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Pour Oumar, c’est la vie de famille chez les Suteau

Publié le 3-08-2016

Source : Ouest-France

Auteur : Pierre Momboisse

« Réunir toute la famille nécessite du temps et de l’organisation. C’est qu’ils sont nombreux, les Suteau. Et très occupés l’été. Ensemble parfois, séparément souvent. Les enfants partent en colo, sont en vacances ou travaillent, les parents, directeurs de centre de vacances, vadrouillent constamment.

Les voilà (presque) au complet samedi sous le même toit. Ils interrompent leurs occupations et se posent un à un dans le grand canapé rouge du salon. Lieu de détente et de discussions où des dizaines de photos de famille couvrent les murs. Lieu central d’une maison de ville d’Ancenis en Loire-Atlantique qui fourmille comme un centre de colo et fonctionne comme ils semblent vivre, dans une sereine autonomie.

Autour de Stéphane et Nadège, les parents, Chloé, 25 ans, née au Brésil, Zoé, 19 ans et Bahia, 16 ans, nées en Éthiopie, toutes les trois adoptées. Manu, le compagnon de l’aînée, est là aussi. Ne manquent qu’Emanuel, 23 ans, Brésilien, adopté également, et Hugo 22 ans, fils biologique.

Cette famille à la filiation multiple a, en février, ouvert ses portes à un nouveau venu : Oumar, un Guinéen de 16 ans. Comme dix autres foyers, les Suteau accueillent un mineur étranger isolé. Une mesure expérimentée depuis octobre par le conseil départemental de la Loire-Atlantique.

« Un projet familial voulu et partagé par tous. » Pourquoi ? « Au-delà de la dignité humaine, cela correspond à notre ouverture sur le monde, évoque Stéphane. On croit beaucoup à l’éducation, à cette possibilité de découvrir une nouvelle culture pour nous, pour nos enfants et pour lui qui arrive. » Ils avaient aussi un peu de place dans une maison qui se vide petit à petit, au gré des départs des enfants.

Déjà scolarisé au collège allophone de Saint-Herblain, Oumar, dont la langue maternelle n’est pas le français, a fait des allers-retours quotidiens - train, tram, bus - jusqu’à la fin de l’année scolaire. Plus d’une heure de transports mais un grand pas vers la stabilité.

Lui qui a mis près de quatre mois à arriver jusqu’à Nantes, poussé par sa grand-mère et sa sœur pour fuir les violences familiales. Il a voyagé à pied, en car, s’est fait voler ses économies par des djihadistes entre le Mali et l’Algérie, a traversé la Méditerranée en bateau, s’est retrouvé dans un camp de réfugiés en Espagne, a filé vers Barcelone, Paris, et a atterri à Nantes en août 2015.

Lui qui, ici, a vécu jusqu’en janvier dans un hôtel avec d’autres mineurs isolés. « Le soir, je ne faisais pas grand-chose. En arrivant ici, j’ai pu réviser et ne pas m’ennuyer », raconte Oumar.

« Il fait partie de la famille »

Depuis, il semble donc avoir trouvé sa place. Quand la progéniture Suteau ne le prend pas sous son aile pour vadrouiller, il rend visite à ses copains à Nantes, suit le foot assidûment avec Stéphane, ou part en colo. « Même s’il n’est pas notre enfant, il fait partie de la famille. »

Mais son statut n’est pas gravé dans la loi. Il s’entrechoque même avec elle, crée des obstacles. Comme celui des papiers. Oumar n’en a pas encore. « Les voyages à l’étranger, il ne faut pas y compter. Il n’a qu’un justificatif de prise en charge, sans photo », souligne Nadège. Pareil pour ses déplacements, seul. « Quand il va à Nantes, on lui rappelle de faire attention à ses fréquentations, aux endroits où il va », ajoute-t-elle.

Un obstacle scolaire également. Oumar est accepté dans un lycée professionnel à Angers pour faire une formation de chaudronnerie à la rentrée. « Mais il aimerait faire une alternance au centre de formation des apprentis de Nantes et ne trouve pas d’employeurs. Il est pourtant motivé et veut faire ça depuis longtemps. »

Émerge aussi la question de son avenir. « On ne sait pas ce qu’il va se passer. Cela dépendra sans doute de sa situation professionnelle, de son intégration. Mais après deux ans passés avec nous, ce serait compliqué d’être séparés. »

Ces questionnements, le conseil départemental les subit aussi. « Nous ne sommes pas parfaits, on avance en tâtonnant, en essayant, mais on avance », rétorquait le président Philippe Grosvalet à des avocats du barreau nantais et des associations qui fustigeaient la différenciation entre la prise en charge d’enfants isolés français et étrangers.

Car cette mesure d’accueil à long terme a été conçue pour répondre à une urgence, dans un contexte où l’afflux de jeunes étrangers dure, où l’évaluation de la minorité des nouveaux arrivants est contestée, difficile. Et où un drame, arrivé en juin, a fait ressortir la problématique des conditions d’hospitalité. Un jeune Afghan de 17 ans avait trouvé la mort, fauché par une voiture, alors qu’il rentrait à son lieu d’accueil, un hôtel de Bouguenais.

Condamné une dizaine de fois, l’été dernier, pour ne pas avoir répondu à son obligation d’accueil d’urgence, le Département a depuis redressé la barre. Il a délégué ses compétences à l’association Saint-Benoît Labre et a donc fait appel à des familles volontaires. Une expérimentation qui chez les Suteau a vraiment l’air de fonctionner.  »

Voir en ligne : http://www.ouest-france.fr/monde/mi...