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Royaume-Uni : près de 900 mineurs considérés à tort comme adultes par le Home Office

Publié le 1er-05-2023

Date de la publication : 01/05/2023
Source : InfoMigrants
Autrice : Maïa Courtois

« Trois ONG viennent de révéler, grâce à des données inédites récoltées auprès des collectivités, qu’au moins 867 mineurs isolés ont été traités comme des adultes par le Home Office en 2022. Sans même les évaluer, l’équivalent britannique du ministère de l’Intérieur leur a attribué une date de naissance. Puis, les a envoyés d’hôtel en hôtel, voire en centres de détention, aux côtés d’adultes.

Au moins 867 migrants mineurs ont été considérés à tort comme des adultes par le Home Office (l’équivalent britannique du ministère de l’Intérieur) en 2022. C’est ce que révèle un rapport publié par les ONG Human Rights Network, Asylum Aid et Helen Bamber Foundation.

Ces mineurs ont été "placés seuls dans des hébergements aux côtés d’adultes, ou dans des centres de détention pour migrants, exposés à des risques importants", affirme le document. Les conclusions sont basées sur l’accès inédit aux données de 70 collectivités locales, obtenues dans le cadre du droit à l’information britannique.

Pour comprendre l’enjeu, il faut revenir à la procédure en vigueur lorsqu’un demandeur d’asile entre seul sur le territoire du Royaume-Uni en déclarant avoir moins de 18 ans. L’agent de l’immigration qui le reçoit a trois possibilités. Soit il accepte l’âge déclaré. Soit il le met en doute, estimant qu’une procédure de vérification est nécessaire.

Dans ces deux premiers cas, le jeune isolé est placé sous la responsabilité des services de l’enfance des collectivités locales. Composés de travailleurs sociaux, ces services l’accompagnent, et mènent une évaluation détaillée de son âge.

Mais il existe une troisième voie. L’administration peut décider que "l’apparence et le comportement" de la personne "suggèrent très fortement" que sa majorité "est largement dépassée". On entre alors dans la catégorie que les ONG nomment "enfants traités comme des adultes".

Deux tiers des jeunes s’avèrent être des enfants

Ces jeunes migrants ne sont pas notifiés aux services de l’enfance. Leur âge n’est pas évalué. "On leur attribue une date de naissance. Puis ils sont envoyés dans des hébergements pour adultes, dont des hôtels ; ou dans des centres de détention", explique le rapport.

La loi pose, en théorie, des garde-fous dans le recours à cette catégorie. Mais dans la pratique, les abus du Home Office apparaissent largement répandus. Les 70 collectivités interrogées ont tout de même pu "récupérer" 1 386 jeunes qui se disent mineurs mais considérés adultes, au cours de l’année 2022.

Comment les collectivités les récupèrent-elles ? Grâce à des ONG - ou plus rarement le personnel des structures - qui alertent les autorités locales sur la présence de mineurs dans différents centres. Des travailleurs sociaux des services de l’enfance sont alors envoyés auprès du jeune. Ils peuvent, eux, décider de l’évaluer (grâce à des rendez-vous chez des médecins, etc).

De fait, les signalements reçus sont, le plus souvent, fondés. Deux-tiers des jeunes signalés - 63 %, soit 867 jeunes donc - étaient effectivement... des enfants.

"Les dix plus longues nuits de sa vie"

Les exemples sont légion. Abdul, par exemple, a passé trois mois seul dans des hôtels à côtoyer des adultes. Les personnels des hébergements n’ont pas signalé sa présence, malgré le fait qu’il ait fait part de sa minorité à un agent de sécurité parlant sa langue natale.

Le jeune homme a finalement réussi à entrer en contact avec l’ONG Humans for Rights Network. Celle-ci l’a signalé aux autorités locales. Un travailleur social a été envoyé auprès de lui. Dans la foulée, il a été évalué. Il était bien mineur, âgé de 16 ans. Le Home Office lui en avait donné 23.

Aziz, mineur isolé iranien arrivé par bateau en novembre, s’est vu attribuer un âge 11 ans supérieur au sien. Envoyé au centre pour adultes de Manston (Kent), il y a passé "les dix nuits les plus longues de sa vie". Transféré ensuite d’hôtel à hôtel, il s’est chaque fois signalé au personnel comme mineur. En vain. Ce n’est que grâce à des amis qu’il récupère le contact de l’ONG, reçoit la visite de travailleurs sociaux, et est évalué mineur dans la foulée.

La catégorisation hâtive du Home Office a pu toucher des très jeunes. "Des enfants de 14 ans ont été placés dans des hôtels ou en détention", dénoncent les observateurs du rapport. Là, des violences et agressions sexuelles sur enfants sont régulièrement documentées par la presse britannique. Des enquêtes avaient été ouvertes en novembre suite à deux cas d’agressions sexuelles sur mineurs dans un hôtel de Londres.

"Abus de pouvoir"

Cette pratique, si elle a rarement été aussi documentée et chiffrée, ne date pas d’aujourd’hui. En novembre 2022, l’ONG Refugee Council avait réalisé des entretiens avec 16 enfants, restés plusieurs semaines dans le centre de Manston. Ces mineurs témoignaient de modifications de leurs dates de naissance, y compris pour ceux qui fournissaient des documents d’identité probants.

"Il s’agit d’un abus de pouvoir de la part du gouvernement. Ces enfants sont très vulnérables et ont déjà vécu tellement de choses", avait commenté Renae Mann, directrice exécutive du Refugee Council, auprès du Guardian. L’ONG a construit un programme pour accompagner les jeunes souhaitant faire reconnaître leur minorité, baptisé "Age Dispute Project".

"Les adultes prétendant être des enfants ou les enfants traités à tort comme des adultes représentent de graves risques", a commenté le Home Office auprès du Guardian, suite au rapport des ONG. "C’est pourquoi nous allons lancer le comité national d’évaluation de l’âge, introduire de nouveaux outils scientifiques d’évaluation comme les rayons X, et déposer de nouveaux amendements" au projet de loi sur la migration illégale. Dans le cadre de ce texte, le gouvernement britannique a largement communiqué au sujet des adultes prétendant être mineurs.

"Il y a beaucoup, beaucoup moins d’adultes qui ’prétendent’ être des enfants que ne le suggère le Home Office. Au lieu de cela, des centaines d’enfants sont traités à tort comme des adultes et exposés à des risques importants", déclarent les ONG.

D’autant que ces chiffres sont sans doute sous-estimés. D’abord, parce que 29 collectivités n’ont pas donné suite aux demandes d’information. Ensuite, parce que les jeunes signalés et rencontrés par des travailleurs sociaux ne sont pas tous automatiquement évalués. »

Voir l’article en ligne : www.infomigrants.net