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Calais Les députés de la GUE dans la réalité boueuse

Publié le 7-12-2015

Source : http://www.humanite.fr

Auteur : Émilien Urbach

« Une délégation du groupe parlementaire de la Gauche unitaire européenne a rencontré mardi les associations et réfugiés concentrés 
dans le bidonville instauré par l’État à la périphérie de la ville. Ils comptent mobiliser tous les députés européens porteurs de valeurs d’humanité.

« Loin des yeux, loin du cœur, dit-on… Alors venez voir les conditions de vie des réfugiés à ­Calais ! lance Jacky ­Hénin, l’ancien maire communiste de la ville. Notre combat est difficile parce que nous ­cherchons à construire un monde qui aille à l’inverse de celui dans lequel nous vivons. Mais pour eux, ce qui est difficile, c’est la vie quotidienne.  » Sept parlementaires français, espagnols, basques, portugais et italiens, de la Gauche unitaire européenne (GUE) écoutent, mardi matin, celui qui, comme eux, siégea un temps dans l’Hémicycle bruxellois. Ils sont venus rencontrer les militants qui œuvrent auprès de ceux qui vivent dans la «  jungle  » et ­témoigner de leur solidarité.

Deux heures et demie de discussions. On évoque les violences policières. L’instrumentalisation par la droite et l’extrême droite de la crise humanitaire qui se joue sous les yeux d’une population de plus en plus ­soumise à la misère sociale. Les mesures ­discriminatoires, ­orchestrées par la mairie, empêchant les exilés d’entrer à la piscine et à la médiathèque municipale. Une dizaine d’associations viennent d’ailleurs de saisir le procureur et le défenseur des droits à ce sujet.

On parle aussi des passeurs et de l’aubaine que représentent pour eux les constructions de barrières qui ­encerclent Calais. Ou encore, du choix délibéré des autorités de laisser pourrir la situation parce qu’en faisant autrement on inciterait un plus grand nombre de personnes à venir. «  C’est la même logique qui a conduit à stopper l’opération “Mare Nostrum”, s’indigne la députée italienne Barbara Spinelli. On nous a expliqué qu’il fallait arrêter de sauver des vies pour éviter ce fameux “appel d’air”.  » On évoque aussi des solutions. «  En se servant des logements vacants du centre-ville, on pourrait créer des unités d’accueil à taille humaine  », propose, par exemple, Philippe Wannesson, de Migreurop.

Puis, dans l’après-midi, les eurodéputés, divisés en trois groupes, plongent dans la réalité boueuse du bidonville d’État. La ­parlementaire française du Front de gauche Marie-Christine Vergiat est accompagnée de Patrick ­Margaté, collaborateur au secteur international du PCF. Tous deux marchent dans les pas de Cécile, une militante de Salam. Une association qui, jusqu’en janvier 2015, distribuait des repas aux exilés dans le centre-ville de Calais. Quand tous les réfugiés ont été rassemblés dans un seul bidonville à ­l’extérieur de la ville, Salam a été chassée du local qu’elle utilisait jusque-là. Avec d’autres, comme l’Auberge des migrants ou le collectif Migreurop, ils continuent d’agir. Mais les moyens se raréfient.

«  Nous recevons 19 000 euros de subventions et nous dépensons en ce moment près de 100 000 euros par mois, témoigne Christian Salomé, de l’Auberge des migrants. Nous parvenons à continuer grâce aux dons de particuliers.  » La majorité des aides publiques va, en fait, à l’association Vie active, gérante du centre Jules-Ferry, une structure d’accueil sous-dimensionnée prévue pour quelques centaines de femmes avec enfants et qui distribue à peine 2 000 repas quotidiens quand on dénombre plus de 6 000 réfugiés. «  Tout ça procède d’une gestion administrative et comptable qui se soucie peu de l’humain  », s’insurge la députée du Front de gauche.

