ou de collègues dans le cas d’un apprentissage, d’attestations de formations complémentaires (qui sont passés parallèlement à la formation principale dans certains secteurs), des diplômes.

Des éléments peuvent également être rapportés dans la note sociale.

La nature des liens avec la famille restée dans le pays d’origine

Cette condition est appréciée au cas par cas, selon les pièces du dossier.

L’isolement familial ne peut pas être un critère prépondérant dans l’appréciation de la situation de l’intéressé. Le Conseil d’Etat l’a indiqué dans la décision du 11 décembre 2019 . Il a également rappelé que les dispositions de l’article L. 313-15 du CESEDA (désormais codifiées à l’article L. 435-3 du CESEDA) n’exigent pas que l’étranger soit isolé dans son pays d’origine.

« 5. Pour estimer que le préfet avait pu rejeter la demande de titre de séjour de M. A..., le président de la cour administrative d’appel de Lyon a, par adoption des motifs retenus par les premiers juges, relevé que si M. A..., pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance du Rhône à l’âge de 16 ans et un mois et inscrit au sein de la Société lyonnaise pour l’enfance et l’adolescence en atelier pâtisserie à compter du 1er juillet 2015 avait fait l’objet d’appréciations élogieuses de la part de ses enseignants, il n’établissait pas, malgré le décès de ses parents, être isolé dans son pays d’origine. En statuant ainsi pour caractériser l’absence d’erreur manifeste d’appréciation commise par le préfet, la cour a fait du critère de l’isolement familial un critère prépondérant pour l’octroi du titre de séjour mentionné à l’article L. 313-15 précité, alors, d’une part, que les dispositions de cet article n’exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine et, d’autre part, que la délivrance du titre doit procéder, ainsi qu’il a été dit au point 4, d’une appréciation globale sur la situation de la personne concernée au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, des liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur son insertion dans la société française. Elle a par suite commis une erreur de droit. »


Différents documents peuvent être produits pour apprécier la nature des liens dans le pays d’origine : actes de décès des parents, décision judiciaire du pays relatif à l’autorité parentale si elle existe… Des éléments peuvent également être notés par l’équipe éducative dans la note sociale.

Avis de la structure d’accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française

Il s’agit bien de l’avis sur l’insertion dans la société française. Cet avis est formé par la structure d’accueil ou le tiers digne de confiance.

Pour un.e jeune placé.e à l’aide sociale à l’enfance, il s’agit le plus souvent d’une note du service ayant effectué réellement la prise en charge du mineur.e. Ce qu’il convient de faire ressortir sont les éléments d’insertion dans la société française. Il ne s’agit ni du résumé du parcours migratoire, ni des éléments relatifs à l’évaluation de minorité et d’isolement.

La loi ne limite pas les éléments qui peuvent être détaillés dans cette note. L’avis peut contenir éléments relatifs à la formation et l’insertion professionnelle, la participation à des activités en club sportif, des activités de loisirs, du bénévolat, le développement de liens amicaux en France, etc…

Renouvellement du titre de séjour

Lors du renouvellement du titre de séjour, plusieurs hypothèses sont à distinguer :

  • L’étranger avait un titre de séjour « travailleur temporaire » et est toujours en CDD, il peut alors solliciter une carte de séjour temporaire portant la mention « travailleur temporaire ». Il devra présenter l’autorisation de travail relative à l’emploi en cours ou projeté.
  • L’étranger avait un titre de séjour « travailleur temporaire » et présente désormais un CDI. Il peut demander la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». Il doit présenter l’autorisation de travail correspondant à l’emploi pour lequel il a un CDI.
  • L’étranger avait une carte de séjour temporaire « salarié » et est toujours en CDI. Il peut demander la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « salarié ». Cette carte a une durée de validité de 4 ans
  • L’étranger avait une carte de séjour temporaire « salarié » et a été involontairement privé d’emploi, il peut bénéficier d’une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » et valable une année.