InfoMIE.net
Informations sur les Mineurs Isolés Etrangers

Accueil > Actualités MIE > Quel avenir pour les centaines de jeunes migrants de la rue Erlanger (...)

Quel avenir pour les centaines de jeunes migrants de la rue Erlanger ?

Publié le 13-06-2023

Date de la publication : 13/06/2023
Source : Radio France - france culture

Provenant du podcast - Le Reportage de la Rédaction

« Le 4 avril, 170 migrants s’installaient, à l’aide d’associations, dans une école vacante rue Erlanger, dans le cossu 16eme arrondissement de Paris. Deux mois plus tard, ils sont 650 dans ce petit établissement. Une audience a eu lieu lundi 12 juin pour statuer sur leur avenir.

Cela fait plus de deux mois que des migrants logent dans une école abandonnée au 58 rue Erlanger, dans le 16eme arrondissement de Paris. Une école qui appartient à la mairie de Paris. Cette dernière a déposé une demande d’expulsion le mois dernier "en conditionnant, avec la préfecture de région, d’une mise à l’abris de ces migrants en échange", précise Ian Brossat, adjoint au logement et à l’hébergement d’urgence à la maire de Paris. Une audience a donc eu lieu, un mois plus tard, ce lundi 12 juin. Les associations, comme la mairie, ont plaidé une mise à l’abris. Le délibéré est attendu pour le 30 juin. En attendant, chaque jour, de jeunes migrants continuent d’arriver dans cette école vacante. " Tous les jours il y a au moins dix nouvelles personnes qui arrivent , on est vraiment très nombreux", raconte Zac, un jeune migrant originaire de Guinée arrivé au début, il y a deux mois, dans l’école.

Une situation de plus en plus critique

En effet, ils sont passés de 170 à 650 jeunes migrants en un temps record. À tel point que les associations qui les encadrent ne peuvent plus les laisser occuper les lieux toutes la journée. "Entre 10h et 18h les portes sont fermées, raconte Nikolaï Posner, porte-parole d’Utopia 56. On ne peut que leur donner un petit déjeuner le matin, il y a un générateur de disponible dans la matinée pour charger leurs téléphones avant qu’ils partent mais après on ne rouvre qu’à 18h, où l’association La Chorba, soutenue par la mairie de Paris, leur prépare et offre un dîner."

Plus les jours avancent, plus la situation devient difficilement gérable. Paul est coordinateur à Médecins du Monde à Paris, il est présent depuis le premier jour auprès des migrants. " On est très loin des conditions d’accueil de migrants que l’on peut trouver à l’international. Ici les jeunes se lavent à peine, en pleine cour de récréation, avec un bidon d’eau, ils se brossent les dents au-dessus d’une bouche d’égout." Il n’y a pas de matelas pour tout le monde, certains dorment à même le sol avec une couverture pour un semblant d’amorti du carrelage glacé des salles de cours.

Un quotidien raconté par Mamadou, il vit ici depuis deux mois. "Il y a des gens qui peuvent ne pas se laver pendant une semaine. En montrant son bras droit il raconte, toute ma peau était gâtée. J’avais des boutons partout, ça me grattait." Il évoque le froid, la crasse, la sueur, qui l’empêche de dormir.

Les épidémies et les maladies sont surveillées comme le lait sur le feu. "Il faut faire attention à ce que la galle ne se développe pas car dans de bonne conditions ça se soigne très bien mais ici ce sera beaucoup plus compliqué. On a déjà eu un soupçon de tuberculose et un cas avéré de drépanocytose ", raconte Paul, de Médecins du Monde.

Mais le plus préoccupant c’est la santé mentale de ces jeunes. "L’autre fois il y avait un jeune qui ne pouvait plus s’arrêter de pleurer car il repensait à la traversée en bateau qu’il a vécu. Il nous a raconté qu’il a vu un bébé tomber du bateau dans lequel il était, qu’il n’a pas pu le sauver, il ne s’arrêtait pas de pleurer. C’est de ça qu’on parle. Ce sont des parcours traumatisant, pour tous ces enfants, ces adolescents, ces jeunes", soupire Paul.

