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Mineurs de Calais : « Theresa May est en contradiction avec la convention de Genève »

Publié le 23-11-2016

Source : www.liberation.fr

Auteur : Sylvain Mouillard

« Alfred Dubs, membre de la chambre des Lords et lui même réfugié, explique à « Libération » pourquoi le gouvernement conservateur de Theresa May fait trop peu pour les enfants et adolescents migrants.

En 1939, Alfred Dubs avait 6 ans. Son père, juif vivant en Tchécoslovaquie, avait trouvé refuge au Royaume-Uni quelques mois avant l’invasion nazie. Alfred, lui, a dû son salut à l’opération « Kindertransport », menée par les autorités britanniques, et qui permit à quelque 10 000 enfants principalement juifs originaires d’Allemagne, d’Autriche et de Tchécoslovaquie d’être accueillis outre-Manche avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale.

Depuis, « Alf » a grandi. On l’appelle même « Lord Dubs » depuis qu’il est devenu membre de la Chambre des pairs, la haute assemblée britannique, dans les rangs du Parti travailliste. Cette année, il a donné son nom à un amendement à la loi sur l’immigration permettant d’accueillir des mineurs isolés particulièrement vulnérables, y compris s’ils n’ont pas de relations familiales au Royaume-Uni. Depuis plusieurs mois, l’homme de 83 ans ferraille contre le gouvernement conservateur de Theresa May pour que celui-ci fournisse davantage d’efforts dans l’accueil des enfants et adolescents migrants vivant en Europe, et notamment dans la « jungle » de Calais.

Un mois après le démantèlement du bidonville, le bilan n’est pourtant pas reluisant. Sur les quelque 1 500 mineurs recensés, Londres n’a accepté d’en recevoir qu’environ 330. A Paris, les services de Bernard Cazeneuve assurent maintenir la pression pour que les Britanniques accélèrent la cadence. D’autant que selon l’ONG britannique Refugee Youth Service, un tiers des 179 mineurs suivis dans les centres d’hébergement (Caomi) ne peuvent aujourd’hui être localisés. L’organisation pointe notamment la « détérioration de leur état psychologique », causée par un sentiment de « désespoir ». Alf Dubs, lui, regrette la lenteur des opérations.

Un mois après l’évacuation de la jungle, quel bilan faites-vous de la situation des mineurs isolés ?

Sur ce dossier, j’ai critiqué le gouvernement britannique, mais aussi celui français, depuis et même avant le démantèlement de la jungle. J’ai rencontré mardi des responsables du Home Office britannique [le ministère de l’Intérieur, ndlr], qui m’ont affirmé avoir désormais visité tous les centres d’hébergement français où sont abrités les mineurs évacués de la jungle. Les choses avancent trop lentement. Certains enfants ont été persuadés de quitter le bidonville pensant que leur projet de rejoindre leur famille au Royaume-Uni serait examiné. Ils sont aujourd’hui particulièrement frustrés. Jusqu’à présent, 330 mineurs ont traversé la Manche. L’espoir, c’est que ce chiffre atteigne environ 1 000 personnes, soit la moitié des mineurs présents à Calais au moment de l’évacuation.

Le Home Office a publié le 8 novembre un manuel durcissant les conditions d’accès pour les mineurs…

Ces nouveaux critères d’éligibilité sont très sévères et restrictifs. Ils excluent quasiment des enfants d’Erythrée ou d’Afghanistan, qui représentaient pourtant 40% des effectifs dans la jungle. Cette volte-face du gouvernement de Theresa May est en contradiction avec la convention de Genève.

Qu’en pensent les Britanniques ?

L’opinion publique est, je pense, toujours en faveur de l’accueil de ces enfants. Certes, le référendum sur la sortie de l’Union européenne a influencé, pour le pire, certaines personnes. Mais c’est bien l’action des parlementaires du Labour, soutenus par les citoyens, qui avait permis il y a quelques mois de forcer le gouvernement conservateur à accepter mon amendement.

Comment jugez-vous l’action du gouvernement français dans ce dossier ?

Personne ne reproche aux autorités françaises d’avoir démantelé la jungle. La décision de mettre à l’abri ses habitants était bonne. Mais on aurait dû examiner la situation administrative des mineurs avant le démantèlement au lieu de les déplacer dans des centres d’hébergement dispersés partout en France. »

Voir en ligne : http://www.liberation.fr/france/201...