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J’ai marché jusqu’à vous, documentaire bouleversant de Rachid Oujdi sur les mineurs isolés étrangers de Marseille

Publié le 4-10-2016

Source : www.journalzibeline.fr

Auteur : Elise Padovani

« Non, le cinéma Les Variétés n’accueillait pas un des derniers blockbusters de l’industrie cinématographique outre Atlantique ce 1er octobre ! Pourtant trottoir, parvis, hall, bar et espace d’expo fourmillaient de gens venus découvrir en avant première le documentaire de Rachid Oujdi J’ai marché jusqu’à vous. Et pour ce faire une salle de projection supplémentaire dut être réquisitionnée au dernier moment. L’improvisation, la débrouille, la réactivité, le personnel des Variétés connaît ! Sans salaire depuis juin, en attente d’une décision judiciaire, redressement ou liquidation, il force le respect et le producteur Thierry Aflalou en accord avec le réalisateur a décidé de ne pas percevoir la part de recette leur revenant. Geste généreux comme ce film coup de poing qui laisse à l’instar du précédent opus de Rachid, Les Chibanis oubliés, la boule au ventre, l’envie d’agir contre les paralysies politiques, le désir de désobéir aux règlements inhumains qui, loin de protéger les plus faibles, encadrent simplement leur maltraitance.

La protection de l’enfance est inscrite dans la loi mais du beau Principe des Droits de l’Enfant à la réalité, il y a gouffre. Les éducateurs du SAAMENA ( Service d’ Accueil et d’Accompagnement des Mineurs Étrangers Non Accompagnés ) reçoivent les jeunes exilés, les aident à se débrouiller en français, à connaître leurs droits, à ne pas tomber sous la coupe des réseaux mafieux, à obtenir avec l’IMAJE santé, assistance médicale et psychologique, à manger, se laver, accoucher avec douleur de leur histoire, à constituer le dossier d’évaluation qu’ils soumettront à un juge pour le placement en foyer. Je m’appelle Ahmed… Je m’appelle Thomas… Je m’appelle Romeo… Je m’appelle Omar… Les parcours sont ceux d’individus qui disent JE. se dévoilant peu à peu en voix off ou in, en dessins, en BD. On suit Fethan Celiker, trentenaire d’origine turque, aujourd’hui marié, installé à Marseille, ancien mineur étranger isolé devenu interprète pour les associations, revivant à travers ces récits d’une jeunesse exilée ( sous-titre du film) sa propre histoire. Parfois l’horloge tourne trop vite, le mineur devient majeur avant la fin des démarches, soumis alors à une OQTF qui le somme de quitter le territoire. La plupart d’ailleurs quand ils basculent du statut de mineurs isolés étrangers à celui d’adultes clandestins, se confrontent à cette mesure. Éducateurs, médecins font un boulot exemplaire. Le réalisateur montre leur lutte quotidienne et leur malaise qui devient nôtre, quand, à cause de la lenteur administrative, de la pénurie des magistrats et des hébergements, les jeunes dorment dans la rue ou dans des squats insalubres pendant des semaines parfois ! Les institutions contrevenant à la loi qui oblige à protéger les mineurs, préfèrent payer l’amende journalière de 130 euros par enfant laissé sans protection que de trouver des solutions plus rapides.

On entre dans le film en voiture par la passerelle de La Joliette. Patrick Cohen sur France Inter annonce un sujet sur les tests osseux pratiqués pour déterminer leur âge, si discutables. Une pénétration dans la ville où les protagonistes venus d’Afrique, de Turquie, du Kurdistan après avoir parcouru des milliers de kilomètres à travers l’Europe, marchent et dé-marchent encore beaucoup dans la cité phocéenne, de St Charles à Noailles, de l’Hôtel de Ville à la rue St Fé, un petit périmètre où ils tournent en rond autour du centre d’accueil de la SAAMENA. La Roue érigée sur le quai du Port les élève bien haut vers des espoirs légitimes ou les précipite vers le bas. Leurs visages saisis en gros plans dans la dernière séquence disent ces hauts et ces bas tandis que HK chante avec douceur : J’ai marché jusqu’à vous… »

Voir en ligne : http://www.journalzibeline.fr/criti...