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Au tribunal, passe d’armes tendues sur le démantèlement de la jungle

Publié le 14-10-2016

Source : www.ouest-france.fr

« Le procès opposant l’Etat à 11 associations demandant la suspension de l’opération de démantèlement de la jungle de Calais s’est déroulé dans un climat houleux ce vendredi au tribunal administratif de Lille.

Faut-il prendre le temps de mieux préparer le démantèlement de la « Jungle » de Calais ? Un vif débat, arbitré par des juges particulièrement actifs, a opposé l’État à 11 associations souhaitant la suspension de l’opération, ce vendredi en référé devant le tribunal administratif de Lille qui rendra sa décision au début de la semaine prochaine.

« C’est quoi, votre solution pérenne ? » La question, tranchante, est adressée aux associations par la présidente, qui affiche un air passablement agacé après plusieurs heures d’échanges nourris.

Les représentants des associations ont expliqué vouloir « un diagnostic plus poussé des besoins, des risques de l’évacuation ». Vu la diversité des profils de migrants, « il n’est pas possible d’avoir les bonnes réponses dans les temps » décidés par l’État, a ainsi fait valoir Me Julie Bonnier, pour qui « une mesure d’évacuation est inutile si elle est sèche ».

Les centres d’accueil alternatifs jugés insatisfaisants

Sans être totalement remis en cause, les centres d’accueil et d’orientation (CAO) sont décrits par les associations comme insatisfaisants : au-delà d’un manque d’interprètes, « il existe des disparités de suivi, d’ailleurs 45 % des migrants passant par les CAO disparaissent dans la nature », affirme François Guennoc, vice-président de l’Auberge des migrants.

Me Crusoë relaie l’inquiétude de « voir toutes les structures de mise à l’abri de la région disparaître » (CAP et centre Jules Ferry, en bordure de la « Jungle »), alors même que de nombreux migrants continueront de se presser dans les mois et les années à venir aux portes de la Grande-Bretagne.Les trois juges ne cachent pas leur scepticisme. « Vous demandez des structures pour qu’ils se reposent avant d’essayer de passer en Grande-Bretagne, mais vous êtes devant un tribunal, pas le législateur : le droit actuel nous impose de ne pas permettre à ces gens d’entrer en Grande-Bretagne », tonne la présidente.

« L’État a été exemplaire »

« Mais le droit vous impose de prendre en compte la situation de persistance dans la région de la présence de migrants », rétorque Me Bonnier dans une atmosphère électrique.

« Votre demande d’évaluation des projets des migrants avant tout démantèlement n’est pas claire dans la mesure où les CAO leur permettent justement d’y réfléchir », estime la présidente.

La représentante de l’État juge pour sa part que « l’État a été exemplaire » en mandatant France Terre d’asile (FTDA) pour évaluer la situation de chaque migrant. Avant d’exploser : « Pour une fois qu’il y a une action exemplaire de l’État, les associations n’ont de cesse de nous mettre des bâtons dans les roues, d’empêcher les mises à l’abri de migrants et leur faire miroiter des chimères ».

« On va à la catastrophe »

« Nous, on ne demande qu’à faire confiance à l’État, mais on est persuadés que ça va mal se passer. Démanteler dans les conditions actuelles, on va à la catastrophe », se désole François Guennoc.

Les requérants insistent sur les 1 300 mineurs isolés décomptés par FTDA, un nombre en forte augmentation. Selon Me Marie-Charlotte Fabié, troisième avocat de la défense, « l’urgence (à surseoir au démantèlement) est caractérisée dès lors qu’il y a des mineurs isolés, particulièrement vulnérables ».

Une Britannique de l’association « Help refugees » détaille, en anglais, leur méthode d’analyse de la « Jungle », dont l’État manque.

« La situation du bidonville est protéiforme »

« FTDA a fait un diagnostic, mais n’a pas localisé quel mineur était dans quelle tente, n’a pas leurs numéros, ne les connaît pas sur une base régulière », souligne Me Bonnier, qui précise que les associations sont prêtes à fournir le fruit de leur travail à l’État.

L’argument fait manifestement réfléchir la présidente. En une question, elle finit par résumer une partie du dilemme : « Comment pouvez-vous espérer avoir deux mois pour faire un diagnostic ? » Car comme le soulignait lui-même un peu plus tôt Me Crusoë, de la défense : « La situation du bidonville est protéiforme ». »

Voir en ligne : http://www.ouest-france.fr/societe/...