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Défenseur des Droits - Compte-rendu de la mission conduite par Mme Yvette MATHIEU, Préfète, Chargée de mission auprès du Défenseur des droits, sur la protection des droits de l’enfant à Mayotte

Mars 2013

Publié le vendredi 29 mars 2013 , mis à jour le vendredi 23 mai 2014

Extraits – page 40 à 42

L’estimation du nombre de mineurs isolés étrangers de janvier à novembre 2011 (échelle temporelle de 11 mois) est apparue comme une base raisonnable d’appréciation au regard des informations, par ailleurs déjà connues des précédents recensements effectués : 87% des mineurs se retrouvent en situation d’isolement à la suite de la reconduite à la frontière de leurs parents, 13% de situations d’enfants isolés sont générées par d’autres motifs : père ou mère à l’étranger ou dans un autre département, père ou mère incarcéré, père ou mère décédé. .

Le nombre estimé est de 2 922 isolés, 1 666 avec des adultes apparentés, 584 avec adultes non apparentés, 558 sans référent adulte. 558 sur 3 000 sont donc sans référents adultes, auxquels s’ajoutent les orphelins demandeurs d’asile.

L’isolement dans le cadre de reconduites à la frontière de l’un ou l’autre des parents s’expliquer par la non déclaration d’enfants par les parents, dans l’espoir d’un retour rapide ou parce qu‘ils estiment que les enfants, même isolés, pourront jouir d’une existence plus favorable à Mayotte, d’autant que certains d’entre eux pourront, dès l’âge de 13 ans, demander la nationalité française du fait de leur naissance à Mayotte.

S’ajoutent encore à ces situations les difficultés liées à l’absence de registres d’état civil stabilisés et la complexité des démarches en matière de délivrance de titres de séjour.

Il y a une véritable violence administrative à l’égard des enfants et une génération de 15, 20 ans, sans identité est en voie de création.
La mise à jour des données de l’OMI répond partiellement à cette question. Les éléments recueillis sont, en effet, de meilleure qualité et le taux de non réponse aux enquêtes est plus faible.

Grâce à une plus grande fiabilité des estimations ainsi réalisées, le parquet, l’association Tama et les services de l’ASE sont aujourd’hui en mesure de mieux remplir leurs missions.

La fiabilité des estimations du nombre de mineurs isolés a, en outre, été renforcée du fait d’un meilleur contrôle des mouvements migratoires. Le nombre total d’interpellations a ainsi diminué. Les interpellations maritimes sont en hausse (2 432 mineurs empêchés de pénétrer sur le territoire) et les reconduites terrestres ont été réduites de moitié. La part des personnes reconduites à la frontière, à partir d’interpellations terrestres, connaît une baisse considérable en 2012 (- 48%). Dans ce cadre, l’effectif des femmes reconduites est divisé par deux. On observe ainsi que les nouvelles pratiques de reconduites à la frontière tendent à créer moins d’isolement.

Le degré d’isolement a également été réévalué entre adulte apparenté, adulte non apparenté et seul.

Pour reprendre les termes du sociologue David Guyot« lorsque tout converge, c’est qu’on peut prétendre être dans le vrai ». Il utilise une approche comparative démontrant que le nombre de mineurs isolés vivants « sans adultes » serait en baisse significative (- 8,7%).

Témoignages d’associations :
« Faute de moyens et d’effet de masse, on en vient à penser qu’un enfant de six ans peut se garder seul et qu’un enfant de plus de douze ans peut se débrouiller seul »

« Cinq grands frères (de 6 à 17 ans) ne vont pas à l’école, à tour de rôle, pour garder leur petite sœur d’un an et demi. Leurs parents, vivant à Anjouan, ont fait venir l’adulte chargé de s’en occuper ; cette dame ne se souvenait même pas du nom et prénom de l’enfant. »

« Dès qu’on monte dans les collines, les parents se sauvent et abandonnent leurs enfants ; dans la journée, ils se cachent, laissant seuls les enfants ».

Mineurs délaissés (Vice rectorat, conseillère technique)

En octobre 2012, l’assistante sociale scolaire transmet une information préoccupante concernant une fratrie de quatre enfants âgés respectivement de 16, 14, 12 et 10 ans, qui vivent seuls au domicile familial depuis plusieurs mois, abandonnés par leurs parents.

L’ainée, brillante élève de terminale, a assumé les premiers mois, sans moyens financiers, la charge de la fratrie. Cette précarité perdurant, elle n’a plus été en capacité de gérer sereinement sa scolarité, s’est montrée de plus en plus perturbée, absentéiste, multipliant les prises de risques et les appels au secours.

Une information préoccupante a été transmise à la cellule « Bass maltraitance » mais l’évaluation et les mesures d’investigations ont tardées. En décembre 2011, la situation des enfants est, malgré tout, restée inchangée.

Fatiguée et désespérée, la jeune fille quitte également le domicile en décembre pour rejoindre un squat. En son absence, les plus jeunes sont confiés à une tante. Se trouvant en situation d’errance pendant plus d’un mois, elle a finalement pu être placée en famille d’accueil, plus de quatre mois après la première alerte.
Il ressort également de la mise à jour de l’OMI et des constats effectués par le sociologue David Guyot, les tendances suivantes :
- une population de mères migrantes seules avec des enfants se constitue et le recours pour ces dernières au marché matrimonial ;
- la cohorte des fratries issues de multi paternité s’accroît ; les enfants peuvent jouir de droits différents ;
- les signalements préoccupants accusent une légère augmentation + 2,7% ;
- le taux de cessation des isolements est porté à 5,1% ;
- le taux de mineurs isolés rattachés à un adulte apparenté est en hausse de 10% ;
- le taux de mineurs sans adulte référent est en baisse de 8,7% ;
- le taux de vie en couple est également en baisse de 6% ; - la séparation des couples est en hausse de 22,1% (reconduite des pères et leur non-retour)
- la scolarisation des mineurs isolés est en baisse significative, en 2012, de 6,8% ;
- le taux des MIE, en âge d’être scolarisés, en hausse de +2,1% avec à la clé l’augmentation de l’errance de jeunes exclus.

La réflexion engagée par l’OMI, en charge de proposer des solutions adaptées, devrait s’articuler autour de trois axes : le rapprochement familial, l’hébergement et la plateforme de décrochage scolaire.

La prégnance de la problématique des mineurs isolés étrangers amoindri les difficultés rencontrées par les autres mineurs vivant à Mayotte . L’échec scolaire, l’éclatement de la cellule familiale, la précarité et le désir de jouir pleinement des produits de consommation plus occidentaux sont autant de facteurs expliquant des dérives comportementales. L’action de l’ASE, avec le peu de moyens dont elle dispose, s’intéresse davantage à ces situations, sans pour autant être en capacité de les mesurer ni de les recenser.

Préconisation :

Le Défenseur des droits entend rappeler qu’un mineur isolé étranger est avant toute chose un mineur vulnérable qui, accessoirement, se trouve être de nationalité étrangère.

Un équilibre doit donc être trouvé entre les mesures répressives et la gestion sociale du phénomène, d’autant que, selon David Guyot, une stabilisation et une sédentarisation du phénomène des mineurs isolés est envisageable.

Rapport disponible en ligne ici ou en version PDF ci-dessous :

Compte-rendu de la mission sur la protection des droits de l’enfant à Mayotte (Avril 2013)

Les recommandations qui ont fait suite à ce compte-rendu sont disponibles ici