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Drones, renforts policiers… à la frontière franco-italienne : des mesures prises "au détriment du respect des droits" des migrants

Publié le 12-05-2023

Date de la publication : 12/05/2023
Source : InfoMigrants
Autrice : Leslie Carretero

« Les autorités françaises ont autorisé le déploiement de drones à la frontière franco-italienne pour faire face, selon elles, à une hausse des arrivées de migrants. Ces nouvelles mesures s’ajoutent au renfort de 150 policiers et gendarmes dans la région des Alpes-Maritimes, annoncé fin avril par la Première ministre. Les associations dénoncent un "emballement médiatique" loin de la réalité, qui ne répond pas aux violations des droits des migrants observées depuis des années.

Pour contrôler un peu plus la frontière franco-italienne et empêcher les entrées illégales de migrants sur le sol français, des drones vont être déployés dans la zone. Deux arrêtés, mis en ligne jeudi 11 mai par la préfecture des Alpes-Maritimes, autorisent pour trois mois "la captation, l’enregistrement et la transmission d’images" prises par drones dans des secteurs délimités des communes de Menton, Castellar, Sospel et Breil-sur-Roya.

Les textes soulignent notamment que "la difficulté du terrain" et la présence de nombreux sentiers "permettant de contourner le dispositif de lutte contre l’immigration irrégulière" rendent "matériellement impossible de prévenir le franchissement irrégulier de la frontière (…) sans disposer d’une vision aérienne dynamique" sur l’ensemble de ces "périmètres".

Fin avril, la Première ministre Elisabeth Borne avait déjà annoncé des renforts policiers pour surveiller la frontière. "Face à une pression migratoire [dans la région], nous mobiliserons dès la semaine prochaine 150 policiers et gendarmes supplémentaires dans les Alpes Maritimes", avait-elle déclaré.

Elisabeth Borne avait également déclaré qu’une "border force" allait été créée l’été prochain et mise en place d’ici six mois. Elle consistera à associer plus étroitement forces de sécurité, douaniers et militaires.

"Situation explosive"

Les autorités justifient leurs actions par une recrudescence des tentatives de passages depuis l’Italie voisine. Selon la préfecture de région, "depuis le début de l’année 2023, le flux migratoire en provenance de l’Italie a été multiplié par quatre". Environ 9 000 "individus en situation irrégulière ont été interceptés" à la frontière.

Jeudi, l’Assemblée des départements de France (ADF) avait par ailleurs réclamé l’aide du gouvernement pour faire face à une "situation explosive" dans le département, notamment sur la question des mineurs isolés.

D’après le président de l’ADF, François Sauvadet, "environ 2 000" mineurs non accompagnés ont été accueillis depuis janvier dans les Alpes maritimes, sur les 5 000 pris en charge sur l’ensemble du territoire français.

François Sauvadet estime que les départements, en charge de l’accueil des mineurs et de l’évaluation de leur âge, "ne sont pas armés pour faire face à cette vague migratoire". "Il faut que l’État assume que ces jeunes ne relèvent pas de la protection de l’enfance mais d’un afflux migratoire". Il demande que les autorités "prenne[nt] en charge ces jeunes pendant la période d’évaluation de la minorité".

Dans les Alpes maritimes, "on a épuisé toutes les capacités d’accueil du département, on n’a plus de places disponibles", a encore alerté François Sauvadet.

Une situation qui avait poussé le préfet du département à réquisitionner mi-avril un gymnase à Menton, à la frontière franco-italienne, sur demande du président du conseil départemental Charles-Ange Ginésy (LR), estimant que les arrivées de mineurs dans le département étaient quatre fois supérieures à l’année précédente.

"On a connu bien pire"

Du côté des associations, on ne comprend pas cet "emballement politique". "On constate en effet une augmentation des arrivées mais on a connu bien pire dans le passé", assure à InfoMigrants Suzel Prio de Roya citoyenne.

À titre d’exemple, lors des maraudes à Vintimille, ville frontalière italienne, quelque 200 repas sont servis chaque soir aux exilés, selon l’association. En 2017, on en comptait plus de 900 tous les jours.

Agnès Lerolle, coordinatrice de cinq ONG à la frontière franco-italienne, est, elle aussi, du même avis. "Nous n’avons pas l’impression qu’il y ait eu un gros changement ces dernières semaines", signale-t-elle à InfoMigrants.

Les locaux de Caritas Vintimille n’ont pas non plus enregistré une recrudescence des arrivées. Depuis octobre 2022, entre 1 000 et 1 500 migrants passent chaque mois par le centre. Si tous les migrants ne s’arrêtent pas forcément sur le site de Caritas, ce chiffre permet de mesurer une possible recrudescence du nombre de personnes dans la région. Et aucun pic n’a été observé durant cette période.

Les drones et les renforts policiers annoncés par les autorités inquiètent les humanitaires. Agnès Lerolle dénonce des "mesures de contrôle et de surveillance mises en place au détriment du respect des droits" des migrants. "On assiste toujours aux mêmes pratiques illégales : privations de liberté sans cadre légal et sans la présence d’un avocat, refoulements de mineurs, entretiens expéditifs, restrictions pour déposer une demande d’asile, contrôles discriminatoires…", énumère-t-elle. Des méthodes maintes fois dénoncées par les ONG depuis des années.

Agnès Lerolle s’interroge : "Je me pose la question : quel est le but de tout ça ? On nous dit que c’est pour protéger les personnes en migration et réprimer les activités de passeurs. Mais les exilés ne sont pas plus protégés, bien au contraire, et il y a toujours autant de passeurs à la frontière". »


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