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La santé mentale des migrants, l’affaire de qui ?

Publié le mardi 2 mai 2017 , mis à jour le mardi 2 mai 2017

Source : www.ch-le-vinatier.fr, Rhizome n° 63 - Cliniques et migrations

Auteur : Cihan Gunes, Psychologue clinicienne, Bruxelles

« D’un préalable fondamental à toute réflexion clinique

L’année 2015-2016 a connu une crise, communément appelée « crise de réfugiés ». Si le nombre d’arrivées peut être un facteur pertinent et légitime, il reste qu’il faille toujours le mettre en perspective. En décembre 2015, la Belgique a connu une augmentation de + 1 575 % du nombre d’arrivées de mineurs étrangers non accompagnés (MENA), comparé au même mois de l’année 2014. Mais à quel chiffre réel cela correspond-t-il ? 5 047. Dans ce pays de 11 millions d’habitants, le nombre de demandes d’asile a doublé entre 2014 et 2015, où 35 476 personnes y ont demandé protection. Qu’en est-il en France, pays six fois plus peuplé que la Belgique ? Le nombre de demandes d’asile est passé de 64 811 en 2014 à 80 075 en 2015 ; soit un ratio d’une personne pour une ville de plus de 82 000 habitants. Comment s’explique le tapage médiatique que nous vivons et avons vécu ? Plus d’un million de personnes avaient traversé la Grèce, et près d’un demi million d’entre elles ont demandé protection à l’Allemagne. Aux portes de l’Europe, mais surtout à celles de la Syrie, la Turquie a sur son territoire deux millions trois cent mille réfugiés en attente. La Jordanie a vu un million de réfugiés arriver. Mais le plus parlant est sans aucun doute le Liban. Ce petit pays de moins de six millions d’habitants a accueilli sur son territoire plus d’un million trois cent mille réfugiés. Les collègues du centre de soins pour victimes de la violence politique et de la torture Restart, à Beyrouth, ont vu leur file active augmenter de 500 à 2 500 patients. Imaginons un instant, en tant que clinicien, devoir recevoir soudainement cinq fois plus de personnes. De quoi remettre les choses en perspectives.

De quoi tout cela cache-t-il le nom ? Si cette crise, qui n’est pas finie, est bien un révélateur, c’est d’un problème structurel qui la précède (et en est en partie l’origine ?), et non un problème nouveau. Depuis le terrain, il s’agit plutôt d’une crise des dispositifs, tel le point culminant du non-accueil à l’œuvre en France depuis au moins deux décennies. Ces crises, car elles sont multiples, en disent bien plus sur l’état de nos sociétés que sur les « profils psychologiques » des réfugiés et ainsi sur la manière qui en découlerait de les « soigner ». Les discours sociétaux, médiatiques et politiques en cours, ainsi que les représentations qu’ils véhiculent - venant renforcer ou justifier un sentiment d’effraction ou d’invasion pré-existant - sont-ils suffisamment détricotés de nos espaces de pensée au moment de nous poser la question « Qui est concerné par la santé mentale des migrants ? »

Pour déployer quelque chose à partir de cette question, je vais me référer à ma pratique clinique pendant quelques années en France et depuis quelques mois en Belgique, dans deux structures associatives proposant un accompagnement psychothérapeutique aux personnes exilées, dans leur grande majorité victimes de violence politique ou de traitements inhumains. D’une manière globale, ce que cette clinique ne cesse de m’enseigner, c’est qu’elle est au centre d’une articulation bien spécifique, celle entre le sujet et le politique. Elle ne tire pas cette spécificité au sens où elle serait la seule à se trouver à la croisée de ces deux questions essentielles, loin de là. Ce qui lui est fort probablement spécifique, c’est qu’elle sait mettre en relief, dans toute sa force, ce nouage qui pourtant existe dans toute clinique. Qu’est-ce qui lie le sujet - au sens clinique du terme - au politique ? L’hypothèse serait la suivante : le politique - dans le sens de ce qui se négocie collectivement afin de parvenir à un certain vivre ensemble - engage des coordonnées sociétales symboliques dans lesquelles vont pouvoir (ou non !) s’exprimer des cultures, des histoires familiales et des histoires singulières. C’est aussi sur cette toile de fond que se tissera pour l’un la potentialité de s’inscrire dans un lien et de se sentir en droit d’être lié à d’autres. Si la psychanalyse pense le rapport du sujet à lui-même et à l’Autre, c’est en passant par le rapport qu’il entretient aux autres et au monde qui l’entoure. Mais dans l’autre sens, quels effets sur le sujet du traitement que le monde lui réserve ? Apparaît sur ce chemin la question des représentations en circulation. Quelles sont celles concernant les exilés, dans les discours tantôt migrants tantôt réfugiés ? L’exilé, le migrant, le réfugié est aujourd’hui plus que jamais une figure exclue, dont l’arrivée est vécue sur le mode de l’intrusion, inquiétante ou du moins encombrante, lorsqu’elle n’est pas perçue sur le mode de l’invasion. L’actualité ne cesse de nous le démontrer.

