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Dieppe : ces mineurs étrangers veulent se construire un avenir

Publié le 20-01-2017

Source : www.paris-normandie.fr

Auteur  : Barbara HUET

« Social. Ils s’appellent Oumar, Hashim, Idi, Mohamed... Après des voyages mouvementés, ces jeunes étrangers sont arrivés à Dieppe par hasard. Avec l’aide des associations, ils s’efforcent de se construire un avenir.

Après quelques heures passées à la médiathèque, Oumar, 17 ans, et Mohamed 16 ans, attendent sagement qu’Edwige se libère pour retourner à leur hôtel. « Vous avez lu des ouvrages de philosophie, comme la dernière fois ? » La secrétaire de l’association Itinérance Dieppe ne fait pas seulement le « taxi » pour ces jeunes arrivés à Dieppe, la plupart du temps, par hasard . Elle s’intéresse à leur parcours, leurs projets, leur donne des nouvelles d’Adama, leur copain, parti le matin même pour intégrer un foyer à Fécamp.

Ils sont actuellement neuf mineurs, âgés de 16 et 17 ans, originaires de Guinée, de Côte d’Ivoire, du Mali, du Burkina Faso, du Congo et du Pakistan. Une fois à l’hôtel, Edwige Gosset s’assure que tout le monde va bien. Idi, burkinabé de 17 ans, est triste à cause du départ d’Adama mais il garde le sourire : son stage dans un garage, démarré lundi, se passe bien. Parallèlement le jeune homme suit des cours de maths et de français au lycée du Golf. Et surtout, le soir il fait de la boxe, sa grande passion, au Ring olympique dieppois. Il espère obtenir une licence pour pouvoir participer à des combats et plus seulement se limiter aux entraînements. En attendant, ce soir il est exténué et décline l’invitation d’Edwige qui propose à tous une petite visite guidée de la ville pour intégrer le nouveau, Hashim, pakistanais de 16 ans. Le jeune homme, très timide, s’exprime uniquement en anglais mais semble content de sortir. Oumar, Guinéen et Dieppois depuis quelques mois, l’accompagne. « Bon, de nuit ce n’est pas l’idéal pour voir la mer mais on y retournera ce week-end », promet la bénévole, qui s’occupe de ces jeunes en plus de son métier d’assistante logistique.

Pas le droit à l’erreur

Leur histoire commune a commencé le 19 décembre : « Nous avons été contactés par une association rouennaise car un de ces jeunes était malade. Le médecin d’Itinérance l’a examiné. Mais nous nous sommes aperçus, qu’outre des problèmes de santé, ces mineurs sont complètement isolés. Ils sont perdus dans cette ville qu’ils ne connaissent pas et où ils n’ont aucun contact », souligne la secrétaire d’Itinérance. Depuis, elle rend visite quotidiennement à Mohamed, Idi et les autres. Balade au château-musée, sur le front de mer, gâteau d’anniversaire... Elle organise des activités mais en veillant à ne pas trop en faire : « Légalement, les « parents » de ces jeunes sont représentés par l’ASE, j’engage ma responsabilité dès que je fais quelque chose », n’oublie pas la bénévole de 60 ans.

Quant aux « vrais » parents de ces mineurs ils sont très loin ou décédés ; et bien souvent dans des conditions tragiques. Le parcours de ces adolescents, jusqu’à leur arrivée en Seine-Maritime, est émaillé de difficultés en tout genre, voire de drames. Suite à l’assassinat de son père en Guinée, l’un d’entre eux a dû fuir le pays avec son oncle. Ils ont rejoint la Libye où l’oncle a été tué. Le jeune homme a, alors continué son chemin seul. Traversé du désert du Mali, de la Mauritanie, arrestation et enfermement pendant trois jours au Maroc, voyage à bord d’un rafiot, de Casablanca jusqu’aux côtes françaises... Il a, finalement, été recueilli par la police à la gare de Rouen. « Ils ont tous eu une enfance chaotique », souligne, bouleversée, Edwige. À un âge, qui devrait être celui de l’insouciance, ces jeunes n’ont vécu que des heures noires et périlleuses. Aujourd’hui, ils doivent s’accrocher encore et toujours pour espérer s’en sortir. Ils n’ont pas le droit à l’erreur.

