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Villeneuve-d’Ascq - Au collège Simone-de-Beauvoir, les enfants passent devant les réfugiés

Publié le 18-10-2016

Source : www.lavoixdunord.fr

Auteur : Carine Bausière

« Le collège Simone-de-Beauvoir accueille des enfants étrangers, migrants, qui trouvent refuge entre ses murs pour oublier un parcours souvent difficile et apprendre la base de leur nouvelle vie : le français. Ou quand l’école de la République fait office de bouée de sauvetage.

« Je vois des enfants avant tout, pas leur statut de réfugié, ou le fait qu’ils vivent en France avec ou sans papier. » Gilles Richart, le principal du collège Simone-de-Beauvoir, plante le décor en quelques mots. « Il suffit d’habiter le quartier pour avoir le droit de venir suivre les cours chez nous. C’est l’un des principes de base de l’école de la République. Point. »

Le plus important, c’est que ces élèves trouvent face à eux des enseignants formés à leur apprendre les bases du français pour faciliter leur intégration et leur permettre d’envisager un avenir. C’est le cas de Violaine Prime, professeur des écoles, affectée à cette unité pédagogique des élèves allophones arrivants (UPEAA).

Face à elle ce matin-là, une dizaine de jeunes Roms dont le niveau oscille entre « la maternelle et le CE1 ». « Demain… c’est… le… cross… du… collège », décrypte Alex S., 15 ans en lisant le tableau, tandis que Maria déroule un français quasi-parfait pour prendre la relève.

Amin, lui, vient d’arriver du Maroc. Il est de passage dans la classe pour renforcer son français mais suit déjà les cours traditionnels avec les autres collégiens. Véritable éponge à savoir, il jongle entre alphabet arabe et syllabes françaises, sous l’œil rieur des Roms, entraînés dans son drôle de babillage.

Pour achever le cours, Violaine lance des devinettes. Face à elle, les ardoises se tendent en l’air à toute vitesse. Les réponses fusent, pas toujours bonnes, mais le résultat est là. Encadrés par leur institutrice et son collègue Nicolas Forget, sorte de superintendant qui parle roumain pour leur faciliter le quotidien, les jeunes Roms ont beaucoup progressé.

Taux de présence de 80 %

« Tout cela s’est mis en place progressivement, détaille M. Richart. Nous avons bricolé au début mais avec l’arrivée de Mme Prime, l’ensemble s’est structuré. Chaque élève dispose d’un emploi du temps personnalisé. Au début, les petits Roms venaient quand ils voulaient. Nous avons obtenu l’an dernier la gratuité des transports pour eux . Leur taux de présence est désormais de 80 %. Même s’ils vivent loin et changent souvent de camp, ils arrivent à l’heure et comme la cantine est prise en charge par le fonds social d’aide aux collégiens, ils restent l’après-midi. »

Des efforts qui ont fini par payer. Pour la première fois cette année, plusieurs jeunes scolarisés depuis quatre ans ici ont passé et réussi le CFG, l’équivalent du brevet des collégiens de SEGPA.

Intensif

Lorsque ces enfants sont arrivés dans la métropole lilloise, ils ont été orientés par l’académie de Lille vers le collège Simone-de-Beauvoir qui propose deux niveaux d’apprentissage du français. Le premier pour les enfants n’ayant jamais ou très peu été scolarisés, le second pour ceux qui ont suivi un parcours scolaire auparavant. C’est là qu’ils se rendent de trois à douze heures par semaine pour suivre des cours intensifs pendant plusieurs années. Certains, comme Habib, Aïcha et Mirna (lire ci-dessous), y sont inscrits à l’année.

Quand la vie reprend... dans une langue différente

Sur son agenda posé à côté d’elle, Aïcha a apporté quelques touches de décoration personnelle : « Année 2016-2017 », titre agrémenté d’un petit cœur. Un détail, pourrait-on penser. Pas du tout. Si la jeune fille dessine des cœurs, c’est qu’elle a de nouveau l’esprit de ses 15 ans, à défaut de l’innocence.

Aïcha a fui la guerre en Syrie il y a trois ans. Une partie de sa famille vit encore à Alep, les inquiétudes ne sont donc jamais loin. Mais la lycéenne a retrouvé une certaine insouciance, perdue au milieu d’ados comme elle. Au collège Simone-de-Beauvoir, où elle s’est fondue dans le décor à une vitesse impressionnante, Aïcha a rencontré Mirna, arrivée d’Irak il y a deux ans. Sa famille, des chrétiens parlant araméen, avait le choix : se convertir, partir ou mourir. L’instinct de survie a jeté les parents et la fratrie sur les routes, pour un périple qui les a menés jusqu’à Villeneuve-d’Ascq.

Habib, lui aussi, vient aussi de loin. Mais depuis son Afghanistan natal, il a fait le chemin seul. Pakistan, Iran, Turquie, Grèce, Italie, France. Son regard se voile à l’évocation de ce souvenir. « Je dois en parler ? » Tu n’es pas obligé. « Alors je n’en parle pas. »

Au collège, ils ont appris à maîtriser le français en quelques mois à peine. Ils suivent désormais les cours de façon tout à fait normale, avec leurs camarades français. Les voilà assis côte à côte en troisième, avec le brevet en ligne de mire. Une formalité ? « Ici, les élèves ont de la chance, sourient-ils. En Irak, en Syrie ou en Afghanistan, dès la primaire, nous devions passer un examen à chaque fin d’année scolaire. C’était très strict ! »

Projets d’avenir

Ce diplôme ne sera qu’une étape dans leur formation. Car malgré l’exil, les conditions difficiles et la découverte d’une nouvelle vie dans un pays inconnu, les trois adolescents n’ont pas mis leurs ambitions de côté. Habib se voyait architecte, « mais c’est difficile, reconnaît-il. Je vais plutôt devenir informaticien ». Mirna sera professeur de mathématiques. « Ici, tous les enseignants m’ont aidée. À mon tour, je soutiendrai mes élèves ! » Quant à Aïcha, son regard franc ne laisse aucune place au doute. « Je vais devenir pédiatre. Et quand la guerre sera terminée en Syrie, je retournerai soigner les enfants. » »

Voir en ligne : http://www.lavoixdunord.fr/60953/ar...