Mme D. me disait, il y a quelques années de cela, en consultation : « Je n’en peux plus qu’on nous appelle “les demandeurs d’asile”. On n’est pas des numéros, on a une histoire nous aussi. »

Qu’est-ce que l’exil ?

À la question qui nous concerne dans cet article, commençons par cela : que veut dire « migrant » ? Dans son emploi, ce terme recouvre-t-il une catégorie sociale, une identité (figée), une condition sociale ou une expérience vécue et les effets psychiques qu’elle peut induire ? Par quelle porte d’entrée les cliniciens pensent-ils le travail avec ces personnes ? Le minimum que l’on puisse avancer comme préalable est qu’un écueil certain serait d’essentialiser l’étiquette, en ce que cela révélerait une stigmatisation rigide. Car si l’expérience de l’exil est le dénominateur commun pour toutes ces personnes, et que l’on s’accorde à penser qu’elle produit des effets psychiques, nous devrions bien nous garder de les anticiper pour « l’un ». Comme toute expérience de vie, il est à entendre quelles traces, singulières et subjectives, elle laisse chez une personne. Autrement dit, si nous pouvons assez pertinemment supposer que cela influera sur le rapport qu’un individu peut avoir au monde, aux autres, et à lui-même ; il nous reste à entendre de quelle manière pour chaque sujet. Aussi, comme l’actualité tendrait à faire penser le contraire, il semble d’autant plus important et nécessaire de (re)préciser que « migrant », ou « migration », n’est ni une pathologie, ni un concept psychopathologique. Cela n’est évidemment pas sans effets sur la question de la pertinence de la création ou de la promotion de services spécialisés.

Deux courants d’espaces cliniques se dessinent en France : ceux centrés sur la dimension culturelle et ceux sur l’exil. Les premiers font le pari que ce qui est fondamentalement en jeu dans cette clinique relève d’un travail interculturel/transculturel. Le sujet, en perte de repères, serait à accompagner dans sa découverte d’une société régie par des codes culturels autres, tout en étant dans un mouvement de négociation avec les codes de son pays d’origine. Les second, dans lesquels je me situe, optent pour une approche clinique qui irait au-delà de la question d’un remaniement psychique articulé à la dimension culturelle du déplacement. L’exil, défini comme une expérience dynamique, est ici à entendre comme la quête fondamentale d’un lieu pour exister (Benslama, 2000). Les concepts centraux de ce courant proviennent de la psychanalyse et du postulat de l’universalité de l’Inconscient et de son fonctionnement. Autrement dit, il y est question du rapport fondamental que chaque sujet a à l’Autre et à la perte originelle - exil structural fondamental traversé d’une manière singulière et subjective. Cette perte originelle est le propre de tout sujet, quelque soit son lieu de naissance et de vie. Dans cette optique, l’exil géographique viendrait réactiver l’expérience singulière de l’exil fondamental de chaque petit d’Homme (Stitou, 1997). Il ne s’agit pas alors de centrer le travail sur les coordonnées culturelles environnant chaque sujet, ces dernières étant considérées comme un prisme d’expression possible des traces laissées par cette perte fondamentale. C’est dans la dynamique du désir et du rapport à l’Autre, quelle qu’en soit la coloration culturelle, qu’il est à entendre quelque chose. Pour le dire encore autrement, ce courant clinique pose le postulat qu’il est impossible de prévoir à l’avance les effets de l’exil pour une personne ; sera-t-il l’occasion de remaniements psychiques structurants et porteurs pour une personne - à l’image du processus adolescent - ou au contraire viendra-t-il réveiller ses failles, cristallisant un rapport crispé au monde et à lui-même ? Sera-t-il source de honte ou de fierté ? Il n’y a pas de psychopathologie de l’exil, même si nous nous accordons sur le fait que cette expérience - dans ce qu’elle touche l’intime du sujet - n’est pas sans effets. Reste à ne pas les anticiper et à savoir entendre comment cette expérience traverse le sujet.

