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Immigration : tensions entre Londres et Paris sur les mineurs isolés

Publié le 17-02-2017

Source : www.lemonde.fr

Auteurs : Philippe Bernard et Maryline Baumard

« Le Royaume-Uni durcit le ton avant d’engager la procédure de Brexit, alors que le premier ministre Bernard Cazeneuve se rend vendredi à Londres.

L’ombre du Brexit devait planer, vendredi 17 février sur les « discussions bilatérales » que les premiers ministres britannique et français, Theresa May et Bernard Cazeneuve doivent tenir à Downing Street. Officiellement, la très prochaine activation – peut-être début mars – de la procédure de sortie de l’Union européenne par Mme May ne figure pas à l’ordre du jour, consacré aux questions de défense, de sécurité et d’énergie. La France, comme les 26 autres Etats de l’UE, refuse d’ailleurs toute négociation avant la notification officielle par Londres. Mais le divorce avec l’Europe, qui phagocyte déjà la vie politique britannique, occupe aussi les esprits côté français.

Si ce n’était pas le cas, les Britanniques se sont chargés de rappeler aux Français leur état d’esprit du moment, tourné vers la construction d’un rapport de force en vue des négociations sur le Brexit. Autant dire que, derrière la rengaine du « Brexit bon pour tout le monde » de rigueur à Downing Street, l’heure est davantage au bras de fer qu’à l’Entente cordiale.

A peine subliminal, le message a été adressé mercredi 8 février par Amber Rudd, qui a succédé à Mme May au ministère de l’intérieur. Devant la Chambre des communes, Mme Rudd a annoncé que le Royaume-Uni n’accueillerait que 350 mineurs isolés au lieu des 3 000 qui avaient été quasiment promis lors de l’adoption, en mai 2016, de l’amendement Dubs, du nom d’un Lord travailliste de 84 ans. Alf Dubs fut sauvé des persécutions nazies par la politique britannique d’accueil des enfants juifs dite « Kindertransport ».

L’annonce, faite en catimini en plein débat sur le Brexit, a douché les derniers espoirs de jeunes demandeurs d’asile évacués de la « jungle » de Calais. Ceux qui ont de la famille au Royaume-Uni sont en principe éligibles à l’accueil dans ce pays.

« Nous avons fait notre devoir », a affirmé la ministre de l’intérieur en utilisant un argument qui a laissé pantois les autorités françaises : « Mes partenaires français ne veulent pas que nous acceptions des enfants au titre de l’amendement Dubs car ils estiment que cela crée un appel d’air » qui incite ces jeunes à « entreprendre [ce] voyage périlleux ». « La France n’a jamais demandé l’arrêt de l’accueil par le Royaume-Uni, assure une source diplomatique française. Nous demandons aux Britanniques de réétudier les dossiers qu’ils ont rejetés. »

Pareille mauvaise manière à quelques jours de la rencontre des deux premiers ministres n’a pas échappé à Matignon, qui qualifie le discours d’Amber Rudd fermant la porte aux mineurs isolés de « déclaration politique à replacer dans le contexte du Brexit ». Autrement dit, une déclaration hostile destinée à faire de la question de Calais et de l’accueil des réfugiés une monnaie d’échange dans une négociation de sortie de l’UE qui s’annonce dure.

Décision « honteuse »

Selon Paris, 504 mineurs issus de la « jungle » de Calais ont été effectivement admis au Royaume-Uni au titre des liens familiaux, hors procédure Dubs. Mais 130 mineurs alléguant eux aussi des liens familiaux au Royaume-Uni, et ayant essuyé un refus d’asile, ont déposé un recours. Parmi eux, 80 ont été déboutés, tandis que la procédure reste pendante pour les 50 autres. Bernard Cazeneuve devait demander à Theresa May que soit donné un « coup d’accélérateur ».

Dans le climat de xénophobie accentué par le référendum sur le Brexit, la première ministre britannique joue à fond la carte de la protection des frontières. Mais le pied de nez à l’amendement Dubs et à la tradition d’accueil du royaume passe mal. L’archevêque de Canterbury, chef spirituel des anglicans, s’est dit « attristé et choqué » et de nombreuses célébrités, dont l’acteur Benedict Cumberbatch et l’ancien footballeur Gary Lineker, ont adressé à Mme May une lettre ouverte qualifiant sa décision de « profondément honteuse ». A la Chambre des communes, Joanna Cherry, députée nationaliste écossaise, s’est écriée en faisant allusion au voyage de Mme May à Washington : « Est-ce ce qui arrive quand on lèche les bottes du président Trump ? » Quant à Yvette Cooper, présidente travailliste de la commission des affaires intérieures des Communes, elle a accusé le gouvernement de « jeter des enfants vulnérables dans les bras des trafiquants ». Un recours devant la Haute Cour a été déposé par des associations selon lesquelles les collectivités territoriales qui, d’après Downing Street, n’ont pas accepté d’accueillir plus de 350 jeunes, n’ont en réalité pas été consultées.

[...] »

Voir en ligne : http://www.lemonde.fr/referendum-su...