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A Paris, des centaines de mineurs isolés étrangers toujours à la rue et des associations à bout

Publié le 23-06-2023

Date de la publication : 23/06/2023
Source : France 24 - Les Observateurs
Auteur : Corentin Bainier

« Après la dispersion d’un campement éphémère de migrants mineurs à Paris mardi 20 juin, des centaines de jeunes, majoritairement originaires du continent africain, se retrouvent à la rue et sans ressources. Des associations, dont celle de notre Observatrice, dénoncent la réponse violente des autorités.

Les tentes ne seront restées que quelques heures devant le Conseil d’État, place du Palais-Royal à Paris. Avec l’aide de quatre associations (Utopia 56, Tara, Timmy, Les midis du MIE), 450 jeunes migrants mineurs s’étaient installés le 20 juin au soir pour une action de "visibilisation", visant à dénoncer leur situation : en attente d’être éventuellement reconnus comme mineurs par les autorités françaises, ils ne bénéficient d’aucune prise en charge et s’en remettent aux bénévoles qui leur viennent en aide. Peu après minuit, les forces de l’ordre ont dispersé de manière musclée le campement.

"On a passé un cap dans la violence"

Notre Observatrice Agathe Nadimi, coordinatrice de l’association Les midis du MIE, raconte, choquée, la scène :

"On est arrivés à 20 h mardi soir, on a monté les tentes. Puis la police est arrivée et a fini par nous taper : les jeunes, les avocats, des députés et les militants associatifs. De nombreux jeunes ont été blessés par les policiers. Un jeune était inconscient, il a été transféré à l’hôpital. On a passé un cap dans la violence, quand on voit que des avocats, des députés sont aussi violentés par les forces de l’ordre.

On s’est dispersés avec les jeunes puis on s’est retrouvés au square Jules-Ferry, près de la place de la République. On était censés avoir un peu de répit car on avait l’accord de rester jusqu’à 6 h du matin, heure à laquelle il a fallu à nouveau que les jeunes se dispersent. Depuis, on fait zoner les jeunes de parc en parc, c’est un enfer. Ils ont une résilience incroyable, on leur envoie des localisations par WhatsApp et ils suivent, ils nous font confiance, mais nous, on n’a plus confiance en rien."

"Il y avait un problème sanitaire avec des maladies infectieuses"

Depuis début avril, ces jeunes ont investi avec l’aide des associations une école désaffectée du 16e arrondissement de Paris, relate notre Observatrice.

"Si nous sommes venus devant le Conseil d’État, c’est que la situation dans l’école n’était plus tenable. Quand on a investi les lieux le 4 avril, il y avait 150 jeunes, à la fin il y a en avait 700, ils étaient littéralement les uns sur les autres. Il y avait un problème sanitaire avec des maladies infectieuses qui se transmettaient mais surtout un craquage psychologique. J’ai vu des jeunes qui étaient arrivés à l’école très cool finir par craquer, mettre des coups de poing dans les vitres."

Le directeur de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France s’est rendu à deux reprises sur le site de l’école. Contactée par notre rédaction, l’ARS rapporte que ces visites ont suscité des "préoccupations concernant la densité de la population et le manque de moyens d’hygiène" et estime que "la situation en matière de santé psychique était préoccupante".

Dimanche 18 juin, des vidéos ont montré le campement dans la cour de l’école sous les violents orages qui frappaient Paris.

Le campement a également été la cible de menaces de militants d’extrême-droite, pendant que des habitants de ce quartier huppé se sont plaints de la présence de migrants dans leur voisinage.

Un mineur est dit "isolé" au sens où il est arrivé en France sans ses représentants légaux. Selon France Terre d’Asile, "de sa minorité découle une incapacité juridique, et de l’absence de représentant légal une situation d’isolement et un besoin de protection." Il doit faire évaluer sa minorité par des organismes agréés, si elle lui est reconnue, il sera placé en foyer de l’enfance, dans un hôtel social, dans des Maisons de l’Enfance, ou en famille d’accueil. S’il est débouté, il peut entamer un recours devant un juge.

"Recommencer une occupation d’un lieu ne servira à rien, ça sera le même résultat"

Agathe Nadimi reprend :

"Tous ces jeunes ont été refusés par les dispositifs d’évaluation en Île-de-France. Lors de cette procédure, le juge peut soit demander un test osseux soit une expertise de leurs papiers quand ils en ont, soit les deux. Ça peut durer jusqu’à huit mois, pendant lesquels ils ne sont pas reconnus par l’État et sont laissés à la rue sans rien. A la fin de cette procédure, une moitié environ est reconnue, les autres sont sans prise en charge.

On les aide mais ce n’est pas à nous de le faire. Aujourd’hui, on a donc des jeunes dans la nature, certains dans des états psychologiques très inquiétants. Recommencer une occupation d’un lieu ne servira à rien, ça sera le même résultat, on finira par se faire tabasser. Je ne comprends pas qu’on nous ait laissés dans cette situation. Les associations en ont marre, on nous balade, on ne nous parle pas. Nous n’avons même pas eu un mot de soutien de la mairie."

Contactée par la rédaction des Observateurs de France 24, la Mairie de Paris répond "avoir été pleinement mobilisée dès le début de l’occupation de l’école Erlanger pour venir en aide à ces jeunes en difficulté, notamment en interpellant à de nombreuses reprises l’État dont c’est la compétence pour qu’une mise à l’abri ait lieu et en garantissant une couverture des besoins fondamentaux, dont une aide alimentaire, de l’eau et des toilettes sur place". Elle annonce organiser "prochainement" un rendez-vous avec l’association Utopia 56.

De son côté, la préfecture d’Île-de-France assure avoir "été attentive sur la situation de l’école Erlanger en lien avec l’Autorité régionale de santé" et qu’elle procède régulièrement à des mises à l’abri notamment de personnes trouvées sur la voie publique sous tente. Elle rappelle cependant que "le système d’hébergement d’urgence est à saturation à Paris". Le ministère de l’Intérieur n’a pas donné suite à nos sollicitations.

En 2017, la rédaction des Observateurs de France 24 avait documenté dans un reportage de la Ligne Directe la situation des mineurs isolés étrangers à Paris. La situation n’a guère évolué depuis.

Article écrit en collaboration avec Sixtine Cuny, stagiaire à France 24.  »


Voir l’article en ligne :
www.observers.france24.com