Des effets d’une violence instituée

Mais ce que je souhaiterais avancer ici, comme une réflexion clinique en cheminement, c’est que être exilé/migrant/réfugié est une condition politique… et que cet aspect est à penser dans nos lieux de consultation. Même dans les cas où le déplacement aurait été choisi, désiré, porté psychiquement, la dimension politique du départ, mais ne serait-ce que de l’arrivée, n’est pas à sous-estimer. Il ne sera pas question ici d’énumérer toutes les causes poussant à l’exil, bien que les raisons du départ sont tout à fait déterminantes en termes d’impacts possibles sur la santé mentale. Le seul exemple des victimes de la torture amène son lot de réflexions cliniques spécifiques que les membres du réseau Réséda (1), par exemple, élaborent.

Les conditions de non-accueil des exilés sont une évidence pour qui exerce dans ce champ : de la précarité matérielle dans laquelle les personnes se retrouvent plongées durant de longs mois voire des années, à la précarité symbolique induite par les procédures, de la mise en doute permanente de leur parole qui n’a pas toujours été le cas mais est le fruit d’une représentation contemporaine - celle de la figure du fraudeur à débusquer - aux logiques d’infantilisation voire d’objectalisation qui sont à l’œuvre, les arguments sont nombreux.

Quelle parole possible lorsque cette dernière est institutionnellement silenciée ?

Si je me réfère à ma pratique clinique, voici ce que je suis amenée à entendre. En premier lieu, et ce d’une manière écrasante, les effets de la violence instituée et institutionnalisée auxquelles ces personnes ont à faire face au quotidien, ici. Cela s’exprime par des signes cliniques divers : les idées dépressives, l’angoisse généralisée, les troubles du sommeil, le ressassement des impératifs de la procédure (contrainte de la preuve et peur de ne pas savoir convaincre), l’incapacité à se projeter imaginairement dans un futur, la culpabilité qui se transforme fréquemment en désespoir d’avoir laissé des proches derrière soi en vain, la honte, les troubles de l’appétit, les troubles somatiques divers et persistants, les cauchemars, l’irritabilité… Et avec le temps, la dynamique désirante qui se fige, le sujet réduit à une position passive quasi objectalisée, les pensées suicidaires avec risque de passage à l’acte et pour certains la plongée dans l’errance psychique, une mélancolisation du corps ou une décompensation d’allure psychotique.

Quand et tant qu’une élaboration est possible, ce sont des questions de deuils, de pertes, de solitude, des troubles narcissiques, que nous entendons. Les enfants que l’on a laissé derrière soi, l’absence de ses autres, la peur qu’il leur arrive du mal avant de parvenir à les mettre à l’abri, la culpabilité liée aux menaces et violences qui se rabattent sur les proches restés au pays au nom de celui qui est parti. Un sentiment d’impuissance envahissant. Écrasant.

