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Article 39 de la loi du 26 janvier 2024 - Fichier des mineurs mis en cause

Publié le mercredi 28 février 2024 , mis à jour le mercredi 28 février 2024

L’article 39 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration crée un fichier spécifique pour les mineur.es non accompagné.es soupçonné.es d’avoir commis une infraction pénale.
Cet article n’était pas dans le projet de loi déposé par le gouvernement mais a été introduit en première lecture par le Sénat.
Ce fichier est prévu par l’article L. 142-3-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droits d’asile (CESEDA) et est ainsi rédigé :

« Art. L. 142-3-1.-Afin de faciliter l’identification des mineurs se déclarant privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’ils aient pu participer, comme auteurs ou complices, à des infractions à la loi pénale ou l’établissement d’un lien entre plusieurs infractions commises par un seul de ces mineurs, les empreintes digitales ainsi qu’une photographie de ces derniers peuvent être relevées dans les conditions prévues aux articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de la justice pénale des mineurs, être mémorisées et faire l’objet d’un traitement automatisé dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/ CE (règlement général sur la protection des données) et par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Le traitement de données ne comporte pas de dispositif de reconnaissance faciale à partir de la photographie.
« Les données peuvent être relevées dès que la personne se déclare mineure. La conservation des données des personnes reconnues mineures est limitée à la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle. »

Objet du fichier :

Il ne vise que les mineur.es non accompagné.es (MNA).
Il a pour objet de permettre :

  • l’identification de MNA à l’encontre desquels il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable leur participation à des infractions, comme auteur ou complice ;
  • l’établissement d’un lien entre plusieurs infractions commises par un MNA.


    A NOTER : le fichier peut être utilisé pour tout type d’infraction. Il n’est pas limité aux infractions présentant un certain degré de gravité, comme c’est le cas pour d’autres fichiers de police. Ainsi, par exemple, concernant le traitement d’antécédents judiciaires (fichier TAJ), la loi limite les infractions pour lesquelles il peut être utilisé.
    C’est uniquement dans le cas où le relevé d’empreintes est effectué sous la contrainte que l’utilisation du fichier est limité à certaines infractions (voir ci-dessous, modalités de collecte des données)

Données collectées :

  • Empreintes digitales
  • Photographie. La loi précise qu’il n’y a pas de dispositif de reconnaissance faciale.

Modalités de collecte :

Les données sont collectées dès lors que la personne se déclare mineure.
La loi renvoie aux articles L. 413-16 et L. 413-17 du code de la justice pénale des mineurs :

  • Le relevé des données est effectué par un officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, un agent de police judiciaire.
  • L’officier ou l’agent de police judiciaire doit s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur.
  • Dans le cas où le mineur ne consent pas au relevé des empreintes ou à la prise de photographies, il peut y être procédé par la contrainte, sur autorisation du Procureur de la République et si des conditions sont remplies. Parmi ces conditions, figure le fait que le mineur doit être manifestement âgé de plus de 13 ans et l’infraction dont il est soupçonné doit être un crime ou un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement.

Garanties :

  • Le relevé des données doit être fait par un officier de police judiciaire ou, sous son contrôle, un agent de police judiciaire.
  • La loi ne prévoit aucune garantie quant aux personnes pouvant consulter ce fichier.
  • La loi ne prévoit aucune durée maximale de conservation des données. Deux situations sont à envisager :
    • Pour les « personnes reconnues mineures », les données ne peuvent être conservées, selon la loi, « que pour la durée strictement nécessaire à leur prise en charge et à leur orientation, en tenant compte de leur situation personnelle ». La loi demeure imprécise sur la notion de « prise en charge », qui est polysémique, et impose de tenir compte de « la situation personnelle » mais ne spécifie pas les facteurs de nature à influer sur la conservation des données.
    • Pour les personnes qui ne seraient pas reconnues mineures, la loi ne prévoit aucune durée de conservation maximale des données.

Objectif du fichier :

Compte tenu de son objet, le fichier peut être qualifié de fichier de police puisqu’il vise à permettre l’identification de personnes mises en cause dans la commission d’infractions.


En indiquant que les données sont conservées, pour les personnes reconnues mineures, pour la durée nécessaire à leur prise en charge et orientation, le fichier semble vouloir se situer également sur le terrain de la protection de l’enfance.


Enfin, ce fichier est créé au sein de la loi relative à l’immigration, inséré au chapitre de la loi intitulé « Rendre possible l’éloignement d’étrangers constituant une menace grave pour l’ordre public » et le Conseil constitutionnel a considéré que cet article n’était pas un cavalier législatif (le Conseil constitutionnel ne s’est toutefois pas prononcé sur le fond).
Cependant, il faut rappeler qu’un mineur ne peut faire l’objet d’une décision d’éloignement et que les données peuvent être relevées sans caractériser une menace grave pour l’ordre public, puisque les données peuvent être relevées pour tout type d’infractions.


Compte tenu de ces éléments, l’objectif du fichier n’est pas clairement déterminé.