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Comment Hasni ou Roj, enfants réfugiés syriens, se reconstruisent avec la danse

Publié le 17-12-2016

Source : www.lefigaro.fr

Auteur : Caroline De Malet

« Au Luxembourg, vingt enfants réfugiés, certains non accompagnés, participent à un stage de danse organisé dans le cadre du projet Dream Up.

« One, two, three, four » : sur une musique endiablée, les pas de danse et les chorégraphies se succèdent. Samon l’Afghan, Yana la Syrienne et Osman le Sénégalais se déhanchent allègrement au rythme des conseils d’Abou Lagraa, le chorégraphe franco-algérien qui dirige pendant quatre jours cet atelier à Luxembourg Ville. À les entendre rire, difficile d’imaginer que la vingtaine d’enfants qui suivent ce programme de danse sont des réfugiés arrivés dans la capitale luxembourgeoise il y a moins d’un an, après avoir fui leur pays, seuls pour une partie d’entre eux.

Oubliés, les pleurs de Fatima, en larmes avant la séance après avoir perdu son téléphone portable ! Ce dernier contenait toutes les photos de la jeune fille, inconsolable, ont expliqué ses amies Ayaa et Shahed, en tentant de la réconforter. Autrement dit tout ce qui lui restait de sa vie d’avant. Avant, c’est-à-dire avant l’exil, à l’époque où elle vivait encore en Irak avec ses parents.

Aujourd’hui, Fatima vit dans un foyer. Elle y a retrouvé d’autres enfants avec lesquels elle partage sa culture, comme Ayaa, Irakienne, Layth, kurde irakien ou Roj, kurde de Syrie. « Nous nous faisons aussi des amis luxembourgeois à l’école ou au cours de basket », assure Osman. Leur « fiche rose » - document délivré en attendant le traitement de leur demande de protection internationale - est le sésame qui leur permet d’aller à l’école et participer aux nombreuses activités extrascolaires qui leur sont proposées.

« Ils sont extrêmement sollicités, la plupart des clubs sportifs les exemptent de droits d’inscription et de nombreux donateurs leur fournissent des équipements sportifs », explique Jonathan, éducateur au foyer Saint Antoine. Jolie bâtisse en centre-ville, jardin agrémenté d’une aire de jeux, avec vélos et poulailler, sans parler du coiffeur, ce foyer, l’un des onze gérés par Caritas à travers le pays, s’est spécialisé dans les mineurs non accompagnés. « Sur 78 occupants, vingt sont des mineurs isolés et vingt-cinq ont entre 18 et 25 ans », explique Caroline Theves, responsable relations donateurs et partenaires de Caritas Luxembourg. Si l’on en croit le Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (UNHCR), sur les 184 ressortissants syriens ayant obtenu le statut de réfugié au Luxembourg au premier semestre 2016 (dont 129 hommes et 55 femmes), soixante-neuf étaient des enfants. Milla Trausch, metteur en scène qui mène depuis des années au Luxembourg un travail auprès des adolescents en difficulté via son association le Theater Traverse, a contacté le foyer pour leur proposer de participer à cet atelier.

C’est ainsi qu’une vingtaine d’entre eux se retrouvent pour ce stage de danse au centre culturel Les Rotondes, récemment rénové, qui offre de nombreuses activités destinées au jeune public. « Ils y apprennent la ponctualité, la discipline et gagnent confiance en eux-mêmes », témoigne Milla Trausch, qui a déjà monté un spectacle en juin 2016 au terme d’un an de répétitions avec des jeunes migrants mêlés à des résidents luxembourgeois. « C’est important pour moi de travailler en même temps avec des réfugiés et des locaux. Car leur vécu n’est pas écrit sur leur front. Ce sont avant tout des jeunes et lorsqu’ils se rencontrent, ils partagent ce qui intéresse tous les jeunes. Je suis la première surprise de constater à quel point cela se passe bien entre eux ». C’est ce travail qui vaut à Milla Trausch d’être soutenue financièrement sur trois ans par Dream Up, le programme international d’insertion par la pratique artistique en faveur de l’enfance défavorisée de la Fondation BNP Paribas.

Un langage universel

« En quatre jours, j’ai constaté une timidité incroyable au début, puis une véritable explosion. Ils arrivent à s’exprimer avec leurs corps », raconte Abou Lagraa, ambassadeur de Dream Up, qui a déjà mené en mars dernier un atelier comparable à Sidi Moumen, une banlieue de Casablanca minée par le djihadisme. « Au Maroc, il n’a pas toujours été facile pour les filles, musulmanes, de danser seules devant les garçons. Mais il est intéressant de voir comment avec la danse, un langage universel, on arrive à connecter des jeunes ayant des vies difficiles issus de cultures différentes ».

Les corps se délient, les sourires ressuscitent. Shaheed, treize ans, se donne à fond sur le « dance floor » mais une certaine gêne s’installe dès que les mouvements deviennent plus sensuels. « Normalement, vous venez de pays où vous savez tous bouger ! » leur lance alors Abou Lagraa. Quant à Duha, voilée, elle accompagne ses amies mais se contente de regarder, refusant de prendre part aux mouvements. « Je n’aime pas, je préfère le karaté », justifie-t-elle. Après la chorégraphie, arrive l’heure des solos. Hasni se jette à l’eau. Ce Syrien de 16 ans qui se dédiait à la médecine a choisi de devenir danseur dès son premier cours. Comme Abou Lagraa au même âge. Selon lui, « ils s’identifient à moi car je les comprends, moi qui suis né dans une famille modeste d’origine algérienne ». Et lorsque ce dernier se met à leur parler en arabe, entre deux phrases en anglais et une en français - langues qu’ils parlent, plus ou moins bien, dans ce pays multiculturel où la scolarité se fait en allemand au primaire et en français dans le secondaire - tous se mettent à danser...

« Cela me change les idées, car c’est très dur pour moi de me retrouver toute seule ici avec mon frère alors que nos parents ont été retenus en Iran », explique Masema, jeune Afghane de 17 ans. Encore a-t-elle eu le courage de venir. Ce n’est pas le cas d’un jeune Syrien, prostré dans son lit depuis deux jours, terrassé par les mauvaises nouvelles en provenance de sa famille restée à Alep.

Certains vont choisir de poursuivre l’aventure jusqu’à la fin de l’année avec Milla Trausch, en vue de préparer le deuxième spectacle de sa trilogie. D’ici là Osman le Sénégalais, 17 ans, arrivé seul en septembre et qui n’était pas allé à l’école depuis la mort de son père dans des conditions tragiques il y a dix ans, aura peut-être cessé de bégayer. »

Voir en ligne : http://www.lefigaro.fr/actualite-fr...