Pour très peu, une question de culture, d’adaptation. L’incompréhension du monde qui les entoure ici ne me semble pas tant provenir d’une incapacité à décoder les nouveaux codes culturels. La souffrance de la solitude et l’omniprésence des absents ne sont pas à rabattre à la découverte d’une société où le communautaire culturel serait inexistant. Elle témoigne de l’exclusion ressentie, de la non-place. C’est le sentiment d’appartenance à la communauté humaine, qui se trouve fissuré, qui fait tanguer ces sujets. À la question qui tente les cliniciens « comment fait-on dans votre pays dans ces cas-là ? », il me semble que la réponse qui se manifeste à qui veut bien l’entendre est « là-bas j’avais une place. »

Cette entreprise de mise à mal de ces autres, qui agit telle une mise en suspens du sujet, s’entend aussi dans le malaise ou la souffrance des équipes exerçant dans ce champ. Même pour ceux travaillant avec des personnes ayant été victimes de la torture - que l’on peut imaginer éprouvés de cette écoute des abîmes de la violence qu’un Homme est capable d’infliger à un autre - ce qui s’entend comme insupportable au quotidien, c’est la violence instituée ici. Celle qui barre tout horizon. Notre travail clinique auprès de ces personnes pourrait pourtant être résumé ainsi : profiler un horizon pour l’autre, y croire pour lui avant qu’il ne parvienne, peut-être, à y croire de nouveau pour lui-même. Sans compter que cet horizon barré traverse le clinicien, lui aussi, pris au piège d’une actualité qui l’englobe, dont il peine à s’extirper quand il constate que l’autre est à bout : à bout de démarches, à bout de parcours, à bout d’espoir. Que reste-t-il une fois que la parole de cet autre a été déniée, son histoire silenciée, sa trajectoire invisibilisée ? Parfois plus qu’un corps, mis à nu, qui s’éteint ou qui s’automutile, comme ultime preuve de son existence. Quand il n’y a plus de voix, il reste un regard, qu’il faudra savoir soutenir avant qu’une parole n’émerge à nouveau.

Qui, alors, pour entendre ?

« Qui est concerné par la santé mentale des migrants ? » Si nos lieux de pratique spécialisés se légitiment, c’est peut-être dans cet effort permanent de réfléchir la question du lien, en cela que nous avons à faire au symptôme du social et aux effets subjectifs qu’il produit. Nous ne sommes pas des spécialistes ès culture, et je pense véritablement qu’il ne faille ni l’être ni même le souhaiter. Pour éviter de tomber dans l’écueil d’un déni de la dimension culturelle, il me semble qu’il suffit d’adresser à nos patients les questions qui se poseraient à nous ; nul impératif de se constituer un savoir en dehors d’eux, encore moins si l’on considère comme centrale l’articulation Sujet/Culture. Pour le dire autrement, une personne n’est pas le représentant d’une culture, mais il est question d’entendre comment « sa culture » la traverse ; qu’est ce qui fait point de repère pour elle ; qu’est-ce qui la soutient comme ce qu’elle rejette.

Dans nos lieux « spécialisés », nous construisons une pratique au fil de nos échanges, de nos élaborations, en faisant le pari de croire suffisamment en nos outils conceptuels pour les frotter à des situations qui sembleraient à priori ne pas relever d’eux. Et c’est à cet endroit précis que je formulerai ma réponse, la santé mentale des migrants concerne tout clinicien. Seuls nos cadres s’adaptent, et nous sommes animés par le désir de transmettre nos expériences. Parce que nos cadres de travail ne tiennent qu’à la condition que d’autres cadres existent. Parce qu’une « ghettoïsation » de l’accompagnement clinique des exilés n’est pas souhaitable. Elle ne ferait que renforcer le symptôme qui agit, celui de l’exclusion et de l’invisibilisation, de la mise au banc du reste de la communauté.

