Il y a une douzaine d’années environ, nous découvrions à Strasbourg des jeunes en provenance de différents pays, arrivés sans leurs parents, en quête de sécurité, de dignité, de formation. En quête d’un véritable avenir, tout simplement, qui leur était interdit dans leur pays d’origine.
Agés de moins de 18 ans, ils devaient bénéficier du dispositif de Protection de l’Enfance, la loi - et les juges ont dû le rappeler - ne faisant pas de différence suivant l’origine du danger qui menace le mineur. Que sa sécurité, sa santé ou sa moralité soient compromis du fait de l’attitude de ses parents, ou qu’il le soient du fait de son isolement et de son dénuement dans un pays qu’il ne connait pas, la France doit protection au mineur. Même si des adultes, qu’on peut appeler amis, réseaux, passeurs ou mafias ont contribué à son arrivée en France, personne n’est là sur place pour se préoccuper de ses besoins essentiels.
Ces jeunes sont des adolescents ayant besoin d’être sécurisés, mis en confiance, inscrits dans un projet de formation qui leur permette de se projeter dans l’avenir. Si on ne les considère pas de cette manière, ils seront sujets aux dérives des jeunes livrés à eux-mêmes : débrouille, puis conduites à risque pour pouvoir survivre : prise de produits toxiques, actes délictueux, dépression, actes désespérés...
Les éducateurs, les enseignants, les juges, les avocats, les psychologues, qui ont appris à connaître ces jeunes, ont dû adapter leurs pratiques professionnelles à ce nouveau "public". Ils ont aussi souvent été impressionnés par leur potentiel, leur énergie, leur capacité à s’intégrer et leur effet positif sur les jeunes en souffrance de nos sociétés.
La volonté de ces adolescents étrangers n’est pas de devenir un sujet de société ou de faire les titres des médias. Pourtant, de plus en plus, on s’empare de ce sujet pour le présenter comme un problème, voire une menace pour l’équilibre du système français de Protection de l’Enfance. La question de leur arrivée sur le territoire est abordée sous l’angle réducteur et souvent biaisé du fait migratoire, supposé mettre en danger la société d’accueil. Les pouvoirs publics se renvoient mutuellement la responsabilité de leur "prise en charge".
Dans le même temps, les modalités de leur accueil sont de plus en plus dérogatoires du droit commun : simple mise à l’abri en hôtel au lieu de placement en foyer, suivi social minimal au lieu d’accompagnement éducatif, retard dans l’orientation scolaire... L’institution judiciaire s’avère elle aussi réticente, voire méfiante, à l’égard de ces jeunes, dont la minorité, ou même l’isolement, sont mis en doute. Le soupçon de fraude leur est régulièrement opposé.
L’augmentation des arrivées de ces jeunes étrangers depuis deux ans, réelle, sans être excessive, a certes pu générer des tensions dans le dispositif qui avait été mis en place dans le Département du Bas- Rhin.
Elle semble surtout avoir révélé, bien plus que provoqué, les difficultés structurelles et budgétaires du service de l’Aide Sociale à l’Enfance.
La "Circulaire Taubira" du 31 mai 2013, ainsi que la décision du Président Kennel du 13 septembre dernier, de suspendre dorénavant tout accueil de mineurs étrangers isolés dans le Bas-Rhin, ne sont que les derniers rebondissements d’une question essentielle du point de vue de la défense des droits fondamentaux.
Elle a ainsi sollicité la contribution des institutions parties prenantes, au niveau local, national et international, mais aussi des observateurs travaillant au plus près de la vie quotidienne de ces jeunes : sociologues, psychologues, juristes, éducateurs.
Elle propose une journée d’étude qui aura lieu, à titre symbolique, le 20 novembre 2013, jour anniversaire de la signature de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.
TABLE RONDE
14h00 : ACCUEIL DES PARTICIPANTS
14h15 Ouverture de la Table Ronde :
Sophie SCHWEITZER, Présidente de la Section Strasbourg de la Ligue des Droits de l’Homme.
Introduction au débat :
Séverine RUDLOFF, Avocate au barreau de Strasbourg
Gaëlle LE GUERN, Chef de service et juriste au Foyer OBERHOLZ
Témoignage de deux jeunes étrangers arrivés en France mineurs et isolés
15h00 QUELLE PRISE EN CHARGE DES MINEURS ETRANGERS NON ACCOMPAGNES EN EUROPE ?
Daniel SENOVILLA HERNANDEZ, chercheur au sein du CNRS -Université de Poitiers
Kelly SIPP, Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Nadine LYAMOURI, consultante auprès du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies et du Conseil de l’Europe
15h45 - Pause café
16h00 L’EVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS ISOLES ETRANGERS EN FRANCE ET DANS LE BAS-RHIN
Manon RICHARD, Chargée de mission au Pôle Défense des Droits de l’Enfant du Défenseur des Droits
François GIORDANI, Ancien Juge des Enfants
Laurent SCHLERET , Directeur Général Adjoint des Services, DGA en charge du Pôle Aide à la Personne, Conseil Général du Bas-Rhin
Guillaume ALBERT, Directeur de l’association THEMIS
17h00 L’HEBERGEMENT DES MINEURS ISOLES ETRANGERS A L’HOTEL : REALITES ET IMPACTS
Emmanuel KLAINGUER, chef de service du SAMI (Service d’Accompagnement des MineursIsolés) du FOYER NOTRE DAME
Theodora KRISTOFORI, diplômée en sociologie et spécialisée en « Développement, Conflits et Intervention Sociale »
Cihan GUNES, Psychologue à l’association Parole Sans Frontières
18h00 fin de la table ronde
PROJECTION
19h00- 20h00 Présentation du documentaire « PRESUME MAJEUR, DANS LES PAS D’UN MINEUR ISOLE ETRANGER », de Benoit CASSEGRAIN et Clémence GEIDAN, en présence du réalisateur.
L’entrée à l’Odyssée est de 4 euros.
Nous serons heureux de vous offrir un verre afin de clôturer cette journée.