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La carte de séjour temporaire "vie privée et familiale" pour les jeunes majeur.es isolé.es

Publié le jeudi 29 février 2024 , mis à jour le jeudi 29 février 2024

Les jeunes majeur.es étranger.es ayant été confié.es à l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de 16 ans bénéficient d’une carte de séjour portant la mention « vie privée et familiale » s’ils remplissent les conditions prévues à l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

L’article L. 423-22 du CESEDA dispose :

« Dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s’il entre dans les prévisions de l’article L. 421-35, l’étranger qui a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1.

Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l’étranger avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. »

Avant le 1er mai 2021 (date d’entrée en vigueur de la recodification du CESEDA), ce titre de séjour était prévu à l’article L. 313-11 2 bis du CESEDA. En cas de besoin, l’on peut donc se référer à la jurisprudence antérieure relative à l’application de l’article L. 313-11 2 bis du CESEDA.

La loi du 7 février 2022, relative à la protection des enfants, a modifié l’article L. 423-22 du CESEDA en incluant la protection des jeunes majeurs qui ont été placés chez un tiers digne de confiance avant l’âge de 16 ans.

L’article L. 423-22 du CESEDA prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » de plein droit. C’est-à-dire que le préfet est tenu de délivrer ce titre de séjour dès lors que les conditions prévues à l’article L. 423-22 sont remplies.

La carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » autorise son titulaire à travailler. Cette autorisation de travail n’est assortie d’aucune restriction, que ce soit en matière de profession exercée, de quotité travaillée ou de zone géographique de travail. L’étranger.e titulaire de cette carte de séjour peut exercer l’activité de son choix, qu’elle soit professionnelle, ou qu’il s’agisse d’études ou de formation.

L’étranger.e jeune majeur.e bénéficie de plein droit de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » s’il remplit les conditions prévues à l’article L. 423-22 du CESEDA.

Le raisonnement se fait en deux temps.

Voir par exemple, en jurisprudence :
« Lorsqu’il examine une demande de titre de séjour de plein droit portant la mention « vie privée et familiale », présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l’article L. 421-35 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public et qu’il a été confié, depuis qu’il a atteint au plus l’âge de seize ans, au service de l’aide sociale à l’enfance. Si ces conditions sont remplies, il ne peut alors refuser la délivrance du titre qu’en raison de la situation de l’intéressé appréciée de façon globale au regard du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le juge de l’excès de pouvoir exerce sur cette appréciation un entier contrôle. »

1- Il convient de vérifier si des conditions préalables sont remplies

Le jeune a été confié à l’aide sociale à l’enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de son 16ème anniversaire.

La date prise en compte est bien celle du 16ème anniversaire.
Il est en généralement considéré que la date retenue est celle de la première décision judiciaire qui est intervenue, en général une ordonnance de placement provisoire du Procureur de la République, ou une décision de placement du juge des enfants.
D’ailleurs, l’annexe X du CESEDA prévoit, au titre des pièces nécessaires pour le dépôt d’une demande de titre de séjour sur le fondement de l’article L. 423-22 du CESEDA, que doit figurer la décision de placement judiciaire avant 16 ans.

Quelle date retenir quand un jeune a fait l’objet d’un accueil provisoire d’urgence avant 16 ans mais d’une placement judiciaire après son 16ème anniversaire ?
Dans certains cas, il a été considéré que c’est la date de la décision administrative d’accueil provisoire d’urgence qui était retenue pour considérer que le jeune avait été confié à l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de 16 ans. Ces cas font écho à la jurisprudence en matière de déclaration de nationalité. En effet, dans le cas de la déclaration de nationalité, la question est celle de savoir si le mineur a été confié depuis au moins trois ans à l’aide sociale à l’enfance puisque l’article 21-12 du code civil prévoit :
« L’enfant qui a fait l’objet d’une adoption simple par une personne de nationalité française peut, jusqu’à sa majorité, déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu’il réclame la qualité de Français, pourvu qu’à l’époque de sa déclaration il réside en France.
(…)
Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :
1° L’enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l’aide sociale à l’enfance ; (…) »
Pour l’application de cet article, il a été considéré que la date de l’accueil provisoire d’urgence devait être celle prise en compte. Par exemple, la Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 25 mai 2023, a rappelé :
« Le requérant ayant été pris en charge sans discontinuité par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis le 2 mars 2017, d’abord dans un cadre administratif, puis judiciaire, il peut bénéficier, sous réserve de justifier d’un état civil fiable, des dispositions de l’article 21-12 alinéa 3 1° , ce texte ne prévoyant aucune condition en ce qui concerne le cadre juridique dans lequel le mineur est accueilli par l’aide sociale à l’enfance, n’exigeant notamment pas un accueil dans un cadre judiciaire , contrairement à la partie de la phrase qui précède et concerne les enfants élevés par une personne de nationalité française, pour lesquels l’enfant doit avoir été recueilli sur décision judiciaire depuis plus de trois ans.
La condition tenant au délai de trois ans est en conséquence remplie, M. X ayant déposé sa déclaration de nationalité le 1er juillet 2020, alors qu’il était accueilli depuis le 2 mars 2017, ce qui n’est pas contesté. »
Il existe une similarité entre les textes sur le titre de séjour et celui sur la nationalité en qu’ils concernent tous les deux le jeune « confié à l’aide sociale à l’enfance » et ne prévoient aucune condition en ce qui concerne le cadre juridique dans lequel le mineur est accueilli par l’ASE. Ainsi, cet argument pourrait être utilement mobilisé en cas de besoin pour une demande de titre de séjour, sans qu’il n’y ait pour le moment de jurisprudence établie en la matière.

