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A Paris, des « hébergeurs solidaires » abritent chaque soir en urgence femmes et enfants

Publié le 17-02-2023

Date de la publication : 17 février 2023
Source : 20 minutes
Autrice : Aude LORRIAUX

«  ÇA FAIT CHAUD AU CŒUR Ce dispositif d’hébergement d’urgence est «  unique au monde » selon un des responsables de l’association Utopia 56

  • L’association Utopia 56 a construit un système d’hébergement d’urgence fondé sur les bonnes volontés de 500 citoyens et citoyennes, à Paris ou proche banlieue.
  • 20 Minutes s’est rendu chez Elodie, 38 ans, qui accueille régulièrement depuis un an femmes et enfants dans son pavillon de Villejuif.
  • « Ça s’est toujours bien passé. Certes il faut changer les draps et faire un peu de ménage mais ça ne nous prend pas beaucoup de temps. Les gens font leur vie et c’est nous qui décidons à quelle heure ils repartent le matin. C’est toujours des familles très discrètes », explique Elodie.

Scène de petit-déjeuner ordinaire. Marcia, 38 ans, regarde le pain au chocolat qu’elle s’apprête à engloutir, sa fille prunelle, 1 an et 9 mois, sur les genoux. La petite fait d’adorables sourires et observe attentivement le chien de la maison qui vient de se coucher dans son coussin. En face, Elodie, du même âge que Marcia, prépare un thé et répond à divers appels professionnels, tout en discutant entre deux coups de fil avec la famille qu’elle accueille dans son pavillon à Villejuif (Val-de-Marne). Sauf qu’il ne s’agit pas d’invitées ordinaires. Marcia et Prunelle ont été orientées ici par l’association Utopia 56 parce qu’elles n’ont pas de logement, dans le cadre d’un dispositif hébergement d’urgence par des citoyens et citoyennes lambda.

Elodie est devenue une « hébergeuse solidaire  » il y a un an, après avoir regardé quelque temps auparavant un reportage sur le retrait des troupes d’Afghanistan. A ce moment-là, elle vient d’emménager dans un logement plus grand et dispose d’une chambre de disponible. Elle se demande où vont ces gens qui fuient les combats, se dit qu’elle pourrait donner un coup de main, en parle à son mari et fait quelques recherches. Elle tombe alors sur une vidéo de l’association Utopia 56 et se décide.

Depuis, elle a accueilli déjà une petite dizaine de familles. « J’ai toujours travaillé en ONG, explique la directrice de la branche française de l’association Quatre pattes, spécialisée dans la protection animale. Il n’y a pas besoin d’avoir la fibre pour accueillir mais moi, j’ai peut-être sauté le pas plus vite. » Si au départ elle avait un peu peur de ne pas avoir le temps de s’occuper de ses hôtes, avec sa vie professionnelle et familiale bien remplie, cette peur s’est vite dissipée. «  Ça s’est toujours bien passé. Certes il faut changer les draps et faire un peu de ménage mais ça ne nous prend pas beaucoup de temps. Les gens font leur vie et c’est nous qui décidons à quelle heure ils repartent le matin. C’est toujours des familles très discrètes  », explique Elodie.

Rituel d’accueil

Marcia et sa fille sont arrivées le 26 décembre de Côte d’Ivoire. Après avoir dormi deux jours Gare du Nord avec sa fillette, elle est tombée sur Utopia 56, et depuis grâce à l’association n’a plus jamais dormi dehors. Pour autant, son quotidien n’est pas facile, car les hébergements sont parfois loin, et elle doit sans cesse changer, les hébergeurs accueillant rarement au-delà d’une nuit ou deux. « C’est très fatigant et je ressens de l’inquiétude. Souvent ma fille n’arrive pas à bien dormir », explique cette maman avec une voix calme, douce, tandis que sa fille, toujours aussi souriante, sage et sociable, monte sur les genoux de la journaliste qui l’interroge.