220 en seine-Maritime

Chaque année, l’ASE (aide sociale à l’enfance) et des structures gérées par le Département s’occupent de nombreux mineurs non-accompagnés. Ils sont, actuellement, au nombre de 220 dans toute la Seine-Maritime. Et 63 dorment dans des hôtels situés dans les villes en mesure de les accueillir. Ils sont suivis « le plus longtemps possible », précise-t-on au Département. Et à leur majorité, des contrats jeune majeur peuvent être établis pour assurer un accompagnement dans la durée. Les mineurs étrangers sont, bien souvent, arrivés sur le territoire par des filières de passeurs.

Dieu-Merci, futur boulanger

Il a fêté ses 18 ans le 15 janvier et en guise de cadeau d’anniversaire, Dieu-Merci a bien failli retrouver la rue. Il était logé par l’ASE (Aide sociale à l’enfance), à l’hôtel, jusqu’à sa majorité mais le jour de ses 18 ans, cette aide a pris fin. Par chance, une bénévole a eu la gentillesse d’accueillir le jeune homme mais cette solution est, bien entendu, provisoire. L’objectif est, maintenant, de trouver un logement. Et pour entamer ce type de démarches, Dieu-Merci doit régulariser sa situation. Un processus qui prend énormément de temps, d’autant que « ses papiers sont, pour l’instant, confisqués par la Police aux frontières qui doute de leur authenticité », expliquent les associations Médecins du Monde, Itinérance et RESF (Réseau éducation sans frontières).

En outre, le jeune Congolais est scolarisé au CFA de Rouxmesnil-Bouteilles où il passe un CAP boulangerie. En novembre, il a été embauché en tant qu’apprenti, jusqu’en août 2018, à la boulangerie Debonne, rue Thiers. « J’avais déjà un peu appris ce métier en Afrique et là ça se passe vraiment très bien », indique, ravi, Dieu-Merci. Les associations travaillent également sur ce plan, afin d’actualiser son contrat, face à son nouveau statut de majeur. Des complications administratives qui n’entament pas la motivation du jeune homme : « Après mon CAP boulangerie, je voudrais enchaîner sur un diplôme en pâtisserie », précise-t-il. Et à l’issue de ses formations ? « Travailler chez Debonne ! », espère-t-il de tout cœur.
Un bel objectif pour le Congolais qui a perdu ses parents alors qu’il n’avait que 4 ans.

Un apprenti modèle

Livré à lui-même, vivant dans la rue, il était menacé de mort. Avec l’aide d’un fonctionnaire, il a fui le Congo et a atterri à Paris en novembre 2015. Il a vécu plusieurs semaines, caché, à la gare du Nord, avant d’arriver à Rouen et d’être pris en charge par l’association Médecins du monde. Dieu-Merci a, alors, effectué les démarches nécessaires à la réalisation de son rêve : devenir boulanger.

« Je cherchais un apprenti et la chambre des métiers m’a contacté pour me proposer d’embaucher Dieu-Merci. Après deux jours d’essai excellents, il a intégré l’équipe. Mais je ne connaissais pas encore son histoire », souligne Paul Debonne, le patron, qui a ouvert son commerce il y a tout juste dix ans. Le Congolais travaille chez lui trois jours par semaine, de 6 h à 13 h, et suit les cours au CFA, le reste du temps. « Il est doué, curieux, réactif, ponctuel, toujours de bonne humeur... », Paul Debonne ne tarit pas d’éloges sur sa nouvelle recrue et n’a pas envie de la perdre, faute de papiers. »

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