Aucune action décisive
en faveur des mineurs isolés

Cécile marche en tête. Elle décrit les lieux à l’eurodéputée. Ici, sous de grisâtres tentures de plastique, une école de fortune. Là, un des dix points d’eau auquel, dans le froid de ce 1er décembre, se lavent quelques hommes. «  Nous sommes dans la partie du camp à majorité kurde, explique la bénévole. C’est ici que vous verrez le plus de familles avec enfants.  »

Bien que le tribunal administratif de Lille, soutenu par le Conseil d’État, ait condamné le gouvernement et la municipalité à recenser et mettre à l’abri les mineurs isolés, les ­associations en dénombrent toujours près de 150 et toujours aucune action des autorités pour les sortir de là.

Quelques flaques de boue plus loin, Marie-Christine Vergiat entre dans une échoppe de fortune construite par Sikandar, un ­réfugié afghan. Ils avaient déjà eu l’occasion de dialoguer, en septembre, à la Fête de l’Humanité. Au fond de la baraque, quelques militants britanniques de l’ONG Save the Children, discutent des actions à mener en direction des plus jeunes.

Les députés circulent de tentes en cabanes et discutent avec les réfugiés qui témoignent tour à tour des violences subies, de ce qu’ils ont fui, de leur fatigue… Au milieu des abris, se dresse le Good Chance Theater. Ça ressemble aux prémices d’une dynamique culturelle. À côté, sous ses bâches rouges et jaunes, le Centre pour femmes et enfants. C’est ici, que au lendemain des attentats de Paris, a été organisée une prière collective dédiée aux victimes. Plus loin, le chantier est en marche pour ­l’acheminement de containers prévus pour abriter 1 500 personnes. Un maigre début de solution absolument pas à la hauteur des ­besoins. «  Que va-t-on faire de ceux qui n’y auront pas accès ? interroge une bénévole. Va-t-on les expulser ?  » Voilà le terreau de nouvelles tensions.

« Ce qui se passe ici 
est un scandale national »

En fin de journée, parlementaires et militants se rassemblent dans une grande tente. Karim, un imposant et souriant Pakistanais, y sert du thé au lait. Chacun exprime son ressenti, dans une ambiance bien éloignée de la technocratie bruxelloise. La consternation est générale. «  Il faut mettre le Conseil de l’union européenne (UE) devant ses responsabilités, insiste Miguel Viegas, député du Parti communiste portugais. Ce qui se passe ici s’ajoute à la situation dans les Balkans ou en Méditerranée.  » À Melilla, à ­Vintimille et plus récemment à la frontière gréco-macédonienne s’installent des situations semblables, gérées sans véritable moyen, ici par le Haut-Commissariat aux réfugiés, là-bas par les volontaires d’associations ­démunies. Pour Patrick Margaté, il faut instaurer un rapport de forces politique qui impose aux gouvernants un changement de ligne. «  Ce qui se passe ici est un scandale national  », lâche le responsable communiste. À la nuit tombée, le groupe quitte la jungle. Les gyrophares d’une dizaine de cars de CRS éclairent la sortie du camp. Les représentants de la Gauche unitaire européenne ne comptent pas en rester là. «  C’est une question essentielle qui doit être portée au-delà de notre groupe politique, lance l’un d’entre eux. C’est une situation mortifère pour l’UE d’en être à ce point d’indignité.  » Chacun veut croire que des solutions concrètes existent, notamment en ce qui concerne le sort réservé aux femmes et aux enfants dans le camp. Un des trois groupes de parlementaires a récolté des témoignages de viols. On pointe aussi l’absurdité des accords du Touquet, qui déplacent la frontière britannique à Calais. Des centaines de réfugiés se ­retrouvent dans l’impossibilité de demander l’asile en ­Angleterre alors qu’ils y ont droit selon les dispositifs de regroupements familiaux en vigueur outre-Manche.

«  Ce que nous avons vu aujourd’hui est révélateur de l’égoïsme des États membres de l’UE, commente, pour sa part, Marie-Christine Vergiat. Ils refusent depuis trop longtemps de prendre en compte les recommandations de la Commission européenne et des associations pour l’ouverture de voies légales d’accès à l’asile ou pour la protection des enfants. Je suis française et j’ai honte. Ce qui se passe à Calais est indigne du pays des droits de l’homme.  » »

Voir en ligne : http://www.humanite.fr/calais-les-d...