Lorsqu’une école adresse un enfant vers le CMPP de son territoire et que l’équipe découvre que son histoire familiale est marquée d’un exil, qu’un service de protection de l’enfance a la responsabilité d’un mineur isolé étranger, qu’une assistante sociale de secteur cherche un clinicien pour une personne, étrangère, qu’elle accompagne ; qu’est-ce qui les motive à se tourner vers nos centres spécialisés ? Le fait que nous ayons pensé et mis en place des dispositifs de rencontre adaptés ; qu’ils considèrent que cela relève d’une clinique spécialisée hors du droit commun ; qu’ils pensent que cela ne relève pas d’un travail véritablement clinique (argument typique des « problématiques sociales ») ; ou qu’ils fantasment à notre endroit une expertise qui au fond viendrait pallier aux limites qu’ils estiment de leur capacité à accompagner ces personnes ? Et surtout, quels effets ces orientations spécifiques peuvent-elles avoir sur les personnes concernées ? Si pour certaines elles activent l’illusion d’une meilleure compréhension par l’autre (dont il nous faut d’ailleurs, comme pour tout clinicien, nous extraire afin qu’une parole émerge) ; pour d’autres elles signent à nouveau l’exclusion. Au début de ma pratique, une femme turque m’avait été orientée par une assistante sociale, parce que je suis moi-même d’origine turque, pensant que je serai « plus à même de la comprendre ». L’irritabilité et la contestation de cette femme avaient été présentes dès les premières minutes de notre rencontre. « Pourquoi devrais-je venir chez vous ? C’est parce que je suis turque c’est ça ? Qu’est-ce qui fait que je ne pourrais pas aller voir n’importe quel psy comme une autre personne ? » Tout cela dans un parfait français…

Dès lors que nous convenons que l’argument culturel n’est pas central - je n’en ferai pas l’objet d’un développement ici en me contentant de référer le lecteur aux désormais nombreuses publications à ce sujet - ce sont des questions de pratiques qui se posent. En premier lieu, le dispositif avec interprète. Que l’on ne s’y méprenne pas ; si ce dispositif amène une richesse dans la clinique dès lors que l’on déploie une réflexion à son endroit, il existe avant tout car c’est à la seule condition de son existence que des personnes allophones ont accès aux soins psy en tous genre. Sans interprète, nous ne serions tout simplement pas en mesure de recevoir ces personnes. Il est sans doute essentiel de répéter cette évidence. Ce dispositif n’a en lui-même rien de confortable et il ne va pas de soi pour un travail d’écoute clinique, a fortiori d’orientation psychanalytique. Mais c’est un pari que nous faisons, qu’une parole et un travail de cet ordre sont possibles dans ces conditions particulières, ce que la clinique nous confirme. C’est donc avant tout, il me semble, une question d’éthique. Œuvrons-nous à ne pas exclure - même par défaut - des personnes de nos espaces ? Si oui, il s’agit alors de penser les effets des « aménagements » que cela induit.

Certes, la clinique auprès des exilés renvoie très fréquemment à l’actualité d’une précarité de séjour. Il s’agit là d’un autre aspect incontestable qui amène son lot de réflexions spécifiques, tant elle est présente dans la réalité dans laquelle se trouve la personne reçue que dans son discours. Mais faut-il pour autant prôner l’existence de lieux de consultations spécifiques ? Notre travail d’écoute est-il déconnecté de la réalité des conditions de vie des personnes que nous accueillons, quelles qu’elles soient ? Ce point qui nous déborde, nous encombre ou même parfois semble constituer un empêchement à notre écoute (sans doute beaucoup plus qu’un empêchement à la parole de l’autre !), ne sert-il pas à justifier un mouvement d’évacuation de l’accueil de ces personnes dans nos lieux ? N’est-il pas, souvent, à l’origine d’une série de réflexions justifiant des services spécialisés ? Enfin, n’y aurait-il pas là quelque chose de l’ordre d’une résistance, d’une défense, voire même d’un déni propre à une logique symptomatique, dans laquelle nous serions pris à notre insu ? Car après tout, le clinicien peut-il raisonnablement se penser comme exclu/intouchable des logiques et dynamiques sociétales à l’œuvre ? S’il est tenu de s’en extraire, dans son écoute et sa posture, il me semble que cela ne puisse se faire qu’à la condition d’un travail préalable de questionner à quels endroits et de quelle manière il est traversé par ces dernières. C’est ce que nous faisons dans nos services « spécialisés », tout en invitant, par tous les moyens que nous parvenons à développer, l’ensemble de nos collègues du champ de la santé mentale. »

Voir en ligne : http://www.ch-le-vinatier.fr/orsper...


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