Le jeune doit avoir été confié à l’aide sociale à l’enfance ou à un tiers digne de confiance.

C’est la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, dite Loi Taquet, qui a introduit le placement chez un tiers digne de confiance à l’article L. 423-22 du CESEDA. Pour l’application de l’article L. 423-22 du CESEDA, le placement chez un tiers digne de confiance est donc équivalent au placement à l’aide sociale à l’enfance.
Ce n’était pas le cas avant la loi du 7 février 2022.

Le jeune doit se trouver dans l’année suivant son 18ème anniversaire.

A ce titre, il convient de préciser que la demande de titre de séjour peut être déposée jusqu’à la veille du 19ème anniversaire, en application de l’article R. 431-5 du CESEDA. Il est donc possible que la délivrance de la carte de séjour temporaire intervienne après le 19ème anniversaire, compte tenu du délai d’instruction de la demande de titre de séjour.
La carte de séjour peut aussi être délivrée si l’intéressé.e a entre 16 et 18 ans dans certaines conditions.

2- Si ces conditions sont remplies, il est procédé à une appréciation globale de la situation du jeune. Cette appréciation tient compte des critères indiqués à l’article L. 423-22 du CESEDA

Caractère réel et sérieux du suivi de la formation prescrite

Le jeune doit avoir suivi de matière réelle et sérieuse une formation.

La loi ne pose aucune restriction sur la nature de la formation. La formation peut être générale ou technologique. La formation peut être professionnelle, avec ou sans contrat d’apprentissage.

Le caractère réel et sérieux est apprécié au regard des pièces du dossier. A ce titre, peuvent être joints au dossier des certificats de scolarité, des bulletins de notes, des attestations de l’équipe de formation, des diplômes, etc…

Il est généralement considéré que si le jeune a uniquement suivi des cours de français, cela est insuffisant pour considérer que les conditions de l’article L. 423-22 du CESEDA sont remplies.

La nature des liens avec la famille restée dans le pays d’origine

L’appréciation qui est portée sur la nature de ces liens est faite au cas par cas, selon les éléments du dossier. Par exemple, cela peut être des actes de décès des parents le cas échéant, ou des décisions judiciaires relatives à l’autorité parentale. Si l’équipe éducative a constaté des éléments relatifs à l’absence de liens avec la famille restée dans le pays d’origine, il est tout à fait approprié de l’indiquer dans une note. Il a été constaté que certaines préfectures sollicitent du jeune qu’il remplisse une attestation sur ses liens dans son pays d’origine.

Sur ce critère, il est rappelé que le code ne prévoit pas de liste limitative de document à joindre.

La préfecture ne peut exiger du jeune la preuve d’une absence de lien. Elle ne peut faire de ce critère un critère prépondérant pour l’appréciation de sa situation, sous peine de commettre une erreur de droit.

Avis de la structure d’accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française

Il s’agit bien de l’avis sur l’insertion dans la société française. Cet avis est formé par la structure d’accueil ou le tiers digne de confiance.

Pour un jeune placé à l’aide sociale à l’enfance, il s’agit le plus souvent d’une note du service ayant effectué réellement la prise en charge du mineur. Ce qu’il convient de faire ressortir sont les éléments d’insertion dans la société française. L’avis n’a pas à contenir d’autres éléments. Il ne s’agit ni du résumé du parcours migratoire, ni des éléments relatifs à l’évaluation de minorité et d’isolement.

La loi ne limite pas les éléments qui peuvent être détaillés dans cette note. L’avis peut contenir des éléments relatifs à la formation et l’insertion professionnelle, la participation à des activités en club sportif, des activités de loisirs, du bénévolat, le développement de liens amicaux en France, etc…. En somme, l’avis relève tous les éléments relatifs à l’insertion.

Renouvellement de la carte de séjour

Lors du renouvellement du titre de séjour, le.la jeune majeur.e étranger.e peut solliciter la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle, dont la durée de validité est quatre années.

Cette carte lui est délivrée sous deux conditions :
-  il.elle continue de remplir les conditions prévues pour la délivrance de la carte de séjour temporaire.
-  Il.elle justifie de son assiduité et du sérieux de sa participation aux formations prévues dans le cadre du contrat d’intégration républicaine. Pour en justifier, le contrat d’intégration républicaine et les attestations de participation aux journées de formation délivrées par l’OFII sont produits à la préfecture.

A noter : l’étranger.e ayant effectué sa scolarité dans un établissement d’enseignement secondaire français pendant au moins trois années scolaires ou qui a suivi des études supérieures en France d’une durée au moins égale à une année universitaire est dispensé de la signature du contrat d’intégration républicaine.