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"Pour une mise à l’abri immédiate et inconditionnelle des mineurs isolés à Paris"

Publié le 20-11-2016

Source : www.lexpress.fr

Auteur : Emilie Tôn

« A l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant, Isabelle Jenoc (réalisatrice), Agathe Nadimi (professeure) et Florence Roy (journaliste) interpellent les services publics : des dizaines de mineurs isolés n’ont toujours pas été mis à l’abri à Paris.

Avant le démantèlement de la jungle, à Calais, nous avons fait le point sur la situation des mineurs qui y vivaient. Dans le même temps, les camps de Paris étaient également évacués. Malgré la prise en charge à laquelle ces enfants avaient droit, la situation ne s’est pas débloquée comme prévu. Trois semaines plus tard, nous avons très peu de retours par rapport à leurs situations. Nous savons seulement que certains qui n’ont pas réussi à aller en Grande-Bretagne et qui ont été placés en CAO-MIE ont quitté les centres pour retourner à Calais.

Au départ, une promesse leur avait été faite : ceux qui avaient des proches de l’autre côté de la Manche seraient pris en charge au titre du regroupement familial. Mais après le démantèlement de la "jungle" de Calais, la Grande-Bretagne a durci les conditions d’entrée dans le pays et traite à présent les dossiers au compte-goutte. En attendant, ces enfants sont livrés à eux-mêmes.

L’âge contrôlé au faciès

A Paris, un centre humanitaire pour adulte (et bientôt pour les familles et personnes vulnérables) a ouvert, mais il n’existe toujours pas de structure réservée aux mineurs isolés. Le plus souvent, les enfants qui se présentent au DEMIE [dispositif d’évaluation des mineurs isolés étrangers géré par la Croix Rouge], dont le rôle est de les accueillir et les mettre à l’abri, sont rejetés.

Toute personne qui se présente comme mineur isolé doit pouvoir être évalué : c’est la loi. Mais d’après les retours que nous avons de ces mineurs, il y a de nombreux cas de refus au faciès, ne serait-ce que pour entrer au DEMIE. Refoulés, plus ou moins convenablement, par l’agent de sécurité à l’entrée, de nombre d’entre eux n’ont pas pu passer les évaluations requises pour être reconnus comme mineur isolé. Près de 80% voient les portes de la structure se fermer et leurs droits déniés, sur de simples doutes concernant leur âge ou leur isolement [chiffre non-officiel, établi à partir d’observation des collectifs en charge des mineurs isolés et non-démenti par la Mairie de Paris].

Parmi les jeunes ayant passé la première évaluation, la grande majorité voient leur demande être rejetée en raison des incohérences dans leur dossier : erreur dans la chronologie, méprise des lieux, oublis... Il suffit parfois de confondre le nom de la gare d’arrivée à Paris pour être refusé. Or, il s’agit de très jeunes individus, parfois stressés ou traumatisés, qui peuvent éprouver des difficultés à livrer leur histoire avec tous les détails requis. On demande à ces enfants d’avoir une cohérence d’adulte.

30 minutes pour jouer une vie

C’est notamment le cas d’un garçon afghan de 12 ans que nous suivons et qui n’a pas de papier. Sa minorité est incontestable, mais pas son isolement. Accompagné d’un "oncle" -qui était en réalité un passeur- lorsqu’il est arrivé en France, il a été déjà essuyé trois rejets de la part du DEMIE. Après un mois à dormir dans les rues de Paris, il avait finalement rejoint les autres mineurs à Calais, faute de prise en charge. Son cas n’est pas isolé, y compris pour ceux qui disposent de papiers d’identité -pris pour des contrefaçons.

Leur demander d’avoir un discours complètement cohérent, face à une personne qu’ils ne connaissent pas, malgré leur jeune âge et la situation dans laquelle ils vivent, est impossible. Leur vie se joue au cours d’un entretien de 30 minutes pendant lesquelles ils doivent convaincre qu’ils ne sont pas en train de mentir.

L’hiver venant, nous demandons une mise à l’abri immédiate et inconditionnelle sept jours sur sept et 24 heures sur 24 pour tous ces enfants, tel que le prévoit la loi, dans un lieu adapté où ils pourront avoir accès aux informations nécessaires et à des traducteurs. Aussi, il faut que ce lieu leur offre le repos dont ils ont besoin, notamment pour leur permettre d’être dans de bonnes dispositions le jour où ils devront livrer leur récit. »

Voir en ligne : http://www.lexpress.fr/actualite/so...