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Ces réfugiés qui immigrent légalement vers le Royaume-Uni

Publié le 1er-06-2016

Source : www.lejdd.fr
Auteur : Marie-Christine Tabet

« Un jeune Afghan de 16 ans va pouvoir rejoindre son frère outre-Manche. Avec lui, 43 jeunes mineurs isolés du Pas-de-Calais vont gagner l’Angleterre en toute légalité. Une goutte d’eau.

Hussein*, 16 ans, voit le bout du tunnel. Ou du moins, il l’espère. Avec son "uniforme" de migrant, blouson de cuir étroit et élimé, pantalon trop large et trop long, chaussures épaisses, des cheveux noirs et drus, des yeux ronds et vifs, il ne se distingue guère des autres réfugiés afghans qui parcourent les routes d’Europe. Pourtant, dans quelques semaines, il devrait bénéficier d’un régime très spécial, un programme spécifique d’immigration légale ouvert discrètement et au compte-gouttes depuis le début de l’année par les Britanniques pour les ­mineurs isolés. Hussein va rejoindre son frère, son seul parent en Europe, qui vit en Angleterre depuis une ­dizaine d’années. En vertu des textes européens sur le regroupement ­familial, la Haute Cour de justice avait contraint, en janvier, le ministère de l’Intérieur britannique à accueillir trois mineurs et un adulte handicapé syriens qui avaient de la famille en Grande-Bretagne.

Il se souvient à peine de son frère

Depuis cette condamnation, les ­Anglais ont dû accepter le transfert de 28 jeunes réfugiés, principalement des Syriens munis de papiers que leur ont envoyés plusieurs associations dont Citizen UK. Hussein ouvre une voie pour d’autres jeunes candidats. Il est afghan et n’a aucun document pour prouver son identité et son lien de parenté, si ce n’est quelques vieilles photographies d’un frère dont il se souvient à peine. Il avait 3 ou 4 ans lorsque ce dernier a quitté le foyer familial…

Les services de l’immigration britannique ont exhumé le dossier de demande d’asile du frère aîné déposé au début des années 2000 pour le comparer aux déclarations récentes du jeune postulant. Les récits cohérents ont convaincu. France Terre d’asile a lancé le 28 mai une pétition sur son site pour que les gouvernements français et britannique transforment ces premiers essais. Entre le 5 et le 10 mai, l’association a sondé un échantillon de 176 mineurs de la "jungle" : sur quelque 350, 43 ont de la famille en Angleterre et pourraient suivre Hussein. Eurostat évalue à 90.000 le nombre de mineurs non accompagnés qui sont entrés en Europe en 2015. Des chiffres qui affolent une partie des Britanniques à la veille du vote sur le Brexit…

« Le camp, c’est très violent, j’avais peur. »

Hussein arrive au bout d’un long chemin. Par la grande porte. Depuis le mois de novembre, Hussein, qui a quitté son village perdu dans les montagnes de l’Afghanistan central en juin dernier, vit à Saint-Omer, petite sous-préfecture du Pas-de-Calais, entre marais, plaines agricoles et vestiges cisterciens. Après trois mois passés dans la "jungle", il a trouvé refuge dans la "maison du jeune réfugié", un programme pour la prise en charge des mineurs isolés de 15 à 18 ans, financé par le conseil général et géré par l’association France Terre d’asile. En 2015, la maison a accueilli 1.403 jeunes.
Pour la plupart, il ne s’agit que d’une halte de trois à cinq jours. D’autres comme Hussein, une ordonnance de placement provisoire du procureur en poche, s’installent et tentent de construire une nouvelle vie. Hussein vit avec deux autres jeunes Afghans dans un appartement du centre-ville. Il a tout d’abord essayé de passer en Angleterre en se glissant dans les camions et les voitures. Sans succès. Il montre ses cicatrices, raconte les chevilles foulées, la main cassée. Fatigué, il a décidé d’accepter l’offre de mise à l’abri de l’association qui maraude dans la "jungle". "Le camp, c’est très violent, j’avais peur", raconte-t-il en anglais.

Son rêve, devenir ingénieur civil

Hussein explique qu’il a décidé de quitter l’Afghanistan après l’arrestation de son père par les talibans. Il aurait été mis en prison car une rumeur circulait dans son village selon laquelle son fils aîné immigré se serait converti au christianisme. La famille appartient à la minorité hazara, une communauté à majorité musulmane chiite. "Je suis parti avec mon frère qui a 18 ans. Nous avons traversé à pied la frontière entre l’Afghanistan et l’Iran. En Iran, nous étions dans un camp qui regroupait à peu près 200 personnes", raconte-t-il.

« Je suis parti avec mon frère qui a 18 ans. [...] Je suis passé, pas lui. »

C’est là qu’il a perdu la trace de son frère. "Je suis passé, pas lui", dit-il avec des larmes dans les yeux. Il raconte alors que les Iraniens enrôlaient les hommes de force pour les envoyer combattre contre Daech. Une fois en Turquie, son frère a envoyé de Grande-Bretagne de l’argent à un passeur. En deux mois, il a parcouru l’Europe, passant par la Grèce, la Macédoine, la Croatie, l’Autriche, la Suisse. Il raconte qu’en Autriche il y avait des trains mis à disposition par le gouvernement mais qu’il fallait payer. Hussein a appelé son frère, qui a de nouveau envoyé de l’argent. Ensuite, le jeune homme a traversé l’Italie, il est monté dans un train à Milan pour Paris. Une première fois, il a été refoulé à la frontière.

Sa mère et sa petite sœur de 13 ans sont restées seules au village
Il a dormi deux nuits à Paris avant d’arriver à Calais. Dans le foyer de la maison d’accueil où il raconte son histoire, Hussein chuchote. Le jeune homme ne veut pas que les jeunes qui regardent la télévision dans la salle voisine l’entendent. Il insiste à nouveau pour que son nom soit changé. Sa mère et sa petite sœur de 13 ans sont restées seules au village. Cette fois les larmes coulent franchement. Il pense qu’il ne les reverra pas. Car elles ne seront pas capables de faire la route.

Son frère l’avait prévenu que ce serait dur. Mais il n’avait pas imaginé à quel point. Son regard se perd dans ses souvenirs. De quoi rêve-t-il aujourd’hui ? Hussein sourit. Enfin. Il voudrait devenir ingénieur civil car il aime les sciences et la géographie.

* Le prénom a été changé. »

Voir en ligne : http://www.lejdd.fr/Societe/Ces-ref...