Des rêves et des jours meilleurs

Zac, toujours assis sur son banc rêve de jours meilleurs. "Pour atteindre ses objectifs, ses rêves, il faut beaucoup de courage", évoque-t-il. Son rêve à lui c’est de devenir coiffeur à Paris. Pour Conor, c’est d’être maçon. " Je veux aller à l’école, apprendre, aider ma mère et mes frères qui sont restés en Côte d’Ivoire. Je suis le plus jeune de la famille. Je veux réussir à m’insérer dans la société, faire quelque chose de mes mains, devenir un grand maçon, travailler dans le bâtiment". Mamadou lui, rêve de vivre ailleurs, pouvoir avoir des repas fixes, une douche chaque jour et devenir "électricien ou faire de la soudure" après avoir "avoir appris mieux le français" son but "c’est d’être accepté ici, peu importe la ville en France".

Tous aspirent à une vie plus stable, une mise à l’abris serait un bon début avec un hébergement décent. Nikolaï Posner est le porte-parole d’Utopia 56, l’une des associations présentes dans l’école aux côtés des migrants. Il a assisté à l’audience lundi 12 juin. Cette annonce du délibéré prévu au 30 juin est un nouveau coup dur, c’est une nouvelle période d’attente. "Nous ce qu’on veut c’est partir au plus vite de cette école grâce à une mise à l’abris. Car les mettre à l’abris c’est avant tout pour les mettre en sécurité mais il en est de même pour la société dans son ensemble. Parce que des jeunes aujourd’hui livrés à eux-mêmes dans les rues de Paris c’est la tentation vers des réseaux de petite délinquance ou de traite d’être humain pour éviter de survivre."

"Face à un mur"

Pour éviter cela, les associations ont tenté à de nombreuses reprises de contacter l’Etat pour faire évoluer la situation plus rapidement, sans succès**. "On a la sensation de faire face à un mur"**, dénonce Nikolaï Posner. Et c’est aussi ce que dénonce Ian Brossat, adjoint à la maire de Paris en charge du logement et de l’hébergement d’urgence. "La réalité c’est que l’Etat aurait très bien pu organiser une mise à l’abris indépendamment de cette décision d’évacuation. En général quand on a besoin d’un décision d’évacuation du tribunal pour organiser une mise à l’abris c’est parce qu’on considère que les personnes qui occupent les lieux ne sont pas volontaires pour partir. Or, ici, les jeunes souhaitent être loger ailleurs, autrement que dans ces conditions", souligne-t-il. Pour lui, l’Etat conditionne la mise à l’abris à une décision d’évacuation. "À partir de là, ce qu’il faut, c’est que l’Etat prépare cette opération de mise à l’abris dès maintenant parce que cela demande une logistique importante. Il faut identifier les places d’hébergement en Ile-de-France est ailleurs, c’est leur travail."

Sans contact avec la préfecture et les services de l’Etat depuis deux mois, Nikolaï Posner craint justement que cette mise à l’abris ne prenne pas en compte la situation de ces migrants. "Aujourd’hui la peur c’est que tous ces jeunes soient envoyés en région, sans qu’ils y aient été préparés, et le jour où des bus vont arriver en leur disant ’vous êtes envoyés à Marseille, à Angers, ou ailleurs’ ils vont refuser de monter dedans. Car tous ces jeunes ont entamé des procédures juridiques en Ile-de-France et dans le cas éventuel où ils seraient envoyés en région, ils n’auraient pas la capacité de suivre ces procédures étant donné qu’ils n’ont aucune ressource."

Pour tenter de résoudre ce problème et d’instaurer le dialogue**, la mairie de Paris envisage d’instaurer une réunion tripartite** avec les service de l’Etat et les associations. Contactée par la rédaction, la préfecture de régions dit vouloir travailler "main dans la main avec les associations". »


Voir en ligne :
www.radiofrance.fr