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« Pour les mineurs qui fuguent, on est déçus humainement »

Publié le 5-01-2017

Source : www.lavoixdunord.fr

Auteur : Eric Dussart

« Pierre Barrez est le responsable du CAOMI de Morbecque (1), près d’Hazebrouck, qui a accueilli en octobre 40 mineurs afghans en provenance de Calais, sous la responsabilité de l’AFEJI, association luttant contre l’exclusion.

– Comment s’est passé l’accueil des quarante mineurs, au début ?

« Nous avons tout de suite été en contact avec le Home Office britannique, dont les représentants sont venus rencontrer tous les jeunes. L’un d’eux a fugué dès le premier jour, et trois autres le week-end suivant.
Notre mission est d’accompagner leur projet de vie, tout en garantissant leurs droits et leur protection, puisqu’ils sont mineurs. Nous avons parfois récupéré des papiers, depuis des copies qu’ils avaient dans leurs téléphones, ou fait appel à la Croix-Rouge anglaise pour retrouver leurs parents établis là-bas.
Mais l’une de nos fiertés est d’avoir réussi à les sédentariser. Pour des jeunes Afghans, c’est parfois plus difficile que des Subsahariens, qui acceptent plus facilement ce que la France peut leur apporter. »

– On dit qu’aujourd’hui, le passage en Grande-Bretagne est impossible, qu’en est-il ?

« Eh bien moi, je vous dis le contraire. Nous avons eu deux réponses positives après les annonces britanniques. Un jeune de 15 ans est parti le 28 décembre, un autre de 17 ans doit partir dans quelques jours.
À ceux qui ont eu des réponses négatives, nous proposons d’autres projets, comme la demande d’asile, bien sûr. Mais avant tout, nous leur expliquons que nous ne voulons pas les laisser se mettre en danger, repartir à Calais, tenter de grimper à nouveau sur des camions.
Au début, ils étaient méfiants, mais aujourd’hui, ils sont nombreux à comprendre qu’en Grande-Bretagne ce n’est pas toujours la vie qu’ils imaginent et qu’en France, nous avons quelque chose de solide à leur proposer. Nous avons réussi à leur faire comprendre que leur projet en Grande-Bretagne, ce n’est pas la meilleure des choses. D’ailleurs, par ceux qui sont passés, nous avons parfois des retours… pas terribles. Alors, peut-être qu’à la lumière de cela, certains se disent « j’ai joué, j’ai perdu »... »

– Dans quel état sanitaire sont-ils ?

« Quand ils sont arrivés, ils avaient des traumatismes physiques et psychologiques importants. Nous avons d’abord soigné les blessures, les brûlures, puis les traumatismes psychologiques.
Récemment, au camp de la Linière, à Grande-Synthe, nous avons encore eu le cas de deux Érythréens qui sont arrivés très fatigués. Nous avons essayé de les loger, mais ils sont partis. Je ne dis pas que c’est forcément un échec quand ils fuguent, mais nous mettons tout en œuvre pour les garder. Quand ce n’est pas le cas, on est déçus, sur le plan humain.
À ce jour, on peut dire qu’un quart a vu son projet accepté par les Britanniques, un quart a fait une demande d’asile, un autre quart attend une évaluation de leur minorité, pour un éventuel recours, et le dernier quart est reparti. Pour ceux-là, on ne peut rien. »

1. Il est également responsable des dispositifs de Cassel, de l’Escale à Dunkerque et adjoint du camp de la Linière à Grande-Synthe. »

Voir en ligne : http://www.lavoixdunord.fr/98598/ar...