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Avignon : mobilisation contre l’expulsion de Guinéens

Publié le 3-06-2016

Source : www.midilibre.fr
Auteur : Cécile Bodarwé

« Pris en charge parce qu’ils étaient mineurs, ils ont été déclarés majeurs et en situation irrégulière. L’un d’eux était scolarisé au collège Mistral d’Avignon.

Tout est allé très vite. Mardi 31 mai, différentes associations de défense des droits et des syndicats vauclusiens ont été informés de l’arrestation de deux jeunes Guinéens à Avignon, transférés au centre de rétention de Marseille en attendant d’être expulsés.

Mohamed Fofana et Moussa Camara étaient jusqu’au 23 mai, considérés comme mineurs, âgés de 16 ans, d’après le certificat de naissance qu’ils avaient produit. Mais après "des investigations diligentées par l’autorité judiciaire", souligne le préfet du Vaucluse, les deux jeunes gens ont été déclarés majeurs.

"Majeurs, ils deviennent des étrangers sans papiers"

Un changement de statut qui les prive des droits qu’ils avaient jusque-là en tant que "mineurs isolés étrangers", "ils étaient pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (qui dépend du Conseil départemental, NDLR), étaient logés et pouvaient être scolarisés, comme c’est la loi pour tous les mineurs qu’ils soient en situation régulière ou pas."
"Majeurs, ils deviennent des étrangers sans papiers", explique Jean-Jacques Longuenesse, président du Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) Vaucluse, qui est venu mercredi midi devant le lycée-collège Frédéric-Mistral d’Avignon, où Mohamed Fofana était scolarisé depuis quelques semaines en classe de 4e.

Une pétition pour demander que cesse leur calvaire

À ses côtés, des membres du Réseau éducation sans frontières (RESF), des professeurs et la FCPE (parents d’élèves) qui organisent la protestation contre ce qu’ils considèrent être "une injustice". D’autant qu’ils remettent en question "les tests osseux pratiqués sur les deux jeunes", une procédure appliquée communément pour vérifier l’âge des migrants quand il y a un doute sur leur minorité. "Ces tests osseux ne sont pas fiables et le Défenseur des droits a même dit qu’ils étaient inadaptés, inefficaces et indignes (*)", souligne Pascale Arraou, du RESF.
"Ces tests osseux donnent toujours les mêmes résultats : on déclare que les jeunes qui y sont soumis ont 19 ans avec une marge d’erreur d’un an. Comme ça, les autorités sont sûres que la personne sera déclarée majeure", renchérit le président du Mrap qui rappelle que "ces tests ont été mis au point aux États-Unis au début du XXe siècle pour une population blanche de classe moyenne. Ils ne peuvent pas être appliqués à une population africaine dans les conditions actuelles". Depuis mardi soir, "une pétition est en ligne pour demander que cesse le calvaire de ces deux jeunes".

"On se mobilise pour leur dire qu’ils ne sont pas seuls !"

"Les professeurs du collège vont sans doute signer également une pétition qu’ils vont adresser au préfet", prévoyait, mercredi midi, Sylvain Bartet, secrétaire départemental FSU et professeur au lycée Mistral. "Mohamed Fofana est un garçon qui a la volonté d’apprendre, il travaillait énormément, il s’est tout de suite intégré. C’est une injustice !", se désole le professeur d’anglais du jeune Guinéen au collège Mistral.
"D’après ce que l’on sait, les deux jeunes ont été interpellés dans l’hôtel où ils étaient hébergés et tout de suite conduits au centre de rétention de Marseille. On se mobilise pour leur dire qu’ils ne sont pas seuls, confie ce professeur non syndiqué qui s’interroge sur la vision de la justice française qu’ils vont avoir ?" Les parents d’élèves de la FCPE vont "interpeller le préfet, le rectorat", a annoncé le secrétaire départemental du syndicat, Vincent Fritsch. "On est scandalisé par la manière dont cette arrestation a été organisée. Avec tout ce qui se passe en France, c’est très important qu’on se mobilise. Le droit n’est pas respecté. Il faut défendre le climat scolaire."

"Ils arrivent seuls, Ils sont perdus"

Dès qu’elle a appris la nouvelle mercredi matin, Lison, une lycéenne de Mistral, a fait passer l’information et distribué des tracts pour alerter ses camarades et les inciter à participer, ce jeudi matin, à 9 h 45, à une manifestation dans l’enceinte de l’établissement, alors même que le recours déposé par les deux jeunes Guinéens, contre leur expulsion (une obligation à quitter le territoire français, dans le jargon administratif) devrait être examiné par le tribunal administratif de Marseille. Une manifestation à laquelle se joindront des professeurs.
"Le même jour, un autre jeune Guinéen passe devant le tribunal administratif de Nîmes pour la même chose", précise le président du Mrap. "Ce jeune était scolarisé au lycée Fabre de Carpentras. Il avait été transféré au centre de rétention de Sète. Il y avait également eu des protestations (début mars, des élèves avaient bloqué le lycée, NDLR) ." Des cas qui se répètent. "Depuis un an, de jeunes Guinéens arrivent en France, c’est une situation nouvelle. Mais il y en a peu. Une vingtaine dans le Vaucluse. Ce sont des jeunes qui arrivent seuls, certainement arrivés grâce à des passeurs. Ils sont perdus."

Les deux jeunes libérés dans l’après-midi

Une représentante du RESF reste confiante. "En se mobilisant, on est déjà arrivé à faire annuler de telle décision." D’ailleurs, mercredi en fin d’après-midi, elle apprenait que "les deux jeunes viennent d’être libérés !". Le préfet de Vaucluse a en effet décidé de "lever la mesure de placement en centre de rétention" des deux jeunes Guinéens, "après examen de leur situation". En revanche, le préfet précise que ces "deux ressortissants guinéens majeurs sont en situation irrégulière sur le sol national, à la suite de l’utilisation de faux documents. À ce titre, ils ont fait l’objet d’une administrative d’éloignement le 30 mai." Le sort de ces deux jeunes gens devrait être scellé ce jeudi matin à Marseille.

(*) Le défenseur des droits, Jacques Toubon, a rappelé le 26 février dernier, dans une série de recommandations adressée notamment au Garde des Sceaux que "la détermination de l’âge par examen osseux est une expertise très contestée quant à sa fiabilité (...) Le défenseur des Droits est résolument opposé à l’utilisation de ces examens médicaux qui, tels qu’ils sont actuellement pratiqués, sont inadaptés, inefficaces et indignes". »

Voir en ligne : http://www.midilibre.fr/2016/06/02/...