Cette fois, la nuit a été bonne, si l’on en croit la maman. « Vous pouvez rester une nuit de plus, ou si vous préférez partir pas de souci, c’est comme vous voulez  », propose Elodie. L’hébergeuse a tout un rituel et des principes d’accueil, parmi lesquels le fait de laisser ses hôtes tranquilles. Elle voit leurs traits tirés et les kilos qu’ils transportent et essaie de ne pas leur imposer de discussions interminables. A leur arrivée, elle leur montre les lieux, la chambre, leur explique ce qu’ils peuvent utiliser - des serviettes et brosses à dents notamment - et les laisse se reposer. Généralement, ils ont déjà mangé. Une soupe et du pain, en l’occurrence, servis par Utopia 56 dans la file d’attente des inscriptions pour l’hébergement, qui se déroule place de l’hôtel de ville, à même la rue, et sous les fenêtres des élus.

« Ça se passe bien avec les gens qui hébergent. Nous n’avons jamais eu de problème, ils sont gentils, confie Marcia. Hier, ils ont donné des vêtements à ma fille », glisse avec un sourire l’Ivoirienne. A Paris, plus de 500 bénévoles sont inscrits et inscrites sur les listes d’Utopia pour accueillir en urgence des personnes, mais moins de 5 % sont concrètement disponibles chaque soir. Le soir du 15 février, où Marcia attendait avec sa fille avant qu’Elodie propose son toit, quinze hébergeurs et hébergeuses citoyennes étaient disponibles, qui ont accueilli 33 personnes. L’association dispose d’autres relais comme en ce moment un parking, une paroisse et une entreprise, Lulu dans ma rue, qui prêtent leurs locaux pour que le reste des familles qui se présentent à Hôtel de ville à Paris ne dorment pas dehors.

«  Depuis qu’on a ce parking fin novembre, on arrive à mettre à l’abri tous les gens qui se présentent à nous », explique Nikolaï Posner, coordinateur communication de l’association, qui précise toutefois que sont acceptées seulement les femmes seules et femmes avec enfants. Un lieu devrait ouvrir mi-mars pour les mineurs isolés, mais d’ici là, impossible d’accueillir les hommes. L’association a tout de même proposé en 2022 13.000 nuitées. Un dispositif «  quasi unique au monde » selon le coordinateur, qui existe aussi en Belgique mais dans une bien moins grande ampleur.

A Paris, 3.000 sans abris dont une centaine de mineurs

«  La réponse citoyenne est formidable et nécessaire mais il faudrait qu’il y ait une démarche de l’Etat pour organiser cela, commente Nikolaï Posner. Il se cache derrière la saturation du dispositif d’hébergement d’urgence et abandonne à la rue des milliers de femmes et d’enfants. Quand la saturation de l’hébergement d’urgence dure des années, on ne peut plus parler de saturation. Il y a un refus d’augmenter les places à la hauteur des besoins.  »

Mi-janvier, près de 4.900 demandes d’hébergement d’urgence au 115, la plateforme nationale, n’ont pas été satisfaites. D’autant il ne s’agit là que d’une évaluation très partielle de la réalité, une part importante des sans-abri n’appelant pas le 115, car ils savent qu’ils n’ont presque aucune chance de se voir proposer une chambre. A Paris seulement, la 6e édition de la Nuit de la Solidarité a recensé plus de 3.000 personnes sans solution d’hébergement dans la nuit du 26 au 27 janvier dernier, dont 105 mineurs, un chiffre en hausse par rapport à 2022.

Le dispositif d’Utopia 56 est donc essentiel à ces familles. " C’est simple, flexible et sans souci ", lance Elodie à l’attention des lecteurs et lectrices. Au même moment, la petite Prunelle revient du jardin, l’air bien content d’avoir trouvé ici un refuge chaleureux.

Pour devenir hébergeur solidaire, vous pouvez visiter la page dédiée sur le site d’Utopia 56. L’association recherche aussi des bénévoles. ».

Voir l’article en ligne : 20minutes.fr